"Aussi longtemps que la pratique juridique ne s'écartait pas trop des mœurs, des habitudes et des institutions sociales et culturelles du milieu régi par un système de droit donné, la conception positiviste du droit pouvait exprimer d'une façon suffisante la réalité du phénomène juridique. Mais avec l'avènement de l'État criminel que fut l'État national-socialiste, il a paru impossible, même à des positivistes avérés, tels que Gustav Radbruch, de continuer à défendre la thèse que « La loi est la loi », et que le juge, en tout cas, doit s'y conformer. Une loi injuste, dira Radbruch, n'est pas du droit. Et cette révolte antipositiviste ne sera pas sans importance dans l'Allemagne d'après-guerre, car elle permettra aux tribunaux de condamner un officier, qui avait tué un soldat, absent sans avoir demandé son congé, et qui prétendait s'être conformé à un ordre de Hitler (Hatastrophenbefehl), qui autorisait tout membre des forces armées de tuer immédiatement tout déserteur, lâche ou traître. Le Tribunal fédéral, par son arrêt du 12 juillet 1951 (B.G.H.Z., 3, 94) a refusé de reconnaître à l'ordre du Führer la qualité d'une règle de droit et a condamné l'officier au payement de dommages à la mère du soldat exécuté sans jugement.
Les événements qui se sont passés en Allemagne, après 1933, ont montré qu'il est impossible d'identifier le droit avec la loi, car il y a des principes qui, même s'ils ne font pas l'objet d'une législation expresse, s'imposent à tous ceux pour qui le droit est l'expression, non seulement de la volonté du législateur, mais de valeurs qu'il a pour mission de promouvoir, au premier plan desquelles figure la justice."
Chaïm Perelman, Logique juridique. Nouvelle rhétorique, 2e édition, 1979, 1ère partie, 3, § 37, Dalloz, 2001, p. 70.
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