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Texte à méditer :  La raison du plus fort est toujours la meilleure.
  
La Fontaine
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Hors des sentiers battus
Observer la nature : le spectacle de la nature

  "Nous arrivons maintenant à une autre composante : la perception des processus naturels par lesquels la terre et les êtres vivants qui l'habitent ont acquis leurs formes caractéristiques (l'évolution) et grâce auxquels ils perpétuent leur existence (l'écologie). Cette discipline appelée « observation de la nature » – et malgré le frisson que cela fait courir le long de l'échine de l'élite –constitue le premier tâtonnement embryonnaire du cerveau-de-masse ­vers la perception.
  La caractéristique remarquable de la perception, c'est qu'elle n'entraîne aucune consommation ni aucune altération d'aucune ressource. La descente en piqué d'un faucon, par exemple, sera pour tel spectateur l'incarnation vivante du drame de l'évolution, alors qu'un autre n'y verra qu'une menace pesant sur son dîner. Le drame peut captiver cent témoins successifs ; la menace n'en captivera jamais qu'un seul – car il y répond aussitôt par un coup de fusil.

  Promouvoir la perception : voilà la seule branche vraiment créative de l'industrie du retour à la nature.
  Cette donnée est importante, et sa capacité d'améliorer notre « qualité de vie » peu ou mal comprise. En pénétrant pour la première fois dans les forêts et les prairies de la « terre obscure et sanglante», Daniel Boone[1] prit possession de l'essence même de l'Amérique primitive. Il ne parlait pas de « retour à la nature », mais ce qu'il trouva, chemin faisant, c'est précisément ce que nous recherchons aujourd'hui ; et il est question ici de la chose même, pas des noms qu'on lui donne.
  Le retour à la nature, cependant, n'est pas la nature même, mais la manière dont nous y réagissons. La réaction de Daniel Boone ne tenait pas seulement à la qualité de ce  qu'il voyait, mais à la qualité de son regard intérieur. L'écologie a changé le regard que nous portons sur la nature. Elle a révélé des origines et des fonctions là où Boone ne voyait que des faits. Elle a révélé des mécanismes où Boone ne voyait que des attributs. Nous n'avons aucun repère objectif pour mesurer ce changement, mais nous pouvons dire sans risque d'erreur que, comparé à l'écologiste compétent d'aujourd'hui, Boone ne voyait que la surface des choses. L'incroyable complexité de la communauté formée par la faune et la flore – la beauté intrinsèque de l'organisme « Amérique», à l'époque dans le plein éclat de sa virginité – était aussi invisible, aussi incompréhensible pour Boone qu'elle peut l'être pour les Babbitt[2] d'aujourd'hui. Le seul progrès digne de ce nom, pour l'industrie de là nature en Amérique, serait de promouvoir la perception chez les Américains. Tous les autres « progrès» ne sont, au mieux, qu'une tentative pour retarder, ou pour masquer, le processus de dilution."

 

Aldo Leopold, Almanach d'un comté des sables, 1949, 3e partie, tr. fr. Anna Gibson, GF, 2000, p. 211-222.


[1] Pionnier américain (1734-1820).
[2] Babbitt : personnage créé par Sinclair Lewis dans le roman du même nom. Type de l'américain moyen.

 


Date de création : 31/01/2016 @ 14:08
Dernière modification : 01/02/2016 @ 10:39
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