* *

Texte à méditer :  Ceux qui brûlent des livres finissent tôt ou tard par brûler des hommes.  Heinrich Heine
* *
Figures philosophiques

Espace élèves

Fermer Cours

Fermer Méthodologie

Fermer Classes préparatoires

Espace enseignants

Fermer Sujets de dissertation et textes

Fermer Elaboration des cours

Fermer Exercices philosophiques

Fermer Auteurs et oeuvres

Fermer Méthodologie

Fermer Ressources en ligne

Fermer Agrégation interne

Hors des sentiers battus
Philosophie et vérité

  "C'est aussi à bon droit que la Philosophie est appelée la science de la vérité. En effet, la fin de la spéculation est la vérité, tandis que celle de la pratique est l'oeuvre : car, même quand ils examinent le comportement d'une chose, les hommes d'action ne considèrent pas la chose dans sa nature éternelle, mais par rapport à telle fin déterminée et à tel moment déterminé. Mais nous ne connaissons pas le vrai sans connaître la cause ; et la chose qui, parmi les autres, possède éminemment une nature est toujours celle dont les autres choses tiennent en commun cette nature : par exemple, le Feu est le chaud par excellence, parce que, dans les autres êtres, il est la cause de la chaleur ; par conséquent, ce qui est cause de la vérité qui réside dans les êtres dérivés, est la vérité par excellence. De là vient que les principes des êtres éternels sont nécessairement les plus vrais de tous, car ils ne sont pas vrais seulement à tel moment déterminé, et il n'y a pas de cause de leur être ; au contraire, ce sont eux qui sont la cause de l'être des autres choses. Ainsi autant une chose a d'être, autant elle a de vérité."

 

Aristote, Métaphysique, Livre α (II), tr. fr. Jules Tricot, Vrin, 2000, p. 61.



  "En fait, c'est dans son incertitude même que réside largement la valeur de la philosophie. Celui qui ne s'y est pas frotté traverse l'existence comme un prisonnier : prisonnier des préjugés du sens commun, des croyances de son pays ou de son temps, de convictions qui ont grandi en lui sans la coopération ni le consentement de la raison. Tout dans le monde lui paraît aller de soi, tant les choses sont pour lui comme ceci et pas autrement, tant son horizon est limité ; les objets ordinaires ne le questionnent pas, les possibilités peu familières sont refusées avec mépris. Mais [...] à peine commençons-nous à philosopher que même les choses de tous les jours nous mettent sur la piste de problèmes qui restent finalement sans réponse. Sans doute la philosophie ne nous apprend-elle pas de façon certaine la vraie solution aux doutes qu'elle fait surgir : mais elle suggère des possibilités nouvelles, elle élargit le champ de la pensée en la libérant de la tyrannie de l'habitude. Elle amoindrit notre impression de savoir ce que sont les choses ; mais elle augmente notre connaissance de ce qu'elles pourraient être ; elle détruit le dogmatisme arrogant de ceux qui n'ont jamais traversé le doute libérateur, et elle maintient vivante notre faculté d'émerveillement en nous montrant les choses familières sous un jour inattendu. Mais à côté de cette fonction d'ouverture au possible, la philosophie tire sa valeur – et peut-être est-ce là sa valeur la plus haute – de la grandeur des objets qu'elle contemple, et de la libération à l'égard de la sphère étroite des buts individuels que cette contemplation induit."

 

Bertrand Russell, Problèmes de philosophie, 1912, Chapitre XV.



  "Qu'est-ce que cette philosophie, si universelle et qui se manifeste sous des formes si étranges ? Le mot grec « philosophe » (philosophos) est formé par opposition à sophos. Il désigne celui qui aime le savoir, par différence avec celui qui, possédant le savoir, se nomme savant. Ce sens persiste encore aujourd'hui : l'essence de la philosophie, c'est la recherche de la vérité, non sa possession, même si elle se trahit elle-même, comme il arrive souvent, jusqu'à dégénérer en dogmatisme, en un savoir mis en formules, définitif, complet, transmissible par l'enseignement. Faire de la philosophie, c'est être en route. Les questions, en philosophie, sont plus essentielles que les réponses, et chaque réponse devient une nouvelle question.
  Pourtant, cette marche en avant – qui est le sort de l'homme dans le temps – n'exclut pas la possibilité d'un profond apaisement, et même à certains instants suprêmes, d'une sorte d'achèvement. Celui-ci n'est jamais enfermé dans un savoir formulable, dans des énoncés ou des professions de foi ; il l'est dans la façon dont s'accomplit, au sein de l'histoire, la condition d'un être humain auquel se révèle l'être même. Conquérir cette réalité dans la situation donnée, toujours particulière, où l'on se trouve placé, tel est le sens de l'effort philosophique."

 

Karl Jaspers, Introduction à la philosophie, 1950, tr. fr. Jeanne Hersch, 10/18, 1981, p. 10-11.



  "Philosopher, c'est parvenir de l'obscurité de la caverne à la lumière du jour, c'est-à-dire à celle de la vérité. La caverne c'est le monde de l'opinion opposé à celui de la connaissance. Or, l'opinion est essentiellement variable ; les hommes ne peuvent vivre, c'est-à-dire ne peuvent vivre ensemble, si les opinions ne sont pas stabilisées par le décret social. Elle se revêt ainsi d'autorité, elle se fait dogme collectif ou Weltanschauung. Philosopher, c'est donc s'élever du dogme collectif à une connaissance essentiellement privée, le premier n'étant qu'une réponse inadéquate au problème de la vérité dans sa plénitude ou de l'ordre éternel. Toute conception inadéquate de l'ordre éternel ne peut être au regard de cet ordre éternel qu'accidentelle ou arbitraire : elle doit sa validité non pas à sa vérité intrinsèque, mais au décret de la société et à ses conventions".

 

Léo Strauss, Droit naturel et histoire, 1953, Trad. Monique Nathan et Éric de Dampierre, Champs Flammarion, 1986, p. 23.



  "L'opposition de la philosophie et de son histoire ne se réduit pas à celle de deux concepts : elle se découvre aujourd'hui dans la difficulté concrète éprouvée par quiconque se propose de devenir philosophe. Ce que nous savons des tentatives passées ne peut, en effet, que nous inviter à considérer tout nouveau projet comme vain. L'exigence philosophique est exigence d'un savoir rigoureux, comportant démonstrations et preuves, pouvant donc se communiquer, s'imposer à tous, et permettant d'atteindre, en une totale certitude, la vérité. Or, l'histoire nous apprend qu'une telle exigence, dans la mesure où elle est parvenue à se satisfaire, a toujours abouti à la constitution de « philosophies », c'est-à-dire, en fait, à la formulation d'hypothèses sur la Nature et sur l'Homme, hypothèses relativement cohérentes à l'intérieur de chaque système, mais apparaissant, dès qu'on les considère en des systèmes divers, comme opposées et contradictoires.
  Nulle philosophie, quelles que soient sa richesse et sa profondeur, ne semble répondre au projet qui l'engendra, et qui fut projet de constituer, non certes une philosophie parmi d'autres, mais vraiment la philosophie comme pensée de la Vérité.

  La réussite de tout projet philosophique est donc échec encore. Descartes, rompant avec toutes les philosophies du passé, a cru formuler un corps de doctrine fondé en certitude. Mais le cartésianisme, malgré la rigueur de son ordre, a été, aussitôt, contesté. Kant a prétendu jeter les fondements de toute « métaphysique future voulant se constituer comme science ». Mais les métaphysiques qui ont succédé à la philosophie kantienne n'ont eu nul souci de ses normes. Peut-on espérer réussir là où ont échoué de tels philosophes ? Husserl l'espéra, entreprenant de fonder enfin, par la phénoménologie, la philosophie comme science rigoureuse. Et Bergson, estimant que tous les échecs des philosophies précédentes tenaient à ce que l'on y pensait le vrai selon l'éternel, crut découvrir l'authentique réalité dans l'intuition de la durée créatrice. Mais phénoménologie et bergsonisme sont seulement venus, à leur tour, enrichir la liste des philosophies constituées. De même que la liberté, évidente pour celui qui agit, ne peut plus être retrouvée par celui qui pense l'acte, et paraît alors n'avoir été, au sein de l'acte, qu'illusion subjective, de même l'assurance qu'a chaque philosophe de pouvoir atteindre la vérité, si elle est l'âme de son projet, semble ne pouvoir, à la réflexion, être tenue que pour illusoire."

 

Ferdinand Alquié, "Le savoir philosophique", Encyclopédie française, Paris, Société nouvelle de l'Encyclopédie française, 1957, t. XIX.



  "Quelles que soient les préoccupations d'ordre non théorique qui infléchissent aujourd'hui, comme à d'autres époques, la philosophie vers l'action sociale ou politique, vers la mystique ou vers la psychothérapie, on peut croire que ce ne sont bien que des inflexions, et que la direction générale de la philosophie est bien la recherche de la vérité. Car l'intention même de ceux qui recommandent ces inflexions, c'est d'atteindre à une vérité plus profonde. De même qu'un écrivain « engagé » veut tout de même, essentiellement, rester un écrivain, c'est-à-dire chercher la réussite artistique, et même une réussite de meilleur aloi, non devenir un pur militant qui fait pour son parti des corvées d'écritures, de même un philosophe, par définition, cherche la réussite dans l'ordre de la théorie, de la connaissance vraie.
  Chercher une vérité plus profonde, c'est chercher plus profondément la vérité …

  … Quand la philosophie est un effort théorique authentique, elle est science. Et si elle veut apporter une vérité spécifiquement philosophique, elle n'est pas une science plus profonde ou plus haute, elle est autre chose qu'une connaissance vraie, elle est « attitude » ou elle est « poésie ». La philosophie scientifique, disait Berdiaeff, est la philosophie de ceux qui n'ont rien à dire en philosophie. On peut être tenté de répondre que la philosophie « pure », spécifique, est la philosophie de ceux qui préfèrent une pseudo-science, ou qui ont des dispositions pour fabriquer des mythes plus que pour chercher la vérité.
  Toutefois, comme il arrive souvent, la polémique est mauvaise conseillère, et la réponse doit être beaucoup plus nuancée. L'expression "philosophie scientifique" est très équivoque. Si l'on considère la lignée des philosophes classiques par excellence, tout au moins en Occident : Platon, Aristote, Descartes, Malebranche, Spinoza, Leibniz, Hume, Kant, Hegel, Comte, Bergson, il est aisé de voir que tous, sans exception : 1. cherchent essentiellement la vérité, et une vérité unique ; 2. s'appuient essentiellement, de leur recherche  - même Hegel et Bergson-  sur la science de leur temps. Et cependant il serait très artificiel, même pour Descartes et Leibniz, de les étiqueter comme ayant fait une « philosophie scientifique ». Même sans présenter  une contre-liste qui comprendrait, par exemple, Plotin, Pascal, Berkeley, Schopenhauer, Heidegger et les philosophes orientaux, il est évident que la philosophie au sens classique et normal du mot, n'a jamais été, et probablement ne peut pas être, une simple présentation de la science. Elle est une théorie, non une action ou une création, mais elle est une théorie qui veut rendre justice à tout ce qui s'offre comme réel, que ce réel ait été ou non l'objet d'une recherche scientifique préalable   - et même surtout si ce réel est préalable à toute recherche scientifique. « Ce qui se présente dans l'expérience immédiate » est en effet le préalable par excellence pour toute théorie et le succès considérable de Husserl tient à ce que, indépendamment de son système et même de sa méthode, son « principe des principes » : "Toute intuition conduisant aux données immédiates et originaires est une source de connaissance valable, et toutes les données immédiates doivent être purement et simplement acceptées comme elles se présentent à l'intuition", en a appelé irrésistiblement à ce que l'on pourrait appeler l'instinct profond de tout philosophe.
  Les philosophies les plus classiques ne sont pas des « philosophies scientifiques », elles sont des « philosophies-sciences ». Plus exactement, elles s'efforcent toujours de rendre justice à la fois à la donnée immédiate et à l'univers de la science. La philosophie cartésienne en est l'exemple le plus typique, par la liaison du cogito et du mécanisme, mais toutes les philosophies sont du même type ; elles s'efforcent, d'une manière apparemment contradictoire, à la fois vers la naïveté et vers la science ; elles admettent toutes que si, comme le montre l'élaboration scientifique, l'impression immédiate est presque toujours trompeuse, superficielle, l'immédiat comme tel est la base de toute vérité."

 

Raymond Ruyer, "La Philosophie unie à la Science", Encyclopédie Française, T. 19, 1957.



  "L'homme possède de multiples ressources pour stimuler le progrès dans la connaissance de la vérité, de façon à rendre son existence toujours plus humaine. Parmi elles ressort la philosophie, qui contribue directement à poser la question du sens de la vie et à en ébaucher la réponse ; elle apparaît donc comme l'une des tâches les plus nobles de l'humanité. Le mot philosophie, selon l'étymologie grecque, signifie « amour de la sagesse ». En effet, la philosophie est née et s'est développée au moment où l'homme a commencé à s'interroger sur le pourquoi des choses et sur leur fin. Sous des modes et des formes différentes, elle montre que le désir de vérité fait partie de la nature même de l'homme. C'est une propriété innée de sa raison que de s'interroger sur le pourquoi des choses, même si les réponses données peu à peu s'inscrivent dans une perspective qui met en évidence la complémentarité des différentes cultures dans lesquelles vit l'homme."

 

Jean-Paul II, Foi et raison, 1998, § 3, Pierre Téqui éditeur, p. 5-6.
 

Retour au menu sur la vérité

Retour au menu sur la philosophie


Date de création : 13/07/2014 @ 09:43
Dernière modification : 11/11/2014 @ 15:24
Catégorie :
Page lue 16795 fois

Recherche



Un peu de musique
Contact - Infos
Visites

   visiteurs

   visiteurs en ligne

^ Haut ^