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Texte à méditer :   Les vraies révolutions sont lentes et elles ne sont jamais sanglantes.   Jean Anouilh
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Hors des sentiers battus
Langage et conceptualisation ; mots et concepts

  "Si l'esprit humain entreprenait d'examiner et de juger individuellement tous les cas particuliers qui le frappent, il se perdrait bientôt au milieu de l'immensité des détails et ne verrait plus rien ; dans cette extrémité, il a recours a un procédé imparfait, mais nécessaire, qui aide sa faiblesse et qui la prouve.
  Après avoir considéré superficiellement un certain nombre d'objets et remarqué
qu'ils se ressemblent, il leur donne à tous un même nom, les met à part et poursuit sa route.

  Les idées générales n'attestent point la force de l'intelligence humaine, mais plutôt son insuffisance, car il n'y a point d'êtres exactement semblables dans la nature : point de faits identiques ; point de règles applicables indistinctement et de la même manière à plusieurs objets à la fois.
  Les idées générales ont cela d'admirable, qu'elles permettent à l'esprit humain de porter des jugements rapides sur un grand nombre d'objets à la fois ; mais, d'une autre part, elles ne lui fournissent jamais que des notions incomplètes, et elles lui font toujours perdre en exactitude ce qu'elles lui donnent en étendue."

 

Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, II, 1840, 1ère partie, Chapitre III, GF, 1981, p. 21.



  "Pensons encore en particulier la formation des concepts. Tout mot devient immédiatement concept par le fait qu'il ne doit pas servir justement pour l'expérience originale, unique, absolument individualisée, laquelle il doit sa naissance, c'est-à-dire comme souvenir, mais qu'il doit servir en même temps pour des expériences innombrables, plus ou moins analogues, c'est-à-dire, à strictement parler, jamais identiques et ne doit donc convenir qu'à des cas différents. Tout concept naît de l'identification du non identique. Aussi certainement qu'une feuille n'est jamais tout fait identique une autre, aussi certainement le concept feuille a été formé grâce à l'abandon délibéré de ces différences individuelles grâce un oubli des caractéristiques, et il éveille alors la représentation comme s'il y avait dans la nature, en dehors des feuilles quelque chose qui serait une sorte de forme originelle selon laquelle toutes les feuilles seraient tissées, dessinées, cernées colorées crêpées peintes, mais par des mains malhabiles au point qu'aucun exemplaire n'aurait été réussi correctement et sûrement comme la copie fidèle de la forme originelle."

 

Nietzsche, Le Livre du philosophe, tr. fr. A.K. Marietti, Paris, GF, 1991, III, p.123.

 

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Date de création : 03/01/2014 @ 12:43
Dernière modification : 29/11/2016 @ 07:55
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