* *

Texte à méditer :  Aucune philosophie n'a jamais pu mettre fin à la philosophie et pourtant c'est là le voeu secret de toute philosophie.   Georges Gusdorf
* *
Figures philosophiques

Espace élèves

Fermer Cours

Fermer Méthodologie

Fermer Classes préparatoires

Espace enseignants

Fermer Sujets de dissertation et textes

Fermer Elaboration des cours

Fermer Exercices philosophiques

Fermer Auteurs et oeuvres

Fermer Méthodologie

Fermer Ressources en ligne

Fermer Agrégation interne

Hors des sentiers battus
Jugements analytiques et jugements synthétiques

  "On est sans doute tenté de croire d'abord que cette proposition 7 + 5 = 12 est une proposition purement analytique, qui résulte, suivant le principe de contradiction, du concept de la somme de sept et de cinq. Mais, quand on y regarde de plus près, on trouve que le concept de la somme de 7 et de 5 ne contient rien de plus que la réunion de deux nombres en un seul, et qu'elle ne nous fait nullement connaître quel est ce nombre unique qui contient les deux autres. L'idée de douze n'est point du tout conçue par cela seul que je conçois cette réunion de cinq et de sept, et j'aurais beau analyser mon concept d'une telle somme possible, je n'y trouverais point le nombre douze. Il faut que je sorte de ces concepts en ayant recours à l'intuition qui correspond à l'un des deux, comme par exemple à celle des cinq doigts de la main, ou (comme l'enseigne Segner en son arithmétique) à celle de cinq points, et que j'ajoute ainsi peu à peu au concept de sept les cinq unités données dans l'intuition. En effet je prends d'abord le nombre 7, et en me servant pour le concept de cinq des doigts de ma main comme d'intuition, j'ajoute peu à peu au nombre 7, à l'aide de cette image, les unités que j'avais d'abord réunies pour former le nombre cinq, et j'en vois résulter le nombre 12. Dans le concept d'une somme = 7 + 5, j'ai bien reconnu que 7 devait être ajouté à 5, mais non pas que cette somme était égale à 12. Les propositions arithmétiques sont donc toujours synthétiques ; c'est ce que l'on verra plus clairement encore en prenant des nombres plus grands : il devient alors évident que, de quelque manière que nous tournions et retournions nos concepts, nous ne saurions jamais trouver la somme sans recourir à l'intuition et par la seule analyse de ces concepts."

 

Kant, Critique de la raison pure, 1787, Introduction, V, tr. fr. Jules Barni.

 

  "On pourrait sans doute penser, à première vue, que la proposition 7 + 5 = 12 est une proposition simplement analytique qui résulte, en vertu du principe de contradiction, du concept de la somme de sept et de cinq. Mais quand on y regarde de plus près, on trouve que le concept de la somme de sept et de cinq ne contient rien de plus que la réunion des deux nombres en un seul, par quoi n'est pas du tout pensé ce qu'est le nombre unique qui renferme les deux autres. Le concept de douze n'est pensé en aucune manière par le fait seul que je conçois simplement cette réunion de sept et de cinq, et j'aurai beau analyser le concept que j'ai d'une telle somme possible, aussi longuement que je le voudrai, je n'y trouverai pas le nombre douze. Il faut dépasser ces concepts, en appelant à son aide l'intuition qui correspond à l'un des deux, par exemple celle des cinq doigts de la main, ou […] cinq points, et en ajoutant ainsi peu à peu les unités du nombre cinq donné dans l'intuition du concept de sept. Je prends tout d'abord, en effet, le nombre 7, et, en m'aidant, pour le concept de 5, des cinq doigts de ma main, en qualité d'intuition, j'ajoute alors une à une (nach un nach) au nombre 7, au moyen de ce procédé figuratif (an jenam meinem Bilde), les unités qu'auparavant j'avais prises ensemble pour constituer le nombre 5, et je vois naître ainsi le nombre 12. Que 5 dussent être ajoutés à 7, je l'ai, en vérité, pensé dans le concept d'une somme = à 7+5, mais non que cette somme soit égale au nombre 12. La proposition arithmétique est donc toujours synthétique ; on s'en convaincra d'autant plus clairement que l'on prendra des nombres quelque peu plus grands, car il est alors évident que, de quelque manière que nous tournions et retournions nos concepts, nous ne pourrions jamais, sans recourir à l'intuition, trouver la somme, au moyen de la simple décomposition de nos concepts."

 

Kant, Critique de la raison pure, 1787, Introduction, V, tr. fr. A. Tremesaygues et B. Pacaud, PUF, 1997, p. 41.


 

  "Le sens d'un énoncé est la méthode de sa vérification. Un énoncé ne dit que ce qui est en lui vérifiable. C'est la raison pour laquelle il ne peut affirmer, s'il affirme vraiment quelque chose, qu'un fait empirique. Une chose située par principe au-delà de l'expérience (jenseits des Erfahren) ne saurait être énoncée, pensée, ni questionnée.
  On peut ranger les énoncés (doués de sens) de la manière suivante : en premier lieu, ceux qui sont vrais en vertu de leur seule forme (ou « tautologies » d'après Wittgenstein, ils correspondent à peu près aux « jugements analytiques » kantiens). Ils ne disent rien sur le réel. À cette espèce appartiennent les formules de la logique et de la mathématique ; elles ne sont pas elles-mêmes des énoncés sur le réel, mais servent à leur transformation. En second, viennent les négations des premiers (ou « contradictions ») qui sont contradictoires, c'est-à-dire fausses en vertu de leur forme. Pour décider de la vérité ou fausseté de tous les autres énoncés, il faut s'en remettre aux énoncés protocolaires, lesquels (vrais ou faux) sont par là même des énoncés d'expérience (Erfahrungssätze), et relèvent de la science empirique. Si l'on veut construire un énoncé qui n'appartient pas à l'une de ces espèces, cet énoncé sera automatiquement dénué de sens.
  Et puisque la métaphysique ne veut ni formuler d'énoncés analytiques ni se couler dans le domaine de la science empirique, elle est contrainte d'employer des mots en l'absence de tout critère, des mots qui sont de ce fait privés de signification, ou bien de combiner des mots doués de sens de sorte qu'il n'en résulte ni énoncés analytiques (éventuellement contradictoires) ni énoncés empiriques. Dans un cas comme dans l'autre, on obtient inévitablement des simili-énoncés.
  L'analyse logique rend dès lors un verdict de non-sens contre toute prétendue connaissance qui veut avoir prise par-delà ou par-derrière l'expérience. Ce verdict atteint d'abord toute métaphysique spéculative, toute prétendue connaissance par pensée pure ou par intuition pure, qui croit pouvoir se passer de l'expérience. Mais le verdict s'applique aussi à cette métaphysique qui, issue de l'expérience, veut connaître au moyen d'inférences particulières ce qui se trouve hors de ou derrière l'expérience (ainsi, la thèse néovitaliste d'une « entéléchie » à l'œuvre dans les processus organiques et qui ne doit pas être conçue de manière physique ; ainsi, la question portant sur l'« essence de la causalité » par-delà la constatation de certaines régularités de succession ; ainsi, le discours sur la « chose en soi »). De plus, ce verdict vaut également pour toute philosophie des valeurs ou des normes, pour toute éthique, ou toute esthétique en tant que discipline normative. Car la validité objective d'une valeur ou d'une norme (et ce pour les philosophes des valeurs eux-mêmes) ne peut être vérifiée empiriquement ni déduite d'énoncés empiriques ; par suite, elle ne peut absolument pas être exprimée (par un énoncé doué de sens)."

 

Rudolf Carnap, "Le dépassement de la métaphysique", 1932, dans Manifeste du Cercle de Vienne et autres écrits, trad. collective sous la direction d'Antonia Soulez, PUF, 1985, p. 172-173.

 

Retour au menu sur la vérité


Date de création : 21/09/2014 @ 12:36
Dernière modification : 21/09/2014 @ 12:36
Catégorie :
Page lue 5919 fois


Imprimer l'article Imprimer l'article

Recherche



Un peu de musique
Contact - Infos
Visites

   visiteurs

   visiteurs en ligne

^ Haut ^