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Hors des sentiers battus
L'espace public

  "Sous réserve de la simplification qui accompagne habituellement ce genre de représentations, on peut illustrer la structure de la sphère publique bourgeoise au XVIIIe siècle à l'aide d'un schéma où les différentes aires sociales seraient disposées comme suit :

Sphere_publique_bourgeoise.jpg

  La ligne de démarcation entre l'État et la société, et qui dans le contexte qui nous occupe est fondamentale, sépare le domaine public du domaine privé. L'espace public se limite au pouvoir auquel s'adjoint la cour. Quant au domaine privé, il inclut aussi la « sphère publique » proprement dite, car elle repose sur les personnes privées. Au sein de ce domaine, imparti aux personnes privées, nous distinguons donc la sphère privée de la sphère publique. La première comprend la société civile en un sens plus restreint, c'est-à-dire le domaine de l'échange des marchandises et du travail social, ainsi que la famille et sa sphère intime. La sphère publique politique, quant à elle, est issue de sa forme littéraire, et les opinions publiques qui en émanent jouent un rôle de médiateur entre les besoins de la société et l'État."

 

Jürgen Habermas, L'espace public, 1962, tr. fr. Marc B. de Launay, Payot, 1997, p. 41.


 

  "Le modèle de la sphère publique bourgeoise supposait une stricte séparation entre domaine privé et domaine public – séparation qui impliquait l'appartenance au domaine privé de la sphère publique elle-même, constituée par des personnes privées rassemblées en un public, et qui jouait un rôle d'intermédiaire entre les besoins de la société et l'État. Mais dans la mesure où domaines privé et public s'interpénètrent, ce modèle n'est plus applicable. On voit en effet apparaître une sphère sociale qui, ni du point de vue sociologique ni sous l'angle juridique, ne peut être rangée sous les catégories de public ou de privé. Cette sphère intermédiaire est le terrain où s'interpénètrent les domaines étatisés de la société et ceux, « socialisés », de l'État, sans aucune médiation des personnes privées qui font un usage politique de leur raison."

 

Jürgen Habermas, L'espace public, 1962, tr. fr. Marc B. de Launay, Payot, 1997, p. 184.



  "Si l'espace public est un phénomène social aussi élémentaire que le sont l'action, l'acteur, le groupe ou la collectivité, il échappe néanmoins aux concepts traditionnels de l'ordre social. L'espace public ne peut pas se concevoir comme une institution, ni, assurément, comme une organisation ; lui-même n'est pas une structure normative avec différenciation des compétences et des rôles, réglementation de l'affiliation de ses membres, etc. Il ne constitue pas non plus un système ; il admet certaines frontières intérieures, mais, vis-à-vis de l'extérieur, se caractérise par des horizons ouverts, poreux et mobiles. L'espace public se décrit le mieux comme un réseau permettant de communiquer des contenus et des prises de position, et donc des opinions ; les flux de la communication y sont filtrés et synthétisés de façon à se condenser en opinions publiques regroupées en fonction d'un thème spécifique. Tout comme le monde vécu dans son ensemble, l'espace public se reproduit lui aussi par le moyen de l'activité communicationnelle, la connaissance d'une langue naturelle étant suffisante pour y participer ; il lui importe que la pratique quotidienne de la communication soit à la portée de tous. Dans le monde vécu, nous avons découvert un réservoir d'interactions simples auxquelles les systèmes d'action et de savoir spécialisés, qui se différencient à l'intérieur du monde vécu, restent eux aussi liés. Ils se rattachent (comme la religion, l'école, la famille), aux fonctions générales de reproduction propres au monde vécu ou (comme la science, la morale, l'art) à différents aspects de validité des savoirs communiqués au moyen du langage ordinaire. Mais l'espace public ne se spécialise par rapport à aucun de ces aspects ; dans la mesure où il s'étend à des questions d'ordre politique, c'est au système politique qu'il abandonne le traitement de ces questions. L'espace public se distingue plutôt par une structure de communication relative à un troisième aspect de l'activité orientée vers l'entente ; il n'a donc trait ni aux fonctions ni aux contenus de la communication quotidienne, mais à l'espace social engendré par l'activité communicationnelle.
  À la différence des acteurs orientés vers le succès et qui s'observent réciproquement comme des êtres présents dans le monde objectif, ceux qui agissent au moyen de la communication se rencontrent dans une situation qui, par le biais des interprétations auxquelles ils parviennent au terme de leurs échanges, est en même temps définie par eux. L'espace intersubjectivement partagé d'une situation de parole s'ouvre en même temps que les relations interpersonnelles que les intéressés engagent à la fois en prenant position par rapport aux actes de parole qu'ils proposent réciproquement et en acceptant les obligations illocutoires qui en découlent. Toute rencontre qui ne se réduit pas à des rapports d'observation réciproque mais vit d'une liberté communicationnelle réciproquement concédée, se situe dans un espace public : constitué au moyen du langage. Il est en principe ouvert à des interlocuteurs potentiels, présents, ou encore susceptibles de survenir. [...]

  Dans l'espace public, les énonciations sont classées par thèmes et par prises de position exprimant un assentiment ou un refus ; les informations et les raisons invoquées sont transformées en opinions focalisées. Ce qui fait des opinions ainsi concentrées une opinion publique, c'est à la fois la manière dont elles se constituent et le large assentiment qui les « soutiennent ». Une opinion publique n'est nullement représentative au sens statistique. Elle n'est pas un ensemble d'opinions individuelles, relevées isolément et formulées dans un contexte privé ; en ce sens, il ne faut pas la confondre avec les résultats d'une enquête d'opinion. Le sondage politique ne présente un certain reflet de l' « opinion publique » qu'à la condition que, réalisé dans un espace public mobilisé, il ait déjà été précédé par une formation de l'opinion relative au thème abordé."

 

Jürgen Habermas, Droit et démocratie, 1992, tr. fr. Christian Bouchindhomme, Éditions Gallimard, 1997, p. 387-389.

 

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Date de création : 16/11/2013 @ 09:48
Dernière modification : 13/03/2014 @ 17:32
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