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Texte à méditer :  La raison du plus fort est toujours la meilleure.
  
La Fontaine
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Hors des sentiers battus
Travail et loisir ; travail et oisiveté

  "Chacun est libre d'occuper à sa guise les heures comprises entre le travail, le sommeil et les repas, non pour les gâcher dans les excès et la paresse, mais afin que tous, libérés de leur métier, puissent s'adonner à quelque bonne occupation de leur choix. La plupart consacrent ces heures de loisir à l'étude. Chaque jour en effet des leçons accessibles à tous ont lieu avant le début du jour, obligatoires pour ceux-là seulement qui ont été personnellement destinés aux lettres. Mais, venus de toutes les professions, hommes et femmes y affluent librement, chacun choisissant la branche d'enseignement qui convient le mieux à sa forme d'esprit. Si quelqu'un préfère consacrer ces heures libres, de surcroît, à son métier, comme c'est le cas pour beaucoup d'hommes qui ne sont tentés par aucune science, par aucune spéculation, on ne l'en détourne pas. Bien au contraire, on le félicite de son zèle à servir l'État.
  Après le repas du soir, on passe une heure à jouer, l'été dans les jardins, l'hiver dans les salles communes qui servent aussi de réfectoire on y fait de la musique, on se distrait en causant. Les Utopiens ignorent complètement les dés et tous les jeux de ce genre, absurdes et dangereux. Mais ils pratiquent deux divertissements qui ne sont pas sans ressembler avec les échecs. L'un est une bataille de nombres où la somme la plus élevée est victorieuse ; dans l'autre, les vices et les vertus s'affrontent en ordre de bataille.[... ]
  Arrivés à ce point il nous faut, pour nous épargner une erreur, considérer attentivement une objection. Si chacun ne travaille que six heures, penserez-vous, ne risque-t-on pas inévitablement de voir une pénurie d'objets de première nécessité ?
  Bien loin de là, il arrive souvent que cette courte journée de travail produise non seulement en abondance, mais même en excès, tout ce qui est indispensable à l'entretien et au confort de la vie. Vous me comprendrez aisément si vous voulez bien penser à l'importante fraction de la population qui reste inactive chez les autres peuples, la presque totalité des femmes d'abord, la moitié de l'humanité; ou bien, là où les femmes travaillent, ce sont les hommes qui ronflent à leur place. Ajoutez à cela la troupe des prêtres et de ceux qu'on appelle les religieux, combien nombreuse et combien oisive ! Ajoutez-y tous les riches, et surtout les propriétaires terriens, ceux qu'on appelle les nobles. Ajoutez-y leur valetaille[1], cette lie de faquins[2] en armes et les mendiants robustes et bien portants qui inventent une infirmité pour couvrir leur paresse. Et vous trouverez, bien moins nombreux que vous ne l'aviez cru, ceux dont le travail procure ce dont les hommes ont besoin.
  Demandez-vous maintenant combien il y en a parmi eux dont l'activité a une fin véritablement utile. Nous évaluons toutes choses en argent, ce qui nous amène à pratiquer quantité d'industries totalement inutiles et superflues, qui sont simplement au service du luxe et du plaisir. Cette multitude des ouvriers d'aujourd'hui, si elle était répartie entre les quelques branches qui utilisent vraiment les produits de la nature pour le bien de tous, elle créerait de tels surplus que l'avilissement des prix empêcherait les ouvriers de gagner leur vie. Mais que l'on affecte à un travail utile tous ceux qui ne produisent que des objets superflus et, en plus, toute cette masse qui s'engourdit dans l'oisiveté et la fainéantise, gens qui gaspillent chaque jour, du travail des autres, le double de ce que le producteur lui-même consomme pour son propre compte : vous verrez alors combien il faut peu de temps pour produire en quantité nécessaire les choses indispensables ou simplement utiles, sans même négliger ce qui peut contribuer au plaisir, pourvu que celui-ci soit sain et naturel."

 

Thomas More, L'Utopie, 1516, tr. fr. Marie Delcourt, GF, 1987, p. 149-151.


[1] Terme péjoratif pour désigner les domestiques.
[2] Hommes méprisables et impertinents.


 

  "On a l'habitude de dire que l'oisiveté est la mère de tous les maux. On recommande le travail pour empêcher le mal. Mais aussi bien la cause redoutée que le moyen recommandé vous convaincront facilement que toute cette réflexion est d'origine plébéienne [1]. L'oisiveté, en tant qu'oisiveté, n'est nullement la mère de tous les maux, au contraire, c'est une vie vraiment divine lorsqu'elle ne s'accompagne pas d'ennui. Elle peut faire, il est vrai, qu'on perde sa fortune, etc. ; toutefois, une nature patricienne [2] ne craint pas ces choses, mais bien de s'ennuyer. Les dieux de l'Olympe ne s'ennuyaient pas, ils vivaient heureux en une oisiveté heureuse. Une beauté féminine qui ne coud pas, ne file pas, ne repasse pas, ne lit pas et ne fait pas de musique est heureuse dans son oisiveté ; car elle ne s'ennuie pas. L'oisiveté donc, loin d'être la mère du mal, est plutôt le vrai bien. L'ennui est la mère de tous les vices, c'est lui qui doit être tenu à l'écart. L'oisiveté n'est pas le mal et on peut dire que quiconque ne le sent pas prouve, par cela même, qu'il ne s'est pas élevé jusqu'aux humanités. Il existe une activité intarissable qui exclut l'homme du monde spirituel et le met au rang des animaux qui, instinctivement, doivent toujours être en mouvement. Il y a des gens qui possèdent le don extraordinaire de transformer tout en affaire, dont toute la vie est affaire, qui tombent amoureux et se marient, écoutent une facétie et admirent un tour d'adresse, et tout avec le même zèle affairé qu'ils portent à leur travail de bureau."

 

Søren Kierkegaard, Miettes philosophiques, 1844.

 [1] Populaire.
[2] Aristocratique.


 

    "Le besoin nous contraint à un travail dont le produit sert à satisfaire le besoin : la renaissance perpétuelle des besoins nous accoutume au travail. Mais dans les intervalles où les besoins sont satisfaits et pour ainsi dire endormis, c'est l'ennui qui nous prend. Qu'est-ce que l'ennui ? L'habitude du travail elle-même, qui se fait maintenant sentir sous forme de besoin nouveau et surajouté ; il sera d'autant plus fort que sera plus forte l'habitude de travailler, qu'aura peut-être été plus forte aussi la souffrance causée par les besoins. Pour échapper à l'ennui, l'homme, ou bien travaille au-delà de ce qu'exigent ses besoins normaux, ou bien il invente le jeu, c'est-à-dire le travail qui n'est plus destiné à satisfaire aucun autre besoin que celui du travail pour lui-même. Celui que le jeu finit par blaser et qui n'a aucune raison de travailler du fait de besoins nouveaux, il arrive que le désir le saisisse d'un troisième état qui serait au jeu ce que planer est à danser, ce que danser est à marcher, un état de félicité tranquille dans le mouvement : c'est la vision que se font artistes et philosophes du bonheur".
 

Friedrich Nietzsche, Humain, trop humain, 1878, § 611, tr. R. Rovini, Folio essais, 2000, p. 320.


  "Loisir et désoeuvrement. - (La) hâte sans répit au travail, - le vice proprement dit du Nouveau Monde – déjà commence à barbariser par contamination la vieille Europe et à y répandre une stérilité de l'esprit tout à fait extraordinaire. Dès maintenant on y a honte du repos : la longue méditation provoque presque des remords. On ne pense plus autrement que montre en main, comme on déjeune, le regard fixé sur les bulletins de la Bourse – on vit comme quelqu'un qui sans cesse « pourrait rater » quelque chose. « Faire n'importe quoi plutôt que rien » – ce principe aussi est une corde propre à étrangler toute culture et tout goût supérieurs. Et de même que visiblement toutes les formes périssent à cette hâte des gens qui travaillent, de même aussi périssent le sentiment de la forme en soi, l'ouïe et le regard pour la mélodie des mouvements. La preuve en est cette grossière précision, que l'on exige partout à présent dans toutes les situations où l'homme pour une fois voudrait être probe avec les hommes, dans les contacts avec les amis, les femmes, les parents, les enfants, les maîtres, les élèves, les chefs et les princes – on n'a plus de temps ni de force pour des manières cérémonieuses, pour de l'obligeance avec des détours, pour tout l'esprit de la conversation et pour tout otium en général. Car la vie à la chasse du gain contraint sans cesse à dépenser son esprit jusqu'à épuisement alors que l'on est constamment préoccupé de dissimuler, de ruser ou de prendre l'avantage : l'essentielle vertu, à présent, c'est d'exécuter quelque chose en moins de temps que ne le ferait un autre. Et de la sorte, il ne reste que rarement des heures où la probité serait permise : mais à pareilles heures on se trouve las et l'on désire non seulement pouvoir se « laisser aller », mais aussi s'étendre largement et lourdement. [...]
  Quelle affliction que cette modestie de la « joie » chez nos gens cultivés et incultes ! Quelle affliction que cette suspicion croissante à l'égard de toute joie ! Le travail est désormais assuré d'avoir toute bonne conscience de son côté : la propension à la joie se nomme déjà « besoin de repos » et commence à se ressentir comme un sujet de honte. « Il faut bien songer à sa santé » – ainsi s'excuse-t-on lorsqu'on est pris en flagrant délit de partie de campagne. Oui, il se pourrait bien qu'on en vînt à ne point céder à un penchant pour la vita contemplativa (c'est-à-dire aller se promener avec ses pensées et ses amis) sans mauvaise conscience et mépris de soi-même. - Eh bien ! Autrefois, c'était tout le contraire : c'était le travail qui portait le poids de la mauvaise conscience. Un homme de noble origine cachait son travail, quand la nécessité le contraignait à travailler. L'esclave travaillait obsédé par le sentiment de faire quelque chose de méprisable en soi : – le « faire » lui-même était quelque chose de méprisable."

 

Friedrich Nietzsche, Le Gai savoir, 1882, Livre quatrième, § 329, tr. fr. Pierre Klossowski, Folio essais, 1996, p. 219-221.


 

    "Une étrange folie possède les classes ouvrières des nations où règne la civilisation capitaliste. Cette folie traîne à sa suite des misères individuelles et sociales qui, depuis deux siècles, torturent la triste humanité. Cette folie est l’amour du travail, la passion moribonde du travail, poussée jusqu’à épuisement des forces vitales de l’individu et de sa progéniture. Au lieu de réagir contre cette aberration mentale, les prêtres, les économistes, les moralistes, ont sacro-sanctifié le travail. Hommes aveugles et bornés, ils ont voulu être plus sages que leur Dieu ; hommes faibles et méprisables, ils ont voulu réhabiliter ce que leur Dieu avait maudit. Moi qui ne professe d'être chrétien, économe et moral, j'en appelle de leur jugement à celui de leur Dieu ; des prédications de leur morale religieuse, économique, libre-penseuse, aux épouvantables conséquences du travail dans la société capitaliste.

    Douze heures de travail par jour, voilà l'idéal des philanthropes et des moralistes du XVIIIème siècle. Que nous avons dépassé ce nec plus ultra ! Les ateliers modernes sont devenus des maisons idéales de correction où l'on incarcère les masses ouvrières, où l'on condamne aux travaux forcés pendant 12 et 14 heures, non seulement les hommes, mais les femmes et les enfants! Et dire que les fils des héros de la Terreur se sont laissés dégrader par la religion du travail au point d'accepter après 1848, comme une conquête révolutionnaire, le droit au travail. Honte au prolétariat français ! Des esclaves seuls eussent été capables d'une telle bassesse. Il faudrait 20 ans de civilisation capitaliste à un Grec des temps héroïques pour concevoir un tel avilissement.

    […] Il faut mater la passion extravagante des ouvriers pour le travail et les obliger à consommer les marchandises qu'ils produisent.

    Parce que la classe ouvrière, avec sa bonne foi simpliste, s’est laissée endoctriner, parce que, avec son impétuosité native, elle s’est précipitée en aveugle dans le travail et l’abstinence, la classe capitaliste s’est trouvée condamnée à la paresse et à la jouissance forcée, à l’improductivité et à la surconsommation. Mais si le surtravail de l'ouvrier meurtrit sa chair et tenaille ses nerfs, il est aussi fécond en douleurs pour le bourgeois.

    L'abstinence à laquelle se condamne la classe productive oblige les bourgeois à se consacrer à la surconsommation des produits qu'elle manufacture désordonnément.

    Les femmes du monde vivent une vie de martyr. Pour essayer de faire valoir les toilettes féeriques que les couturières se tuent à bâtir, du soir au matin elle font la navette d’une robe dans une autre ; pendant des heures, elles livrent leur tête creuse aux artistes capillaires qui, à tout prix, veulent assouvir leur passion pour l’échafaudage de faux chignons. Sanglées dans leurs corsets, à l’étroit dans leur bottines, décolletée à faire rougir un sapeur, elles tournoient des nuits entières dans leurs bals de charité afin de ramasser quelques sous pour le pauvre monde. Saintes âmes !

    Pour remplir sa double fonction sociale de non-producteur et de surconsommateur, le bourgeois dut non seulement violenter ses goûts modestes, perdre ses habitudes laborieuses d'il y a deux siècles et se livrer au luxe effréné, aux indigestions truffées et se livrer et aux débauches syphilitiques, mais encore soustraire au travail productif une masse énorme d'hommes afin de se procurer des aides."


Paul Lafargue, Le Droit à la paresse, 1880, Maspéro, 1972, p. 121-141.


 
    "Fou celui-là qui prétend distinguer la culture d'avec le travail. Car l'homme d'abord se dégoûtera d'un travail qui sera part morte de sa vie, puis d'une culture qui ne sera plus que jeu sans caution, comme la niaiserie des dés que tu jettes s'ils ne signifient plus ta fortune et ne roulent plus tes espérances. Car il n'est point de jeu de dés mais jeu de tes troupeaux, de tes pâturages, ou de ton or. […]
    Certes, j'ai vu l'homme prendre avec plaisir du délassement. J'ai vu le poète dormir sous les palmes. J'ai vu un guerrier boire son thé chez les courtisanes. J'ai vu le charpentier goûter sur son porche la tendresse du soir. Et certes, ils semblaient pleins de joie. Mais je te l'ai dit : précisément parce qu'ils étaient las des hommes. C'est un guerrier qui écoutait les chants et regardait les danses. Un poète qui rêvait sur l'herbe. Un charpentier qui respirait l'odeur du soir. C'est ailleurs qu'ils étaient devenus. La part importante de la vie de chacun d'entre eux restait la part de travail. Car ce qui est vrai de l'architecte qui est un homme et qui s'exalte et prend sa pleine signification quand il gouverne l'ascension de son temple et non quand il se délasse à jouer aux dés, est vrai de tous. Le temps gagné sur le travail s'il n'est point simple loisir, détente des muscles après l'effort ou sommeil de l'esprit après l'invention, n'est que temps mort. Et tu fais de la vie deux parts inacceptables : un travail qui n'est qu'une corvée à quoi l'on refuse le don de soi-même, un loisir qui n'est qu'une absence.
[…]
    Moi je dis que pour les ciseleurs il n'est qu'une forme de culture et c'est la culture des ciseleurs. Et qu'elle ne peut être que l'accomplissement de leur travail, l'expression des peines, des joies, des souffrances, des craintes, des grandeurs et des misères de leur travail.
    Car seule est importante et peut nourrir des poèmes véritables, la part de ta vie qui t'engage, qui engage ta faim et ta soif, le pain de tes enfants et la justice qui te sera ou non rendue. Sinon il n'est que jeu et caricature de la vie et caricature de la culture.
    Car tu ne deviens que contre ce qui te résiste. Et puisque rien de toi n'est exigé par le loisir et que tu pourras aussi bien l'user à dormir sous un arbre ou dans les bras d'amours faciles, puisqu'il n'y est point d'injustice qui te fasse souffrir, de menace qui te tourmente, que vas-tu faire pour exister sinon réinventer toi-même le travail ?"

Antoine de Saint-Exupéry, Citadelle, Gallimard, 1948.

 

    "Dans les conditions « idéales » de la civilisation industrielle avancée, l'aliénation serait supprimée par l'automatisation du travail, la réduction du temps de travail à un minimum et l'interchangeabilité des fonctions.
    Puisque la longueur de la journée de travail est elle-même un des principaux facteurs répressifs imposés au principe de plaisir par le principe de réalité, la réduction de la journée de travail au point que la quantité de temps de travail n'arrête plus le développement humain, est la première condition préalable de la liberté... Dans des conditions optima, l'étendue, dans la civilisation avancée, de la richesse matérielle et intellectuelle serait telle qu'elle permettrait la satisfaction sans douleur des besoins dès lors que la domination n'accaparerait plus systématiquement cette satisfaction. Dans ce cas, la quantité d'énergie instinctuelle à détourner encore vers le labeur nécessaire (à son tour mécanisé et rationalisé), serait si petite qu'une dimension très large de contraintes et de transformations répressives qui ne s'appuieraient plus sur des forces extérieures, s'effondrerait. Par conséquent, la relation antagonique entre le principe de plaisir et le principe de réalité se modifierait en faveur de celui-là. Éros, les instincts de vie, connaîtraient une libération sans précédent... Quelque juste et rationnelle que puisse être l'organisation de la production matérielle, elle ne peut jamais être le domaine de la liberté et de la satisfaction ; mais elle peut libérer du temps et de l'énergie pour le jeu libre des facultés humaines en dehors du domaine du travail aliéné. Plus l'aliénation du travail est totale, plus le potentiel de liberté est grand : l'automation totale serait le point optimum. C'est la sphère en dehors du travail aliéné qui définit la liberté et la satisfaction, et c'est la définition de l'existence humaine d'après les critères de cette sphère, qui constitue la négation du principe de rendement".

 

Herbert Marcuse, Éros et civilisation, 1955, tr. fr. Jean-Guy Nény et Boris Fraenkel, Éditions de Minuit, 1968, p. 137-141.


  "On ne saurait attendre d'hommes oppressés dans leur travail quotidien par l'étroitesse d'une occupation très spécialisée assez peu supportable, et que l'ennui accable, qu'à l'instant où la pression et l'ennui cessent, après le travail, ils puissent aisément retrouver leur « forme humaine », redevenir eux-mêmes, (pour autant qu'ils aient encore un « soi »), ou même seulement le vouloir. Le moment où la dure pression à laquelle ils sont soumis se relâche ressemble plutôt à une explosion, et comme ces êtres libérés si soudainement de leur travail ne connaissent rien d'autre que l'aliénation, ils se jettent, lorsqu'ils ne sont pas tout simplement épuisés, sur des milliers de choses différentes, sur n'importe quoi qui puisse relancer le cours du temps après le calme plat de l'ennui et les transporter dans un autre rythme : ils se jettent donc sur la rapide succession de scènes que leur propose la télévision.
  Rien ne satisfait aussi complètement cette faim si compréhensible d'omniprésence et de changement rapide que la radio et la télévision. Elles favorisent en même temps le désir et son exténuation : tension et relâchement, rythme et inactivité, dépendance et détente -elles servent tout cela simultanément. Elles nous dispensent même d'avoir à courir après les distractions, puisque désormais ce sont elles qui courent après nous. Bref, il est impossible de résister à une tentation pareille. Il n'est donc pas étonnant que cette fièvre de s'évader... soit désormais notre façon habituelle de nous distraire, la plus innocente qui soit (du moins en apparence). C'est l'état de tous ceux qui, assis ici, sont en réalité là-bas, de ceux qui sont tellement habitués à être partout à la fois, c'est-à-dire nulle part, qu'ils n'habitent plus dans un lieu, encore moins dans une maison, mais seulement dans leur inhabitable localisation temporelle qui change à chaque instant : dans le maintenant."

 

Günther Anders, L'Obsolescence de l'homme, 1956, tome I, tr. fr. Christophe David, Ivrea, 2002, p. 159.


 

    "La société de masse […] ne veut pas la culture, mais les loisirs (entertainement) et les articles offerts par l'industrie des loisirs sont bel et bien consommés par la société comme tous les autres objets de consommation. Les produits nécessaires aux loisirs servent le processus vital de la société, même s’ils ne sont peut-être pas aussi nécessaires à sa vie que le pain et la viande. Ils servent comme, à passer le temps, et le temps vide qui est ainsi passé, n’est pas, à proprement parler, le temps de l’oisiveté – c'est-à-dire le temps où nous sommes libre de tout souci et activité nécessaire de par le processus vital, et par là, livre pour le monde et sa culture, c’est bien plutôt le temps de reste, encore biologiquement déterminé dans la nature, qui reste après que le travail et le sommeil ont reçu leur dû. Le temps vide que les loisirs sont supposés remplir est un hiatus dans le cycle biologiquement conditionné du travail […].

    Avec les conditions de la vie moderne, ce hiatus s'accroît constamment ; il y a de plus en plus de temps libéré à remplir avec les loisirs, mais ce gigantesque accroissement de temps vide ne change pas la nature du temps. Les loisirs, tout comme le travail et le sommeil, font irrévocablement partie du procès biologique de la vie. Et la vie biologique est toujours, au travail ou au repos, engagée dans la consommation ou dans la réception passive de la distraction, un métabolisme qui se nourrit des choses en la dévorant. Les commodités qu'offre l'industrie des loisirs ne sont pas des « choses », des objets culturels, dont l'excellence se mesure à leur capacité de soutenir le processus vital et de devenir des appartenances permanentes du monde, et on ne doit pas les juger d'après ces critères ; ce ne sont pas davantage des valeurs qui existent pour être utilisées et échangées ; ce sont des biens de consommation, destinés à être usés jusqu'à épuisement, juste comme n'importe quel autre bien de consommation. […]

    L'industrie du loisir est confrontée à des appétits gargantuesques et, puisque la consommation fait disparaître ses marchandises, elle doit sans cesse fournir de nouveaux articles. Dans ces situations, ceux qui produisent pour les mass média pillent le domaine entier de la culture passée et présente, dans l’espoir de trouver le matériau approprié. Ce matériau, qui plus est, ne peut pas être présenté tel quel, il faut le modifier pour qu’il soit facile à consommer".

 

Hannah Arendt, La Crise de la culture, 1963, tr. fr. Barbara Cassin, Folio, p. 263-265.


 

  "Le système industriel fait depuis longtemps à ses partici­pants une promesse qui ne laisse pas de les impressionner : celle de leur procurer un jour des loisirs infiniment plus étendus, La semaine et l'année de travail seront radicalement réduites. Nous aurons bien plus de temps libre. Depuis un quart de siècle, des cerveaux supérieurs n'ont eu aucune peine à se faire une réputation inaccessible aux esprits de calibre courant en spéculant sur la manière dont les humains emploieront ce que l'on dénomme invariablement leurs loisirs nouveaux. Tout le monde convient que la question mérite l'examen le plus sérieux. Il ne faut rien exagérer. Depuis un quart de siècle, la moyenne du travail hebdomadaire dans l'industrie s'est élevée modérément. Si l'horaire régulier de la semaine est allé en diminuant, cette diminution s'est trouvée mieux que compensée par la demande accrue d'heures supplémentaires et par la réponse empressée qu'elle recevait immédiatement. Pendant la même période, les gains hebdo­madaires moyens, ajustés aux hausses de prix, ont presque doublé ! Il faut se rendre à l'évidence et conclure qu'à mesure que leur revenu s'élève les hommes passent plus de temps au travail et réclament moins de loisirs.
  L'idée d'une ère nouvelle de loisirs considérablement étendus est en réalité un sujet banal de conversation. On s'en servira d'ailleurs de moins en moins pour chercher à se faire passer pour un prophète de la société future. Le système industriel ne va pas dans cette direction.
  Dans les premiers temps du système industriel, le travail, parce que répété, était particulièrement fastidieux, et, au surplus, physiquement pénible. Sa durée était en outre très longue. De lourdes peines d'emprisonnement n'étaient-elles pas assorties de travaux forcés ? Le ciel était, avant toute autre chose, le lieu du repos éternel. Jusqu'au jour où cer­taines interventions éclairées y mirent bon ordre [...] la journée de travail dans l'industrie sidérurgique aux Etats-Unis était de douze heures, et la semaine de quatre-vingt-quatre heures. Les congés étaient inconnus et dans les villes d'aciéries, les jours ressemblaient aux jours. Quand le roulement des équipes changeait, l'ouvrier faisait deux tours d'horloge ; en compensation, il avait droit à vingt-quatre heures de liberté quinze jours plus tard. Le conditionnement des besoins était encore dans l'enfance ; il n'avait aucune prise sur le métallo, souvent illettré et qui ne possédait ni radio ni télévision. Il y avait donc une chose qui comptait autant, sinon plus, que de gagner de l'argent, c'était d'en gagner en consa­crant le moins d'heures possible à l'affreuse besogne. Les hommes travaillaient pour s'assurer le minimum, c'est-à-dire pour avoir juste de quoi vivre. Depuis lors, on a vu un petit nombre de professionnels du non-travail se deman­der si vraiment la réduction progressive des heures de travail pouvait être autre chose que l'objectif premier du tâcheron.
  À l'extérieur du système industriel, dans les plantations de coton et les champs de légumes par exemple, le travail reste dur et fastidieux. Mais à l'intérieur du système, à part tou­jours certaines exceptions, en général le travail n'est pas pénible ; il peut même être agréable. D'autre part, l'ouvrier est maintenant soumis à la toute-puissance des méthodes modernes de conditionnement de la demande. Lui aussi est affecté par le renversement de la filière. Alors que dans les villes d'aciéries son aîné besognait pour avoir juste de quoi vivre, il travaille, quant à lui, pour satisfaire ses besoins en expansion croissante. La conséquence est claire : il est fort vraisemblable que l'homme dont la tâche est plus agréable et dont les besoins vont croissant préférera le travail accru aux loisirs accrus.
  Entrons dans la technostructure : à mesure qu'on remonte sa hiérarchie, on s'aperçoit que ses membres optent de plus en plus pour l'accroissement du travail, donc du revenu. Certains hommes tirent d'ailleurs orgueil de leur dévouement sans bornes, et compétitif', à la tâche, un dévouement si absolu qu'il dépasse positivement tout ce que l'imagination peut concevoir en fait de moyens d'acquérir, pour en jouir, des biens et des services.
  Ainsi donc, voir dans la réduction du travail et l'extension des loisirs la fin naturelle de l'homme de l'ère industrielle, c'est se méprendre sur le caractère du système industriel. Pourquoi le travail serait-il plus désagréable que le non-­travail ? Il n'y a à cela aucune raison intrinsèque. Il peut être aussi agréable de trôner au tableau des commandes du mou­vement des billettes d'acier dans une aciérie que de couler ses jours dans les liens du mariage avec une harengère. Il est vain de vouloir préconiser l'extension des loisirs aussi longtemps que le système industriel est à même de persuader ses participants que ce sont les biens qui doivent prévaloir. Les hom­mes ne placent les loisirs au-dessus du travail qu'à la condition de s'apercevoir que la pratique des loisirs présente pour eux plus d'intérêt ou leur procure plus de satisfaction que celle du travail, ou encore s'ils parviennent à s'affranchir du condi­tionnement de leurs besoins ; ou, naturellement, s'ils peuvent aboutir à ces deux résultats en même temps. Les loisirs ne sont pas une fin en soi, on les recherche seulement si ces conditions préalables se trouvent réunies."

 

John Kenneth Galbraith, Le Nouvel État industriel, 1967, tr. fr. J.-L. Crémieux-Brilhac et Maurice Le Nan, Gallimard, coll. ''Bibliothèque des Sciences Humaines", 1968, p. 367-369.



 "Le repos, la détente, l'évasion, la distraction sont peut-être des « besoins » mais ils ne définissent pas en eux-mêmes l'exigence propre du loisir, qui est la consommation du temps. Le temps libre, c'est peut-être toute l'activité ludique dont on le remplit, mais c'est d'abord la liberté de perdre son temps, de le « tuer » éventuellement, de le dépenser en pure perte. (C'est pourquoi dire que le loisir est aliéné parce qu'il n'est que le temps nécessaire à la reconstitution de la force de travail - est insuffisant. L' « aliénation » du loisir est plus profonde : elle ne tient pas à sa subordination directe au temps de travail, elle est liée à l'impossibilité même de perdre son temps). [...] Partout ainsi, et en dépit de la fiction de la liberté dans le loisir, il y a impossibilité logique du temps « libre », il ne peut y avoir que du temps contraint. Le temps de la consommation est celui de la production. Il l'est dans la mesure où il n'est jamais qu'une parenthèse « évasive » dans le cycle de la production. Mais encore une fois, cette complémentarité fonctionnelle (diversement partagée selon les classes sociales) n'est pas sa détermination essentielle. Le loisir est contraint dans la mesure où derrière sa gratuité apparente il reproduit fidèlement toutes les contraintes mentales et pratiques qui sont celles du temps productif et de la quotidienneté asservie."
 
Jean Baudrillard, La Société de consommation, 1970, Gallimard Idées, 1970, p. 242-246.


 

    "À l'allusion que fait Bloch [1] à l'ampleur des hobbies aux Etats Unis je peux ajouter que le WHO's WHO représentatif de toutes les célérités dans tous les domaines comporte toujours la rubrique « hobbies » […] et personne n'a l'idée de tirer de cette indication la conclusion que la personne concernée préfère son « dada » à son métier ni qu'en général il puisse en tenir lieu. La conclusion que l'intérêt professionnel est poursuivi avec moins de sérieux ou d'ardeur est tout aussi illicite. Le néophyte qui accoste ces rivages peut facilement commettre des erreurs. Je me souviens encore d'un certain chimiste que je rencontrais parfois au cours de réceptions et dont l'obsession à remplir toutes les conversations par la culture des roses (partagée par les autres personnes présentes ou accueillie avec une compréhension complice) m'incitait à faire à ma femme la remarque que sa chimie et son dévouement à elle ne devait pas valoir grand-chose. Quelques années plus tard il obtint le prix Nobel et pas celui de la culture des roses. Entre-temps, je fis la connaissance de nombreux savants qui s'adonnent à leurs hobbies, et même avec ardeur, mais qui ne voudraient jamais les échanger contre leur métier."


 

Hans Jonas, Le Principe responsabilité, 1979, tr. fr. Jean Greisch, Champs Flammarion, 1990, p. 382.


[1] Ernst Bloch (1885-1977) est un philosophe allemand d'influence marxiste, qui a notamment écrit Le principe espérance, livre auquel répond ici Hans Jonas.


 

    "Le premier quid est que chacun ait un violon d'Ingres et qu'il l'exerce comme un métier. En effet, l'intérêt de l'État en cela est vital, et pas celui des biens qui résulteront éventuellement de l'activité, et il l'est moins pour le salut de l'âme des acteurs que pour le bien de l'ordre public. Car le vide du chômage, ici donc : de l'oisiveté qu'on vous garantit, peut également être « comblé » autrement, à savoir par les même moyens qu'entraîne l'état de manque de la pauvreté résultant du chômage : drogue, excitation de n'importe quelle nature, criminalité. L'expérience la plus récente montre qu'en cette matière les couches les plus privilégiées - dans leur jeunesse dorée - se rencontrent avec les couches les moins privilégiées. Que ce soit de l'alcool à brûler bon marché ou de l'héroïne chère ne fait pas de grande différence. L'oisiveté donc, qui de soi est devenue possible pour tout le monde, ne peut pas être tolérée dans l'utopie en raison du danger social de l'anomie, éventuellement de la démence collective.

    Note :

    Savoir comment se comportera une humanité libérée du besoin et pour finir même de l'obligation de travailler est une question ouverte puisqu'une chose pareille n'a encore jamais existé. Mais il ne faudrait pas que l'attente soit trop optimiste. Ce que nous savons jusqu'alors des conséquences morales et psychologiques de l'oisiveté et en général d'une existence non structurée temporellement par des obligations, devrait plutôt nous effrayer. Même une aristocratie oisive, qui est encore la mieux protégée par la tradition et la discipline de son état, par la visibilité sociale et le rôle d'exemple, a souvent fui l'ennui en se livrant à des excès : passions du jeu, frivolité sexuelle etc. (L'excentricité comme alternative plus innocente et souvent aimable). La « passion » la plus littérale de toutes, la carrière de don Juan avec l'orgueil de la liste de Leporello [1] sera difficilement agréée comme un violon d'Ingres digne de l'utopie, bien qu'il ne soit pas simple de justifier pourquoi elle ne l'est pas."


Hans Jonas, Le Principe responsabilité, 1979, Champ Flammarion, 1990, p. 384-385.


[1] Leporello est le valet de Don Giovanni (c’est-à-dire Don Juan) dans l'opéra de Mozart.


 

  "Mais le pire est que tout cela ne sera d'aucun secours, parce que cela n'existe que pour la frime. Car nulle utopie ne pourra donner le change à ceux qui sont occupés de cette façon, concernant ceci : que rien n'y est en jeu, que cela pourrait tout aussi bien être omis ou être remis à plus tard ou être bâclé, sans d'autre dommage que la mauvaise notation sociale. Le caractère fantomatique de l'irréalité recouvre tout ce faire comme si et avec lui un taedium vitae [dégoût de la vie] inimaginable, dont la première victime est le plaisir lui-même que procure le violon d'Ingres choisi. Aucune personne sérieuse ne peut être heureuse dans l'illusion constante et si aisément perçue à jour. Mais peut être ces gens sérieux en compteront-ils plus, si seulement le plus grand nombre, moins exigeant quant à l'estime de soi, s'en contente. Mais le caractère fictif de l'existence doit avoir un effet démoralisant pour tous, car en enlevant à l'homme la réalité, il lui enlève également sa dignité et la satisfaction serait ainsi celle du manque de dignité. Celui à qui la dignité de l'homme tient aujourd'hui à coeur ne devrait pas souhaiter une telle satisfaction aux générations futures, mais plutôt la redouter pour elles. […]

  Le marin phénicien, qui supportait l'ardeur du soleil et la tempête en mer et l'inconnu des côtes étrangères pour le négoce, il fut minable dans le souci de son existence, alors que le plaisancier libre de toute contrainte vaque au vrai souci (dont l'un est de savoir quoi faire de son temps de loisir) ? Mais c'est là du non-sens pur et simple et Bloch lui-même ne peut naturellement pas y croire. Il a encore en tête des soucis d'existence plus nobles que les sports nautiques qui subsistent, dès lors qu'on a mis fin aux soucis minables, et il faudra encore en parler. Mais la perte de réalité les affecte aussi ; et dans tous les cas demeure le décret d'indignité des soucis dont on s'est « débarrassé ». Or c'est précisément le prétendu échange de la dignité contre la réalité au cours de cette abolition noble qui dévoile le vice décisif de toute la construction utopique, que la liberté commence là où cesse la nécessité".

 

Hans Jonas, Le Principe responsabilité, 1979, tr. fr. Jean Greisch, Champs Flammarion, 1990, p. 388-389.


 

  "Pour ce qui me concerne, je dois reconnaître que, souvent, ma profession est telle que j'hésite à la cataloguer comme « travail », même si je suis payé pour cela. Il m'arrive régulièrement de décider de rester à la maison pendant quelques jours plutôt que de me rendre à mon bureau à l'université ; je peux alors passer mes journées allongées sur le divan de mon salon, mes chats sur les genoux, à siroter mon café et à fumer des cigarettes tout en lisant un livre que je trouve tellement intéressant et distrayant que je l'aurais lu de toute façon pendant mon temps libre. Aristote n'aurait pas vu le moindre travail dans ce que je fais ; plutôt considéré cela comme du loisir. Ce n'est qu'assez récemment dans l'histoire de l'humanité, avec l'émergence de la profession d'universitaire, que ce que je fais a commencé à être qualifié de métier.  Il y a eu des époques pendant lesquels la distinction était relativement claire, par exemple lorsqu'un ouvrier vendait ses bras au propriétaire d'une usine pour un laps de temps déterminé et qu'il passait ce temps à l'usine. Il y avait alors une démarcation assez nette entre travail et loisirs, entre le temps qui appartenait aux employeurs et celui qui était propre aux ouvriers. Cette distinction était étroitement liée à la séparation entre espace professionnel et espace privé. Le travail pouvait alors être défini en termes de temps et de lieu. Bien entendu, c'est toujours le cas pour un grand nombre de personnes, probablement la majorité, mais de nouveaux types d'emploi sont apparus, pour lesquels on ne doit pas se rendre chaque jour dans un lieu spécifique – on peut passer certains jours au bureau et d'autres à la maison. On ne travaille pas non plus pendant un nombre d'heures déterminé. C'est vrai en particulier pour ce qui est de la catégorie toujours plus nombreuse il est vrai des « travailleurs du savoir » : il est d'ailleurs relativement difficile de déterminer exactement quand ils travaillent. L'émergence de nouvelles technologies comme le téléphone mobile et Internet a eu un impact important sur ces distinctions. On peut dire qu'avec cette nouvelle flexibilité, la frontière même entre travail et loisir est devenu floue, en matière de temps comme d'espace. Les horaires flexibles sont de plus en plus courants, et les gens ont des emplois du temps plus individualisés que par le passé. […]
  Comme l'écrivait Ludwig Wittgenstein, dans un texte intitulé Culture et valeur, le travail de la philosophie est en fait davantage un travail sur soi-même, sur sa propre conception du monde, sur la façon dont on voit les choses et ce que l'on n'en attend. Je pense qu'il avait raison."

 

Lars Svendsen, Le Travail. Gagner sa vie, à quel prix ?, 2008, Introduction, tr. fr. Léa Drouet, Éditions Autrement, 2013.
 


Date de création : 21/03/2006 @ 16:24
Dernière modification : 18/10/2024 @ 09:44
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