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Texte à méditer :  

Car quoi de plus excusable que la violence pour faire triompher la cause opprimée du droit ?   Alexis de Tocqueville


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Hors des sentiers battus
Vérité et expérience / perception

  "HYLAS : Mais pensez-vous sérieusement que l'existence réelle des choses sensibles consiste en ce qu'elles sont effectivement perçues ? Si oui, d'où vient que l'humanité tout entière distingue entre les deux ? Interrogez le premier venu, il vous dira qu'être perçu est une chose et qu'exister en est une autre.
  PHILONOUS : Je veux bien, Hylas, avoir recours au sens commun des gens pour juger la vérité de ma conception. Demandez au jardinier pourquoi il pense que ce cerisier-là existe dans le jardin, il vous dira que c'est parce qu'il le voit et qu'il le touche, en un mot parce qu'il le perçoit par ses sens. Demandez-lui pourquoi il pense qu'il n'y a pas ici d'oranger, il vous dira que c'est parce qu'il n'en perçoit pas. À ce qu'il perçoit par le sens il donne le nom d'être réel, et il dit que cela est ou existe ; mais ce qui n'est pas perceptible n'a, dit-il, pas d'être.

  HYLAS : Oui, Philonous, j'accorde que l'existence d'une chose sensible consiste à être perceptible, mais non pas à être effectivement perçue.
  PHILONOUS : Mais qu'est-ce qui est perceptible sinon une idée ? Et une idée peut-elle exister sans être effectivement perçue ? Ce sont là des points sur lesquels nous sommes depuis longtemps tombés d'accord.
  HYLAS : Mais selon vos conceptions quelle différence y a-t-il entre les choses réelles et les chimères forgées par l'imagination ou les visions d'un rêve, puisqu'elles sont toutes également dans l'esprit ? […]
  PHILONOUS : Les idées que forge l'imagination sont pâles et indistinctes ; elles sont en outre entièrement dépendantes de la volonté. Mais les idées perçues par le sens, c'est-à-dire les choses réelles, sont plus vives et plus claires et, comme elles sont imprimées sur l'esprit par une Intelligence distincte de nous, elles n'ont pas la même dépendance vis-à-vis de notre volonté. Il n'y a donc aucun danger de les confondre avec les visions d'un rêve, qui sont troubles, désordonnées et confuses. Et même s'il devait arriver qu'elles aient le plus de vivacité et de naturel, pourtant, du fait qu'elles ne sont pas reliées et comme d'un seul tenant avec ce qui précède et ce qui suit dans les occupations de notre vie, il serait aisé de les distinguer des réalités. Bref, quelle que soit la méthode pour distinguer dans votre système les choses des chimères, la même méthode, c'est évident, restera valable aussi dans le mien. Car il faut, je présume, que la distinction se fasse par quelque différence perçue, et je n'entends pas vous priver de rien que vous perceviez."

 

George Berkeley, Trois Dialogues entre Hylas et Philonous, 1713, Troisième dialogue, in Œuvres, tome II, PUF, 2ème éd.1999, p.75-77.



  "Il est indubitable que je pense. Je ne suis pas si sûr qu'il y ait là un cendrier ou une pipe, mais je suis sûr que je pense voir un cendrier ou une pipe. Est-il aussi facile qu'on le croit de dissocier ces deux affirmations, et de maintenir, hors de tout jugement concernant la chose vue, l'évidence de ma « pensée de voir » ? C'est au contraire impossible. La perception est justement ce genre d'acte où il ne saurait être question de mettre à part l'acte lui-même et le terme sur lequel il porte. La perception et le perçu ont nécessairement la même modalité existentielle, puisqu'on ne saurait séparer de la perception la conscience qu'elle a ou plutôt qu'elle est d'atteindre la chose même. Il ne peut être question de maintenir la certitude de la perception en récusant celle de la chose perçue. Si je vois un cendrier au sens plein du mot voir, il faut qu'il y ait là un cendrier, et je ne peux pas réprimer cette affirmation. Voir, c'est voir quelque chose. Voir du rouge, c'est voir du rouge existant en acte. On ne peut ramener la vision à la simple présomption de voir que si l'on se la représente comme la contemplation d'un quale flottant et sans ancrage. Mais si, comme nous l'avons dit plus haut, la qualité même, dans sa texture spécifique, est la suggestion qui nous est faite, et à laquelle nous répondons en tant que nous avons des champs sensoriels, d'une certaine manière d'exister, et si la perception d'une couleur douée d'une structure définie, — couleur superficielle ou plage colorée, — en un lieu ou à une distance précis ou vagues, suppose notre ouverture à un réel ou à un monde, comment pourrions-nous dissocier la certitude de notre existence percevante et celle de son partenaire extérieur ? Il est essentiel à ma vision de se référer non seulement à un visible prétendu, mais encore à un être actuellement vu. Réciproquement, si j'élève un doute sur la présence de la chose, ce doute porte sur la vision elle-même, s'il n'y a pas là de rouge ou de bleu, je dis que je n'en ai pas vraiment vu, je conviens qu'à aucun moment ne s'est produite cette adéquation de mes intentions visuelles et du visible qui est la vision en acte."

 

Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, 1945, 3e partie,  Gallimard, p. 430.

 

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Date de création : 06/03/2015 @ 08:48
Dernière modification : 06/03/2015 @ 09:01
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