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Texte à méditer :  Aucune philosophie n'a jamais pu mettre fin à la philosophie et pourtant c'est là le voeu secret de toute philosophie.   Georges Gusdorf
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Hors des sentiers battus
Corps et esprit sont liés, mais ne se confondent pas

   "Et premièrement, il n'y a point de doute que tout ce que la nature m'enseigne contient quelque vérité ; car par la nature, considérée en général, je n'entends maintenant autre chose que Dieu même, ou bien l'ordre et la disposition que Dieu a établie dans les choses créées. Et par ma nature en particulier, je n'entends autre chose que la complexion ou l'assemblage de toutes les choses que Dieu m'a données.
    Or il n'y a rien que cette nature m'enseigne plus expressément, ni plus sensiblement, sinon que j'ai un corps qui est mal disposé quand je sens de la douleur, qui a besoin de manger ou de boire quand j'ai les sentiments de la faim ou de la soif, etc. Et partant, je ne dois aucunement douter qu'il n'y ait en cela quelque vérité.
    La nature m'enseigne aussi, par ces sentiments de douleur, de faim, de soif, etc., que je suis pas seulement logé dans mon corps ainsi qu'un pilote en son navire, mais, outre cela, que je lui suis conjoint très étroitement, et tellement confondu et mêlé que je compose comme un seul tout avec lui. Car si cela n'était, lorsque mon corps est blessé, je ne sentirais pas pour cela de la douleur, moi qui ne suis qu'une chose qui pense, mais j'apercevrais cette blessure par le seul entendement, comme un pilote aperçoit par la vue si quelque chose se rompt dans son vaisseau. Et lorsque mon corps a besoin de boire ou de manger, je connaîtrais simplement cela même, sans en être averti par des sentiments confus de faim et de soif. Car en effet tous ces sentiments de faim, de soif, de douleur, etc., ne sont autre chose que de certaines façons confuses de penser, qui proviennent et dépendent de l'union et comme du mélange de l'esprit avec le corps."

Descartes, Méditations métaphysiques (1641), Méditation sixième.

 


    "Un psychophysiologiste qui affirme l'équivalence exacte de l'état cérébral et de l'état psychologique, qui se représente la possibilité, pour quelque intelligence surhumaine, de lire dans le cerveau ce qui se passe dans la conscience, se croit bien loin des métaphysiciens du XVIIe siècle, et très près de l'expérience. Pourtant l'expérience pure et simple ne nous dit rien de semblable. Elle nous montre l'interdépendance du physique et du moral, la nécessité d'un certain substratum cérébral pour l'état psychologique, rien de plus. De ce qu'un terme est solidaire d'un autre terme, il ne suit pas qu'il y ait équivalence entre les deux. Parce qu'un certain écrou est nécessaire à une certaine machine, parce que la machine fonctionne quand on laisse l'écrou et s'arrête quand on l'enlève, on ne dira pas que l'écrou soit l'équivalent de la machine. Il faudrait, pour que la correspondance fût équivalence, qu'à une partie quelconque de la machine correspondît une partie déterminée de l'écrou, - comme dans une traduction littérale où chaque chapitre rend un chapitre, chaque phrase une phrase, chaque mot un mot. Or, la relation du cerveau à la conscience paraît être tout autre chose. Non seulement l'hypo­thèse d'une équivalence entre l'état psychologique et l'état cérébral implique une véritable absurdité, comme nous avons essayé de le prouver dans un travail antérieur, mais les faits, interrogés sans parti pris, semblent bien indiquer que la relation de l'un à l'autre est précisément celle de la machine à l'écrou."


Bergson, L'évolution créatrice, 1907, P.U.F., 1998, p. 354.


 

    "Que nous dit en effet l'expérience ? Elle nous montre que la vie de l'âme ou, si vous aimez mieux, la vie de la conscience, est liée à la vie du corps, qu'il y a solidarité entre elles, rien de plus. Mais ce point n'a jamais été contesté par personne, et il y a loin de là à soutenir que le cérébral est l'équivalent du mental, qu'on pourrait lire dans un cerveau tout ce qui se passe dans la conscience correspondante. Un vêtement est solidaire du clou auquel il est accroché ; il tombe si l'on arrache le clou ; il oscille si le clou remue il se troue, il se déchire si la tête du clou est trop pointue il ne s'ensuit pas que chaque détail du clou corresponde à un détail du vêtement, ni que le clou soit l'équivalent du vêtement ; encore moins s'ensuit-il que le clou et le vêtement soient la même chose. Ainsi, la conscience est incontestablement accrochée à un cerveau mais il ne résulte nullement de là que le cerveau dessine tout le détail de la conscience, ni que la conscience soit une fonction du cerveau. Tout ce que l'observation, l'expérience, et par conséquent la science nous permettent d'affirmer, c'est l'existence d'une certaine relation entre le cerveau et la conscience."

Bergson, L'Énergie spirituelle (1919), PUF, "Quadrige", 1999, p. 36-37.


 

    "On ne se lasse pas de répéter que l'homme est bien peu de chose sur la terre, et la terre dans l'univers. Pourtant, même par son corps, l'homme est loin de n'occuper que la place minime qu'on lui octroie d'ordinaire, et dont se contentait Pascal lui-même quand il le réduisait à n'être, matériellement, qu'un roseau. Car si notre corps est la matière à laquelle notre conscience s'applique, il est coextensif à notre conscience, il comprend tout ce que nous percevons, il va jusqu'aux étoiles. Mais ce corps immense change à tout instant, et parfois radicalement, pour le plus léger déplacement d'une partie de lui-même qui en occupe le centre et qui tient dans un espace minime. Ce corps intérieur et central, relativement invariable, est toujours présent. Il n'est pas seulement présent, il est agissant : c'est par lui, et par lui seulement, que nous pouvons mouvoir d'autres parties du grand corps. Et comme l'action est ce qui compte, comme il est entendu que nous sommes là où nous agissons, on a coutume d'enfermer la conscience dans le corps minime, de négliger le corps immense... Mais la vérité est tout autre, et nous sommes réellement dans tout ce que nous percevons."

Bergson, Les deux sources de la morale et de la religion, 1932, Chapitre III : La religion dynamique.

 


Date de création : 03/04/2006 @ 19:31
Dernière modification : 06/07/2011 @ 16:27
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