"[…] les distances ne détruisent pas l'amitié absolument, mais empêchent son exercice. Si cependant l'absence se prolonge, elle semble bien entraîner l'oubli de l'amitié elles-mêmes D'où le proverbe :
Un long silence a mis fin à de nombreuses amitiés.
On ne voit d'ailleurs ni les vieillards ni les gens moroses êtres enclins à l'amitié : médiocre est en eux le côté plaisants, et personne n'est capable de passer son temps en compagnie d'un être chagrin et sans agrément, la nature paraissant par-dessus tout fuir ce qui est pénible et tendre à ce qui est agréable. — Quant à ceux qui se reçoivent dans leur amitié tout en ne vivant pas ensemble, ils sont plutôt semblables à des gens bienveillants qu'à des amis. Rien, en effet, ne caractérise mieux l'amitié que la vie en commun : ceux qui sont dans le besoin aspirent à l'aide de leurs amis, et même les gens comblés souhaitent passer leur temps ensemble, car la solitude leur convient moins qu'à tous autres. Mais il n'est pas possible de vivre les uns avec les autres si on n'en retire aucun agrément et s'il n'y a pas communauté de goûts, ce qui, semble-t-il, est le lien de l'amitié entre camarades."
Aristote, Éthique à Nicomaque, VIII, 6, 1157b 10-1157b 24, tr. fr. J. Tricot, Vrin, 1990, p. 395-396.
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