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Texte à méditer :   Un peuple civilisé ne mange pas les cadavres. Il mange les hommes vivants.   Curzio Malaparte
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Hors des sentiers battus
Le vivant et le temps
 "Contrairement à la plupart des branches de la physique, la biologie fait du temps l'un de ses principaux paramètres. La flèche du temps, on la trouve à travers l'ensemble du monde vivant, qui est le produit d'une évolution dans le temps. On la trouve aussi dans chaque organisme qui se modifie sans cesse pendant toute sa vie. Le passé et l'avenir représentent des directions totalement différentes. Chaque être vivant va de la naissance à la mort. La vie de chaque individu est soumise à un développement selon un Plan, particularité qui a eu une influence considérable sur la philosophie d'Aristote et, par là, sur toute la culture occidentale, sur sa théologie, son art et sa science. La biologie moléculaire a comblé le fossé qui a longtemps séparé cette caractéristique des êtres vivants, le développement selon un plan, et l'univers physique. La flèche du temps, nécessaire là où il y a vie, fait maintenant partie de notre représentation du monde. C'est la spécialité de la biologie, son estampille pour ainsi dire.
 La plupart des organismes possèdent des horloges internes qui règlent leurs cycles physiologiques. Tous ont des systèmes de mémoire qui sont à la base de leur fonctionnement, de leur comportement et même de leur existence. L'un de ces systèmes, le système génétique, est commun à tous les organismes. C'est, en somme, la mémoire de l'espèce. Elle est le résultat de l'évolution. Elle conserve, chiffrée dans l'ADN, la trace des événements qui, génération après génération, ont conduit à la situation actuelle. Comme on l'a précédemment discuté, les gènes ne sont pas influencés directement par les avatars de la vie. Les caractères acquis ne sont pas transmis à la descendance. L'expérience n'enseigne pas l'hérédité. Et si, en fin de compte, l'environnement retentit sur l'hérédité, c'est toujours à travers le long périple et les détours imposés par la sélection naturelle."
 
Français Jacob, Le jeu des possibles, 1981, Éd. du Livre de Poche, 1985, p. 95-96.


 "Si on consent à faire le point des diverses tentatives destinées à fournir un statut aux systèmes organisés, on constate que, à travers des approches de plus en plus fines et de plus en plus propres à cerner les caractéristiques de ces systèmes, on voit constamment transparaître le même problème fondamental : le comportement des systèmes vivants s'explique dès qu'on admet leur organisation, mais alors quelles sont les raisons qui rendent compte de l'organisation elle-même ? Peut-on mettre sur le compte d'une accumulation complexe d'événements aléatoires l'élaboration progressive, au cours des temps géologiques, de ces structures hautement improbables a priori ? On voit que les termes de la problématique biologique demeurent inintelligibles si on ne donne pas toute son importance à la distinction faite par R. Ruyer entre « fonctionnement » et « formation ». Le fonctionnement d'un système biologique est toujours « explicable », mais cela ne prouve aucunement que celui-ci se soit formé selon la même logique banale. Raisonner ainsi, c'est projeter après coup sur le processus de formation du système la logique qui préside à son fonctionnement, alors que c'est évidemment la formation qui rend possible le fonctionnement.
 
 Tout le problème biologique se concentre donc finalement sur sa dimension historique. Un système biologique donné n'est pas seulement une structure actuelle d'espace-temps, mais il présente une dimension temporelle qui le dépasse inimaginablement : toutes ses propriétés structurales et fonctionnelles ne s'expliquent que comme l'aboutissement actuel de l'histoire entière d'une lignée jusqu'aux premières étapes des différenciations qui ont jalonné l'histoire de la vie. C'est dire que, si le secret du fonctionnement du vivant se trouve dans sa structure, le secret de sa structure se trouve dans la logique qui a présidé à son élaboration à l'ordre de grandeur temporel des temps de la paléontologie. Le problème de l'évolution se situe ainsi au centre même du problème biologique, et se confond même avec lui."
 
F. Meyer, Situation épistémologique de la biologie, Encyclopédie de la Pléiade : Logique et connaissance scientifique, p. 805-806.

Date de création : 16/05/2012 @ 17:29
Dernière modification : 16/05/2013 @ 12:10
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