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Texte à méditer :  Je vois le bien, je l'approuve, et je fais le mal.  Ovide
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Hors des sentiers battus
La conception matérialiste de l'histoire

  "La première présupposition de toute histoire humaine c'est, naturellement, l'existence d'individus humains vivants. Le premier état de fait à constater, c'est donc l'organisation corporelle de ces individus et la relation qui en résulte pour eux avec le reste de la nature. Nous ne pouvons naturellement nous appesantir ici ni sur la constitution physique des hommes eux-mêmes, ni sur les conditions naturelles que les hommes trouvent devant eux – circonstances géologiques, oro-hydrographiques, climatiques et autres. Toute historiographie doit partir de ces bases naturelles et de leur modification par l'action des hommes au cours de l'histoire.

  On peut distinguer les hommes des animaux par la conscience, par la religion ou par tout ce que l'on voudra. Eux-mêmes commencent à se distinguer des animaux dès qu'ils se mettent à produire leurs moyens d'existence : ils font par là un pas qui leur est dicté par leur organisation physique. En produisant leurs moyens d'existence les hommes produisent indirectement leur vie matérielle elle-même.

  La façon dont les hommes produisent leurs moyens d'existence dépend, en premier lieu, de la nature des moyens d'existence tout trouvés et à reproduire. Ce mode de production n'est pas à envisager sous le seul aspect de la reproduction de l'existence physique des individus. Disons plutôt qu'il s'agit déjà, chez ces individus, d'un genre d'activité déterminé, d'une manière déterminée de manifester leur vie, d'un certain mode de vie de ces mêmes individus. Ainsi les individus manifestent-ils leur vie, ainsi sont-ils. Ce qu'ils sont coïncide donc avec leur production, avec ce qu'ils produisent aussi bien qu'avec la façon dont ils le produisent. Ainsi, ce que sont les individus dépend des conditions matérielles de leur production".
 

 

Karl Marx et Friedrich Engels, L'Idéologie allemande, 1845-1846, trad. Maximilien Rubel, Louis Évrard et Louis Janover, in Marx, Philosophie, Folio essais, p. 305-306.



    "La production des idées, des représentations, de la conscience est, de prime abord, directement mêlée à l'activité et au commerce matériel des hommes : elle est le langage de la vie réelle. Ici, la manière d'imaginer et de penser, le commerce intellectuel des hommes apparaissent encore comme l'émanation directe de leur conduite matérielle. Il en va de même de la production intellectuelle, telle qu'elle se manifeste dans le langage de la politique, des lois, de la morale, de la religion, de la métaphysique, etc, d'un peuple. Ce sont les hommes qui sont les producteurs de leurs représentations, de leurs idées, etc., mais ce sont les hommes réels, œuvrants, tels qu'ils sont conditionnés par un développement déterminé de leurs forces productives et du commerce qui leur correspond jusque dans ses formes les plus étendues. La conscience ne peut être autre chose que l'être conscient, et l'être des hommes est leur processus de vie réel."

 

Karl Marx et Friedrich Engels, L'Idéologie allemande, 1845-1846, trad. Maximilien Rubel, Louis Évrard et Louis Janover, in Marx, Philosophie, Folio essais,1994, p. 307-308.


  "Tout au contraire de la philosophie allemande, qui descend du ciel sur la terre, on s'élève ici de la terre jusqu'au ciel ; autrement dit, on ne part pas de ce que les hommes disent, s'imaginent, se représentent, ni non plus de ce que l'on dit, pense, s'imagine, se représente à leur sujet, pour en arriver à l'homme en chair et en os; c'est à partir des hommes réellement actifs et de leur processus de vie réel que l'on expose le développement des reflets et des échos idéologiques de ce processus. Les formations brumeuses du cerveau humain sont elles aussi des sublimés nécessaires du processus matériel de leur vie, empiriquement vérifiable et lié à des circonstances matérielles préalables. Par conséquent, la morale, la religion, la métaphysique et tout le reste de l'idéologie, ainsi que les formes de conscience qui leur correspondent, ne conservent plus leur semblant d'indépendance. Elles n'ont ni histoire, ni développement ; ce sont, au contraire, les hommes qui, en même temps qu'ils développent leur production et leur communication matérielles, transforment, avec cette réalité qui leur est propre, et leur pensée et les produits de celle-ci. Ce n'est pas la conscience qui détermine la vie, c'est la vie qui détermine la conscience. Dans la première conception, on part de la conscience comme individu vivant ; dans la seconde, qui correspond à la vie réelle, on part des individus eux-mêmes, réels et vivants, et l’on considère la conscience uniquement comme leur conscience.
Cette conception ne va pas sans présuppositions. Elle part de circonstances préalables réelles et ne les abandonne pas un seul instant. Ses présuppositions, ce sont les hommes, non pas dans quelque isolement ou immobilité imaginaires, mais dans leur processus d’évolution réel, empiriquement perceptible, dans des conditions déterminées. Sitôt décrit ce processus d’activité vitale, l’histoire cesse d’être une collection de faits inanimés, comme chez les empiristes, eux-mêmes encore abstraits, ou une action fictive de sujets fictifs, comme chez les idéalistes."

 

Karl Marx et Friedrich Engels, L'Idéologie allemande, 1845-1846, trad. Maximilien Rubel, Louis Évrard et Louis Janover, in Marx, Philosophie, Folio essais,1994, p. 308-309.

 

  "À l'encontre de la philosophie allemande qui descend du ciel sur la terre, c'est de la terre au ciel que l'on monte ici. Autrement dit, on ne part pas de ce que les hommes disent, s'imaginent, se représentent, ni non plus de ce qu'ils sont dans les paroles, la pensée, l'imagination et la représentation d'autrui, pour aboutir ensuite aux hommes en chair et en os ; non, on part des hommes dans leur activité réelle, c'est à partir de leur processus de vie réel que l'on représente aussi le développement des reflets et des échos idéologiques de ce processus vital. Et même les fantasmagories dans le cerveau humain sont des sublimations résultant nécessairement du processus de leur vie matérielle que l'on peut constater empiriquement et qui repose sur des bases matérielles.
De ce fait, la morale, la religion, la métaphysique et tout le reste de l'idéologie, ainsi que les formes de conscience qui leur correspondent, perdent aussitôt toute apparence d'autonomie. Elles n'ont pas d'histoire, elles n'ont pas de développement ; ce sont au contraire les hommes qui, en développant leur production matérielle et leurs rapports matériels, transforment, avec cette réalité qui leur est propre, et leur pensée et les produits de leur pensée. Ce n'est pas la conscience qui détermine la vie, mais la vie qui détermine la conscience. Dans la première façon de considérer les choses, on part de la conscience comme étant l'individu vivant, dans la seconde façon, qui correspond à la vie réelle, on part des individus réels et vivants eux-mêmes et l'on considère la conscience uniquement comme leur conscience.

  Cette façon de considérer les choses n'est pas dépourvue de présuppositions. Elle part des prémisses réelles et ne les abandonne pas un seul instant. Ces prémisses, ce sont les hommes, non pas isolés et figés, de quelque manière imaginaire, mais saisis dans leur processus de développement réel dans des conditions déterminées, développement visible empiriquement. Dès que l'on représente ce processus d'activité vitale, l'histoire cesse d'être une collection de faits sans vie, comme chez les empiristes, qui sont eux-mêmes encore abstraits, ou l'action imaginaire de sujets imaginaires, comme chez les idéalistes."

 

Karl Marx et Friedrich Engels, L'Idéologie allemande, 1845-1846, tr. fr. Cartelle-Badia, Éditions Sociales, p. 36-37.



    " […] force nous est de constater d'emblée que la première condition de toute existence humaine, donc de toute histoire, c'est que les hommes doivent être en mesure de vivre pour être capables de « faire l'histoire ». Or, pour vivre, il faut avant tout manger et boire, se loger, se vêtir et maintes autres choses encore. Le premier acte historique, c'est donc la création des moyens pour satisfaire ces besoins, la production de la vie matérielle elle-même."

 

Karl Marx et Friedrich EngelsL'Idéologie allemande, 1845-1846, trad. Maximilien Rubel, Louis Évrard et Louis Janover, in Marx, Philosophie, Folio essais,1994, p. 311.



  "À toute époque, les idées de la classe dominante sont les idées dominantes ; autrement dit, la classe qui est la puissance matérielle dominante de la société est en même temps la puissance spirituelle dominante. La classe qui dispose des moyens de la production matérielle dispose en même temps, de ce fait, des moyens de la production intellectuelle, si bien qu'en général, elle exerce son pouvoir sur les idées de ceux à qui ces moyens font défaut. Les pensées dominantes ne sont rien d'autre que l'expression en idées des conditions matérielles dominantes, ce sont ces conditions conçues comme idées, donc l'expression des rapports sociaux qui font justement d'une seule classe la classe dominante, donc les idées de sa suprématie. Les individus qui composent la classe dominante ont aussi, entre autres choses, une conscience et c'est pourquoi ils pensent. Il va de soi que, dans la mesure où ils dominent en tant que classe et déterminent une époque dans tout son champ, ils le font en tous domaines ; donc, qu'ils dominent aussi, entre autres choses, comme penseurs, comme producteurs de pensées ; bref, qu'ils règlent la production et la distribution des idées de leur temps, si bien que leurs idées sont les idées dominantes de l'époque. À un moment, par exemple, et dans un pays où la puissance royale, l'aristocratie et la bourgeoisie se disputent la suprématie et où, par conséquent, le pouvoir est partagé, la pensée dominante se manifeste dans la doctrine de la séparation des pouvoirs que l'on proclame alors « loi éternelle »."
 

Karl Marx et Friedrich Engels, L'Idéologie allemande, 1845-1846, trad. Maximilien Rubel, Louis Évrard et Louis Janover, in Marx, Philosophie, Folio essais,1994, pp. 338-339.

 

    "L'histoire de toute société jusqu'à nos jours est l'histoire de luttes de classes.

    Homme libre et esclave, patricien et plébéien, baron et serf, maître de jurandes et compagnon, bref oppresseurs et opprimés, en opposition constante, ont mené une lutte ininterrompue, tantôt ouverte, tantôt dissimulée, une lutte qui finissait toujours soit par une transformation révolutionnaire de la société tout entière, soit par la disparition des deux classes en lutte.

    Dans les premières époques historiques, nous constatons presque partout une structuration achevée de la société en corps sociaux distincts, une hiérarchie extrêmement diversifiée des conditions sociales. Dans la Rome antique, nous trouvons des patriciens, des chevaliers, des plébéiens, des esclaves ; au Moyen-Âge, des seigneurs, des vassaux, des maîtres, des compagnons, des serfs et, de plus, dans presque chacune de ces classes une nouvelle hiérarchie particulière.

    La société bourgeoise moderne, élevée sur les ruines de la société féodale, n'a pas aboli les antagonismes de classes. Elle n'a fait que substituer de nouvelles classes, de nouvelles conditions d'oppression, de nouvelles formes de luttes à celles d'autrefois.

Cependant, le caractère distinctif de notre époque, de l'époque de la bourgeoisie, est d'avoir simplifié les antagonismes de classes. La société entière se scinde de plus en plus en deux vastes camps ennemis, en deux grandes classes qui s'affrontent directement : la bourgeoisie et le prolétariat [1].

    […] La bourgeoisie a joué dans l'histoire un rôle éminemment révolutionnaire.

    Partout où elle a conquis le pouvoir, elle a détruit les relations féodales, patriarcales et idylliques [2]. Tous les liens variés qui unissent l'homme féodal à ses supérieurs naturels, elle les a brisés sans pitié pour ne laisser subsister d'autre lien, entre l'homme et l'homme, que le froid intérêt, les dures exigences du "paiement comptant". Elle a noyé les frissons sacrés de l'extase religieuse, de l'enthousiasme chevaleresque, de la sentimentalité petite-bourgeoise dans les eaux glacées du calcul égoïste. Elle a supprimé la dignité de l'individu devenu simple valeur d'échange ; aux innombrables libertés [3] dûment garanties et si chèrement conquises, elle a substitué l'unique et impitoyable liberté de commerce. En un mot, à l'exploitation que masquaient les illusions religieuses et politiques, elle a substitué une exploitation ouverte, éhontée, directe, brutale. […]

    Nous assistons aujourd'hui à un processus analogue. Les rapports bourgeois de production et d'échange, de propriété, la société bourgeoise moderne, qui a fait surgir de si puissants moyens de production et d'échange, ressemble au sorcier qui ne sait plus dominer les puissances infernales qu'il a évoquées."
 

 

Karl Marx et Friedrich Engels, Manifeste du parti communiste, 1848, chap. I, trad. L. Lafargue revue par M. Kiitz, Éd. Sociales, bilingue, Paris 1972, p. 31-47.



  "Lorsque, dans le cours du développement, les différences de classe auront disparu et que toute la production sera concentrée entre les mains des individus associés, le pouvoir public perdra son caractère politique. Le pouvoir politique au sens strict du terme est le pouvoir organisé d'une classe pour l'oppression d'une autre. Si, dans sa lutte contre la bourgeoisie, le prolétariat est forcé de s'unir en une classe ; si, par une révolution, il se constitue en classe dominante et, comme telle abolit par la force les anciens rapports de production – c'est alors qu'il abolit en même temps que ce système de production les conditions d'existence de l'antagonisme des classes ; c'est alors qu'il abolit les classes en général et, par là même, sa propre domination en tant que classe.
  L'ancienne société bourgeoise, avec ses classes et ses conflits de classe, fait place à une association ou le libre épanouissement de chacun est la condition du libre épanouissement de tous".
 

Karl Marx et Friedrich EngelsLe Manifeste communiste, 1848, trad. Maximilien Rubel et Louis Évrard, in Marx, Philosophie, Folio essais,1994, p. 425-426.


[1] Par bourgeoisie on entend la classe des capitalistes modernes qui possèdent les moyens sociaux de production et utilisent du travail salarié. Par prolétariat, la classe des ouvriers salariés modernes qui ne possèdent pas de moyens de production et en sont donc réduits à vendre leur force de travail pour pouvoir subsister. [Note de Engels.]

[2] Une idylle est un petit poème d'amour, tendre et naïf. Une représentation idyllique tend à ignorer naïvement les mauvais aspects d'une situation et à se la représenter comme sous l'effet d'un aveuglement amoureux.

[3] Attention, ce terme a ici, employé au pluriel, le sens qu'il avait au Moyen-Âge c'est-à-dire l'ensemble des franchises (exemption de certaines charges, de certaines taxes) et des immunités qui étaient données aux différentes corporations, villes, etc.

 


  "D'après la conception matérialiste de l'histoire, le facteur déterminant dans l'histoire est, en dernière instance, la production et la reproduction de la vie réelle. Ni Marx, ni moi n'avons jamais affirmé davantage. Si, ensuite, quelqu'un torture cette proposition pour lui faire dire que le facteur économique est le seul déterminant, il la transforme en une phrase vide, abstraite, absurde. La situation économique est la base, mais les divers éléments de la superstructure – les formes politiques de la lutte des classes et ses résultats – les Constitutions établies une fois la bataille gagnée par la classe victorieuse, etc. – les formes juridiques, et même les reflets de toutes ces luttes réelles dans le cerveau des participants, théories politiques, juridiques, philosophiques, conceptions religieuses, et leur développement ultérieur en systèmes dogmatiques, exercent également leur action sur le cours des luttes historiques et, dans beaucoup de cas, en déterminent de façon prépondérante la forme. Il y a action et réaction de tous ces facteurs au sein desquels le mouvement économique finit par se frayer son chemin comme une nécessité à travers la foule infinie de hasards (c'est-à-dire de choses et d'événements dont la liaison intime est si lointaine ou si difficile à démontrer que nous pouvons la considérer comme inexistante et la négliger). Sinon, l'application de la théorie à n'importe quelle période historique serait, ma foi, plus facile que la résolution d'une simple équation du premier degré.
  Nous faisons notre histoire nous-mêmes, mais tout d'abord, avec des prémisses et dans des conditions très déterminées. Entre toutes, ce sont les conditions économiques qui sont finalement déterminantes, mais les conditions politiques, etc., voire la tradition qui hante le cerveau des hommes, jouent également un rôle, bien que non décisif".
 

 

Friedrich Engels, "Lettre à Joseph Bloch", 21 septembre 1890, Études philosophiques, Éd. Sociales, 1977, p. 238-241.

 

 

 


Date de création : 05/12/2006 @ 14:44
Dernière modification : 26/03/2024 @ 15:17
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