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Texte à méditer :  Je vois le bien, je l'approuve, et je fais le mal.  Ovide
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Hors des sentiers battus
La langue et l'Etat

  "Parler de la langue, sans autre précision, comme le font les linguistes, c'est accepter tacitement la définition officielle de la langue officielle d'une unité politique : cette langue est celle qui, dans les limites territoriales de cette unité, s'impose à tous les ressortissants comme la seule légitime, et cela d'autant plus impérativement que la circonstance est plus officielle (mot qui traduit très précisément le formal des linguistes de langue anglaise). Produite par des auteurs ayant autorité pour écrire, fixée et codifiée par les grammairiens et les professeurs, chargés aussi d’en inculquer la maîtrise, la langue est un code, au sens de chiffre permettant d’établir des équivalences entre des sons et des sens, mais aussi au sens de système de normes réglant les pratiques linguistiques. La langue officielle a partie liée avec l’État. Et cela tant dans sa genèse que dans ses usages sociaux.
 
 
 C'est dans le processus de constitution de l'État que se créent les conditions de la constitution d'un marché linguistique unifié et dominé par la langue officielle : obligatoire dans les occasions officielles et dans les espaces officiels (École, administrations publiques, institutions politiques, etc.), cette langue d'État devient la norme théorique à laquelle toutes les pratiques linguistiques sont objectivement mesurées. Nul n'est censé ignorer la loi linguistique qui a son corps de juristes, les grammairiens, et ses agents d'imposition et de contrôle, les maîtres de l'enseignement, investis du pouvoir de soumettre universellement à l'examen et à la sanction juridique du titre scolaire la performance linguistique des sujets parlants.
 
 
 Pour qu'un mode d’expression parmi d'autres (une langue dans le cas du bilinguisme, un usage de la langue dans le cas d'une société divisée en classes) s'impose comme seul légitime, il faut que le marché linguistique soit unifié et que les différents dialectes (de classe, de région ou d'ethnie) soient pratiquement mesurés à la langue ou à l'usage légitime. L'intégration dans une même « communauté linguistique », qui est un produit de la domination politique sans cesse reproduit par des institutions capables d'imposer la reconnaissance universelle de la langue dominante, est la condition de l'instauration de rapports de domination linguistique."
 
 
 
 
Pierre Bourdieu, Ce que parler veut dire, 1982, Fayard, p. 27-28.


  "Jusqu'à la Révolution française, le processus d'unification linguistique se confond avec le processus de construction de l'État monarchique. Les « dialectes », qui sont parfois dotés de certaines des propriétés que l'on attribue aux « langues » (la plupart d’entre eux font l'objet d'un usage écrit, actes notariés, délibérations communales, etc.) et les langues littéraires (comme la langue poétique des pays d'Oc), sortes de « langues factices » distinctes de chacun des dialectes utilisés sur l'ensemble du territoire où elles ont cours, cèdent progressivement la place, dès le XIVe siècle, au moins dans les provinces centrales du pays d'oïl, à la langue commune qui s'élabore à Paris dans les milieux cultivés et qui, promue au statut de langue officielle, est utilisée dans la forme que lui ont conférée les usages savants, c'est-à-dire écrits. Corrélativement, les usages populaires et purement oraux de tous les dialectes régionaux ainsi supplantés tombent à l'état de « patois », du fait de la parcellisation (liée à l’abandon de la forme écrite) et de la désagrégation interne (par emprunt lexical ou syntaxique) qui sont le produit de la dévaluation sociale dont ils font l'objet : abandonnés aux paysans, ils sont définis en effet négativement et péjorativement par opposition aux usages distingués ou lettrés (comme l'atteste, parmi d'autres indices, le changement du sens assigné au mot patois qui, de « langage incompréhensible », en vient à qualifier un « langage corrompu et grossier, tel que celui du menu peuple ». Dictionnaire de Furetière, 1690)."
 
Pierre Bourdieu, Ce que parler veut dire, 1982, Fayard, p. 29-30.

Date de création : 03/10/2012 @ 07:57
Dernière modification : 03/10/2012 @ 08:02
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