* *

Texte à méditer :  La raison du plus fort est toujours la meilleure.
  
La Fontaine
* *
Figures philosophiques

Espace élèves

Fermer Cours

Fermer Méthodologie

Fermer Classes préparatoires

Espace enseignants

Fermer Sujets de dissertation et textes

Fermer Elaboration des cours

Fermer Exercices philosophiques

Fermer Auteurs et oeuvres

Fermer Méthodologie

Fermer Ressources en ligne

Fermer Agrégation interne

Hors des sentiers battus
Cours sur les Romances sans paroles de Verlaine
Romances sans paroles de Verlaine
 
Introduction
 
I.                   La fonction poétique du langage
 
 Selon le linguiste russe Roman Jakobson, on peut distinguer 6 fonctions du langage, selon ce sur quoi celui-ci est centré[1] :
1) La fonction expressive ou émotive : le langage exprime quelque chose (il est centré sur le destinateur, c'est-à-dire l'émetteur du message, ou le locuteur) ; il "vise à une expression directe du sujet à l'égard de ce dont il parle."
 
2) La fonction conative : le langage est centré sur le destinataire ou l'interlocuteur. Il peut s'agir d'un message performatif : le message peut faire naître un certain comportement chez l'interlocuteur. Cette fonction trouve son expression grammaticale la plus pure dans le vocatif (qui consiste dans l'interpellation directe d'une personne ou d'une chose, au moyen d'un appellatif ; ex. : "Toi, que j'implore !") et l'impératif ("Chargez !")
3) La fonction référentielle : le langage décrit le monde (il est centré sur le référent, c'est-à-dire ce dont parle le langage). Ex. : "L'herbe est verte."
4) La fonction phatique : le langage cherche à établir, maintenir ou interrompre une communication, un contact. "Allô ?", "N'est-ce pas ?", etc., relèvent de la fonction phatique du langage.
5) La fonction métalinguistique : le langage est centré sur lui-même (le langage parle du langage). Les usagers habituels de la fonction métalinguistique sont, par exemple, les linguistes, ou les professeurs de français. Ex. : "Le mot « parole » vient du latin « parabola », qui signifie « comparaison »."
6) La fonction poétique : le langage est centré sur ses propres qualités esthétiques. Le langage joue alors sur son propre code.
 
Du point de vue de la fonction poétique, le langage ne joue plus un rôle de simple système de communication de la pensée. C'est le message en tant que tel qui est visé, et non son contenu ; l'accent est mis sur le message pour son propre compte. Comme l'écrit Jakobson :
 
"La mise en relief du message par lui-même est proprement ce qui caractérise la fonction poétique."[3]
 
La fonction poétique "met en évidence le côté palpable des signes"[4], c'est-à-dire qu'elle porte sur le signe en tant que chose, et non en tant que signifiant, ou se référant à, quelque chose.
 À cet égard, on peut donc distinguer la prose de la poésie. En effet, "la poésie est centrée sur le signe alors que la prose, pragmatique, l'est, au premier chef, sur le référent"[5]. Là où la prose est faite de signes, qui dénotent quelque chose, la poésie délaisse la dénotation ou, plus exactement, fait de celle-ci quelque chose de secondaire.
 Dans Qu'est-ce que la littérature ?, Sartre explicite lui aussi cette distinction. C'est ainsi qu'il écrit que "l'empire des signes, c'est la prose"[6], tandis que "la poésie est du côté de la peinture, de la sculpture, de la musique"[7], c'est-à-dire autant d'arts qui n'ont pas pour but de signifier (comme le précise Sartre, "les notes, les couleurs, les formes ne sont pas des signes, elles ne renvoient à rien qui leur soit extérieur"[8]), mais de créer des choses qui valent pour elles-mêmes (c'est pourquoi il y a une immanence aussi bien de la peinture que de la sculpture et de la musique).
 L'écrivain (il faut ici entendre le prosateur) a affaire aux signes et donc aux significations. La notion de signe implique en effet celle de signification : un signe signifie quelque chose, c'est-à-dire qu'il renvoie à, ou désigne, quelque chose qui lui est extérieur (il réfère ou dénote) : un objet ou un référent. Comme l'écrit Sartre :
 
"L'art de la prose s'exerce sur le discours, sa matière est naturellement signifiante : c'est-à-dire que les mots ne sont pas d'abord des objets, mais des désignations d'objets. Il ne s'agit pas d'abord de savoir s'ils plaisent ou déplaisent en eux-mêmes, mais s'ils indiquent correctement une certaine chose du monde ou une certaine notion."[9]
 
 
La prose est "utilitaire par essence"[10], le prosateur étant un homme "qui se sert des mots"[11], pour changer la réalité. C'est pourquoi Sartre peut écrire que "parler, c'est agir".
 
 À l’inverse, pour Sartre, la poésie se rapproche donc de la musique (ou de la peinture et de la sculpture) en ce sens que pour elle, les mots ne sont pas des signes (ils ne renvoient pas à un objet extérieur), mais des choses. Le poète n'utilise pas le langage.
 
 "Les poètes sont des hommes qui refusent d'utiliser le langage. Or, comme c'est dans et par le langage conçu comme une certaine espèce d'instrument que s'opère la recherche de la vérité, il ne faut pas s'imaginer qu'ils visent à discerner le vrai ni à l'exposer. Ils ne songent pas non plus à nommer le monde et, par le fait, ils ne nomment rien du tout, car la nomination implique un perpétuel sacrifice du nom à l'objet nommé ou pour parler comme Hegel, le nom s'y révèle l'inessentiel, en face de la chose qui est essentielle. Ils ne parlent pas ; ils ne se taisent pas non plus, c'est autre chose. […] En fait, le poète s'est retiré d'un seul coup du langage-instrument ; il a choisi une fois pour toutes l'attitude poétique qui considère les mots comme des choses et non comme des signes. Car l'ambiguïté du signe implique qu'on puisse à son gré le traverser comme une vitre et poursuivre à travers lui la chose signifiée ou tourner son regard vers sa réalité et le considérer comme objet. L'homme qui parle est au-delà des mots, près de l'objet ; le poète est en deçà. Pour le premier, ils sont domestiques ; pour le second, ils restent à l'état sauvage. Pour celui-là, ce sont des conventions utiles, des outils qui s'usent peu à peu et qu'on jette quand ils ne peuvent plus servir ; pour le second, ce sont des choses naturelles qui croissent naturellement sur la terre comme l'herbe et les arbres. […]
 Le parleur est en situation dans le langage, investi par les mots ; ce sont les prolongements de ses sens, ses pinces, ses antennes, ses lunettes […]. Le poète est hors du langage, il voit les mots à l'envers."
 
Jean-Paul Sartre, Qu'est-ce que la littérature ?, Gallimard, 1948, Folio Essais, p. 17-19.
 
Il y a un aspect physique du mot, une esthétique du mot dont s'empare le poète. L'attitude de ce dernier à l'égard du langage est une attitude contemplative; comme l'écrit Sartre, "c'est l'affaire du seul poète que de contempler les mots de façon désintéressée"[12].
 Toute poésie est ainsi une création d'un langage, ou d'une musique, d'un langage qui est une musique. La parole poétique ne renvoie pas à autre chose qu'à elle-même : elle vaut essentiellement par l'agencement des mots, des vers, des rimes, et par le travail sur le rythme (cf. rôle fondamental de la respiration), à travers lequel elle renoue avec l'oralité où elle trouve son origine. Oralité qui se caractérise aussi par la prosodie, c'est-à-dire par l'inflexion, le ton, la tonalité, l'intonation, l'accent, la modulation que nous donnons à notre langage oral en fonction de nos émotions et de l'impact que nous désirons avoir sur nos interlocuteurs.
 Si la poésie ne peut être strictement assimilée à la musique, dans la mesure où, à la différence de cette dernière, elle a pour matériau la parole, la manière dont le poète travaille le langage ramène toutefois celui-ci à sa musicalité (cf. infra).
 
Exemples : 1. Dans les Fausses confidences de Marivaux, à la scène 6 de l'acte III, Madame Argante, habituée du langage précieux, illustre la dimension poétique du langage quand elle cherche à reformuler la phrase "il vous aime", laquelle devient "il est amoureux de vous" (il s'agit ici de faire disparaître l'équivocité du verbe "aimer", et l'on reste dans la fonction référentielle ou descriptive du langage) puis "il soupire pour vous", et enfin "vous êtes l'objet secret de son amour" (ces deux dernières formulations n'ont plus de raison d'être du point de vue du sens ; c'est bien la forme qui est en jeu, l'esthétique de la parole).
 
2.      La célèbre scène 4 de l'acte II du Bourgeois gentilhomme de Molière (1670).
 
Monsieur Jourdain s'étonne de parler en prose depuis 40 ans, ce qui, en réalité, ne saurait étonner si l'on reprend l'analyse sartrienne, car Jourdain incarne justement le caractère utilitaire bourgeois.
Exemple de prose : "Nicole, apportez-moi mes pantoufles, et me donnez mon bonnet de nuit."
Cette phrase a une fonction conative, ou incitative : son but est de produire l'action voulue. Ce qui compte ici, c'est donc le contenu du message. Il s'agit d'être compris de la personne dont on veut déterminer le comportement, et la forme du message, dans la mesure où elle exprime le contenu de celui-ci n'importe pas.
 À l'inverse, dans la déclaration d'amour que Monsieur Jourdain veut faire à Dorimène (la marquise), même si elle se fait en prose, la fonction poétique est couplée à la fonction purement expressive.
 La première phrase proposée par Jourdain : "Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d'amour." autorise plusieurs formulations qui, bien qu'étant identiques du point de vue de la signification, n'en diffèrent pas moins : Jourdain recherche "de toutes ces façons, laquelle est la meilleure", ce qui logiquement ne peut être jugé du point de vue de la signification, puisque toutes ces formulations signifient la même chose, mais bien d'un point de vue "esthétique".
 Ainsi, la reformulation proposée par le Maître de Philosophie, qui se veut éminemment poétique : "Les feux de vos yeux réduisent mon cœur en cendres ; je souffre nuit et jour par vous les violences d'un…" est refusée par Jourdain, qui tient à ne garder que les paroles d'origine, "'mais tournées à la mode, bien arrangées comme il faut".
→ ce qui compte, c'est l'arrangement des mots, donc la forme de ce qui est dit, mais non pas du point de vue du sens (qui dépend lui aussi de l'arrangement des mots), mais du point de vue du style.
 Pourtant, on voit bien que Jourdain n'est pas sensible à la fonction poétique du langage. Il semble la revendiquer, mais ne la comprend pas (ce qui explique son rejet de la première formulation du maître de philosophie). Ce qui lui importe, c'est d'être compris, et surtout de se conformer à un impératif social : dire les choses comme il faut les dire, en suivant la mode du moment.
 
 Selon Sapir, il y a dans l'art littéraire "deux plans distincts étroitement entremêlés ; un art généralisé non tributaire de l'expression linguistique, qui peut donc être reporté sans rien perdre dans une langue étrangère, et un art spécifiquement linguistique qui ne peut pas se transférer."[13]
 
 
"La littérature se sert du langage comme moyen d'expression, et ce moyen comporte deux aspects : le contenu latent de tout langage (c'est-à-dire le produit intuitif de notre expérience) et les traits extérieurs caractéristiques d'un langage donné (c'est-à-dire la façon particulière dont se traduit notre expérience)."[14]
 
 
→ le contenu latent du langage (qui relève de l'idée) correspond à l'intériorité du langage, par opposition à son extériorité, c'est-à-dire à son aspect.
 
Ainsi, il est possible de traduire, même si imparfaitement, un roman ou une pièce de théâtre, sans perdre ce qui en fait sa raison d'être. En revanche, un poème est à peu près intraduisible (on perd la musicalité de la langue par exemple). C'est ce qui a fait dire à Benedetto Croce qu'une œuvre littéraire ne peut jamais être traduite. "Traduttore, traditore", littéralement "traducteur, traître", ce qui signifie que toute traduction est une trahison[15].
 
Exemples : le célèbre vers de Racine, souvent utilisé pour illustrer la notion d'allitération : "Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ?" (Andromaque, Acte V, Scène 5) devient, dans sa traduction anglaise : "Who are those snakes for, hissing in your hair ?"[16]
 
 
→ on perd à la fois le rythme de l'alexandrin et l'allitération.
 L'incipit de Lolita de Nabokov : "Lolita, light of my life, fire of my loins. My sin, my soul. Lo-lee-ta: the tip of the tongue taking a trip of three steps down the palate to tap, at three, on the teeth. Lo. Lee. Ta."
Là encore, l'allitération en "t" disparaît totalement avec la traduction française :
"Lolita, lumière de ma vie, feu de mes reins. Mon péché, mon âme. Lo-lii-ta : le bout de la langue fait trois petits pas le long du palais pour taper, à trois, contre les dents. Lo. Lii. Ta."[17]
 
 
Il ne faudrait pas croire que la poésie ne dit rien : la poésie essaie de dépasser l'impuissance du langage, de dire autrement ce qui ne peut être dit par l'usage ordinaire du langage.
 
3.      La poésie de Verlaine
 
 La poésie de Verlaine (1844-1896) est caractérisée par la diversité (d'allure parfois très classique, ou au contraire véritablement innovante), la liberté (qui s'exprime par exemple dans la préférence du vers impair et dans la variété de ses utilisations), son caractère musical, par l'usage de la suggestion au fort pouvoir évocateur. Dès ses premières œuvres, il semble construire sa réputation de poète sulfureux, marginal, maudit.
 
1.      Influences
 
 C'est au lycée, tandis qu'il lit Baudelaire (Les Fleurs du mal)[18], Théodore de Banville (Cariatides) ou l'œuvre de Marceline Desbordes-Valmore (qui seront autant d'influences pour lui), que Verlaine découvre sa vocation poétique.
 
-         Influence du Parnasse
 
 Alors que le romantisme est toujours un courant important, le Parnasse, "renouveau lui-même du romantisme" selon Verlaine, est un mouvement littéraire de la seconde moitié du XIXe siècle, issu de "l'Art pour l'Art", qui met en avant l'autonomie de l'œuvre d'art et conduit à rechercher un nouveau mode d'expression, valorisant l'art poétique par la retenue, l'impersonnalité (affranchissement vis-à-vis du lyrisme et de la subjectivité) et le rejet de l'engagement social et politique de l'artiste. Le Parnasse apparaît en réaction aux excès lyriques et sentimentaux du romantisme imités de la poésie de Lamartine et d'Alfred de Musset qui mettent en avant les épanchements sentimentaux aux dépens de la perfection formelle du poème.
 Parmi ses plus célèbres représentants, on trouve : Leconte de Lisle (considéré comme le tête de file du mouvement), Sully Prudhomme, José-Maria de Heredia (Les conquérants), François Coppée, etc.
 Le mouvement fut accompagné et a influencé les grands "Poètes Maudits", qui l'ont côtoyé à des titres divers : Rimbaud, Verlaine, Mallarmé ou encore Baudelaire.
 
 Verlaine a par ailleurs subi l'influence de Rimbaud qui, refusant violemment un lyrisme entendu comme expression de soi, et contre la subjectivité poétique (caractéristique du romantisme), préconise une "poésie objective", mettant en valeur la matérialité des mots et des choses.
→ refus du "pathos".
 
2.      "De la musique avant toute chose !"
 
 La poésie, qui a précédé l'écriture et était destinée à l'origine à des récitations en musique, est étroitement liée à la parole orale.
 Verlaine représente, dans les années 1870, un exemple de rencontre entre poésie et musique, mais aussi entre peinture et poésie. Suite à la parution des Romances sans paroles, on peut lire dans Le Rappel du 16 avril 1874 :
 
"C'est encore de la musique, musique souvent bizarre, triste toujours, et qui semble l'écho de mystérieuses douleurs."
 
 Le moyen principal dans le poème verlainien est la fusion du tableau et du chant. Dans ses paysages, Verlaine associe en effet souvent des bruits, des chants d'oiseaux, des bruissements d'arbres, de feuilles dans une alliance suggestive de sensations auditives et de notations visuelles. Verlaine lui-même, dans son Art poétique, explicitait les liens de sa poésie avec la musique et la peinture :
 
"De la musique avant toute chose,
[…]
Car nous voulons la Nuance encor,
Pas la Couleur, rien que la nuance !
Oh ! la nuance seule fiance
Le rêve au rêve et la flûte au cor !
[…]
Prends l'éloquence et tords-lui son cou !
[…]
De la musique encore et toujours !
Que ton vers soit la chose envolée
Qu'on sent qui fuit d'une âme en allée
Vers d'autres cieux à d'autres amours."
[19]
 
Verlaine se plaît à agrémenter ses poèmes d'éléments empruntés directement au monde musical.
 
 L'attention à la musique du vers est toujours restée primordiale chez Verlaine, presque obsédante. C'est pourquoi le poème verlainien, plus qu'aucun autre peut-être, est spontanément musical. La voix écrite se veut chant. Aussi la musique qu'il trouve dans les mots lui sert-elle à s'évader d'un monde qui parle trop (on a affaire à une sorte de catharsis musicale).
Cf. choix des mots et de leurs sonorités, choix du rythme, du tempo du vers, choix liés aux formes mêmes (ariette, romance, chanson, etc.) retenues par Verlaine.
 Verlaine utilise très souvent la répétition (de mots, de formules ou de vers entiers), qui produit autant de refrains, le refrain étant une caractéristique essentielle de la musique.
 Rarement sans doute les mots et la musique furent à ce point accordés. Avec les Romances sans paroles, Verlaine consacre l'effacement de la parole devant la musique, l'abandon total au pouvoir envoûtant du songe. Il n'est donc pas étonnant que nombreux soient les musiciens à s'être emparés de sa poésie pour la mettre en musique.
 Debussy a mis en musique un grand nombre de poèmes de Verlaine, dont plusieurs "Ariettes oubliées" (en 1885-1887) : 1/ C'est l'extase langoureuse ; 2/ Il pleure dans mon cœur ; 3/ L'ombre des arbres ;
4/ Chevaux de bois ; 5/ Green ; 6/ Spleen ; Gabriel Fauré a fait de même (C'est l'extase langoureuse, Spleen).
 Léo Ferré a lui aussi, dans un double album intitulé "Verlaine et Rimbaud" (1964), transformé en chansons deux des poèmes de Romances sans paroles : l'Ariette VII ("Triste était mon âme") et Green.
 
Octave Nadal :
 
"La recherche d'une langue poétique sans paroles, le naufrage du sens des mots sur de puissants manèges de musique ou d'images, attestaient que Verlaine s'était tourné résolument vers un art dont la sensation devait constituer la base."[20]
 
 
La poésie de Verlaine n'est toutefois pas musique ; il demeure une irréductible différence entre poésie et musique. Comme l'écrit Gilles Vannier :
 
"Verlaine, en fait, n'invente pas la poésie musicale. Il fait entendre la langue française. Un poème s'écoute d'une tout autre manière qu'une pièce musicale."
 
 
 
 
 
 
Verlaine a beau dénommer son recueil "Romances sans paroles", le verbe est là et le poème n'est pas pure musique. Convoquer ou évoquer la "musique" pour le caractériser est strictement métaphorique. Comme l'écrivait Stravinsky :
 
 "Je considère la musique par son essence comme impuissante à exprimer quoi que ce soit : un sentiment, une attitude, un état psychologique, un phénomène de la nature, etc. L’expression n’a jamais été la propriété immanente de la musique. La raison d’être de celle-ci n’est d’aucune façon conditionnée par celle-là. Si, comme c’est presque toujours le cas, la musique paraît exprimer quelque chose, ce n’est qu’une illusion et non pas une réalité. C’est simplement un élément additionnel que, par une convention tacite et invétérée, nous lui avons prêté, imposé, comme une étiquette, un protocole, bref, une tenue et que, par accoutumance ou in­conscience, nous sommes arrivés à confondre avec son essence."[22]
 
 
Or, la poésie en général, et celle de Verlaine en particulier, exprime bien quelque chose. Elle est signifiante au sens où l'entendait Sartre (cf. supra).
 
-         Verlaine et la versification
 
 La rime n'est plus qu'un des multiples éléments sonores dont le poète dispose pour traduire ses impressions. Verlaine prouve une maîtrise absolue des rythmes boiteux (cf. jeux sur la césure, sur les diérèses), de l'utilisation des vers impairs (comme le souligne Paul Valéry, il a usé de presque tous les mètres possibles, de celui de 5 syllabes à celui de 13. 5, 7 et 13 étant des nombres de premiers, ils empêchent de donner au vers un rythme binaire ou ternaire).
 
Paul Valéry :
 
"Parfois, ses vers font songer à une récitation de prières murmurées et rythmées au catéchisme ; parfois, ils sont d'une étonnante négligence et écrits dans le langage le plus familier."[23]
 
 
"Parfois, on croirait qu'il tâtonne parmi les syllabes et les rimes, et qu'il cherche l'expression la plus musicale de l'instant. Mais il sait très bien ce qu'il fait, et même il le proclame : il décrète un art poétique, "de la musique avant toute chose", et pour cela, il préfère la liberté […]. Ce décret est significatif."[24]
 
 
Verlaine est un héritier critique des règles de versification. Dans une lettre du 23 mai 1873, il parle par exemple des "hérésies de versification" de Romances sans paroles. Elles tiennent pour beaucoup à la manière dont le poète subvertit les codes traditionnels de la poésie : recours aux vers impairs, déstructuration de la césure, de la syntaxe, des rythmes… Cette versification repose sur de multiples "enjambements et rejets dépendants de deux césures avoisinantes", sur de "fréquentes allitérations, quelque chose comme de l'assonance souvent dans le corps même du vers, rimes plutôt rares que riches."[25]
 
 
3.      L' "impressionnisme" de Verlaine
 
 Verlaine s'est posé dès le début la question de savoir comment exprimer l'impression. Il y répond par l'art subtil non de la décrire, mais de la suggérer. Verlaine allège autant qu'il le peut le langage de ses possibilités logiques pour ne retenir que les effets d'images et de sons qui s'enchaînent selon leur valeur de coloration. Verlaine humilie les mots en tant que signes parlant à l'intelligence : ils perdent leur fonction représentative du réel. Il ne dit plus directement l'émotion ressentie, mais la laisse transparaître par des images et des sonorités juxtaposées (cf. Ariette I).
 Pour Verlaine, l'art doit tendre vers le ténu, l'intime aller de pair avec l'infime.
 De ce point de vue, on peut parler d' "impressionnisme" verlainien, dans la mesure où l'impressionnisme est notamment caractérisé par une tendance à noter les impressions fugitives. D'ailleurs, les références à la peinture sont nombreuses chez Verlaine (cf. les titres qu'il utilise : "Paysages tristes", dans les Poèmes saturniens, et "belges" dans les Romances sans paroles, Eaux fortes dans les Poèmes saturniens, et Aquarelles dans les Romances sans paroles, etc.)
 

Quelques poèmes tirés de précédents recueils de Verlaine :
 
 
Mon rêve familier
 
Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.

Car elle me comprend, et mon coeur, transparent
Pour elle seule, hélas ! cesse d'être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.

Est-elle brune, blonde ou rousse ? - Je l'ignore.
Son nom ? Je me souviens qu'il est doux et sonore
Comme ceux des aimés que la Vie exila.

Son regard est pareil au regard des statues,
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L'inflexion des voix chères qui se sont tues.
 
Poèmes saturniens (1866)
 
Soleils couchants
 
Une aube affaiblie
Verse par les champs
La mélancolie
Des soleils couchants.
La mélancolie
Berce de doux chants
Mon coeur qui s'oublie
Aux soleils couchants.
Et d'étranges rêves
Comme des soleils
Couchants sur les grèves,
Fantômes vermeils,
Défilent sans trêves,
Défilent, pareils
À des grands soleils
Couchants sur les grèves.
 
Poèmes saturniens (1866)
 
Clair de lune

Votre âme est un paysage choisi
Que vont charmant masques et bergamasques
Jouant du luth et dansant et quasi
Tristes sous leurs déguisements fantasques.
Tout en chantant sur le mode mineur
L'amour vainqueur et la vie opportune
Ils n'ont pas l'air de croire à leur bonheur
Et leur chanson se mêle au clair de lune,
Au calme clair de lune triste et beau,
Qui fait rêver les oiseaux dans les arbres
Et sangloter d'extase les jets d'eau,
Les grands jets d'eau sveltes parmi les marbres.
 
Fêtes galantes (1869)
 
Colloque sentimental
 
Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux formes ont tout à l'heure passé.
Leurs yeux sont morts et leurs lèvres sont molles,
Et l'on entend à peine leurs paroles.
Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux spectres ont évoqué le passé.
- Te souvient-il de notre extase ancienne?
- Pourquoi voulez-vous donc qu'il m'en souvienne?
- Ton coeur bat-il toujours à mon seul nom?
Toujours vois-tu mon âme en rêve? - Non.
Ah ! les beaux jours de bonheur indicible
Où nous joignions nos bouches ! - C'est possible.
- Qu'il était bleu, le ciel, et grand, l'espoir !
- L'espoir a fui, vaincu, vers le ciel noir.
Tels ils marchaient dans les avoines folles,
Et la nuit seule entendit leurs paroles.
 
Fêtes galantes (1869). Dernier poème du recueil.
 
4.      Romances sans paroles
 
 Écrites pendant l'année 1872 et les premiers mois de l'année 1873, les Romances sans paroles sont souvent considérées comme le chef d'œuvre de Verlaine, portant à la perfection l'attitude de ce dernier devant le monde et le langage. Sans nous prononcer sur ce jugement, il est vrai qu'elles possèdent une indéniable originalité : Verlaine se laisse effleurer par la multiplicité du réel (êtres, objets, paysages), pour proférer une parole dont la valeur est moins dans le sens que dans l'accent, la force moins dans l'intensité que dans la mélodie. Cette originalité se comprend notamment par leur contexte d'écriture.
 La matière de Romances sans paroles se rattache en effet aux heures les plus noires de sa vie sentimentale : sa rupture avec Mathilde Mauté et surtout sa liaison avec Arthur Rimbaud. Son écriture est donc tributaire de la rencontre avec ce dernier, de l'errance des deux hommes à travers l'Europe et de la séparation de Verlaine avec Mathilde.
 
1.      Éléments de contexte
 
Dans les années 1866-70, à la suite des décès de son père et de sa cousine Élisa, Verlaine s'enfonce dans l'ivrognerie et s'abandonne aux amours masculines. Sous l'influence de l'absinthe, il multiplie les esclandres et les provocations.
 En 1869, il se fiance à Mathilde Mauté, une jeune fille de 16 ans, qu'il épouse l'année suivante. Le 15 septembre 1871, il rencontre Arthur Rimbaud, qui lui avait envoyé ses poèmes, et qu'il avait fait venir de Charleville. Dès lors, Verlaine est écartelé entre une envie d'harmonie familiale, de tranquillité domestique, ainsi que son amour pour sa femme Mathilde, et un élan vers l'aventure, sa folle passion pour Rimbaud, jeune homme inquiétant mais génial. En 1873, il tire sur Rimbaud, et est condamné à deux dans de prison, peine dont il purgera 18 mois. C'est pendant sa détention que des amis font paraître les Romances sans paroles.
 
2.      Un titre paradoxal
 
 L'expression "romances sans paroles" avait déjà été utilisée par Verlaine dans son recueil Fêtes galantes ("À Clymène, vers 2).
 Si une romance peut être un "petit morceau de musique instrumentale", le mot désigne plus souvent des chansons comportant précisément des paroles. Le Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle de Pierre Larousse (1875) définit le mot romances ainsi :
1.      Dans le domaine littéraire, il s'agirait d'un récit "en vers d'une histoire simple et naïve, destinée à être chantée".
2.      Le mot a aussi une signification qualifiée de "moderne" : un "chanson sur un sujet tendre ou touchant".
3.      En musique, le mot désigne un "petit morceau de chant ou de musique instrumentale, d'un caractère naïf et gracieux".
Le Dictionnaire de la langue française d'Émile Littré en donne quant à lui cette définition : "Toute pièce de vers moderne, en couplets, roulant sur un sujet tendre ou même plaintif, et mise en musique."
 
C'est évidemment à la musicalité des vers, à la primauté du support verbal acoustique que fait référence cette appellation du recueil de Verlaine, avec lequel nous passons de la poésie descriptive, plastique, à l'expression personnelle, à la confession d'âme. Verlaine dira lui-même, dans l'une des ses conférences que
 
"Romances sans paroles ainsi dénommées pour mieux exprimer le vrai vague et le manque de sens précis projetés."[26]
 
 
Une "romance sans parole" est un "morceau de piano ou de quelque instrument assez court et présentant un motif gracieux et chantant". (Dictionnaire de la langue française).
 
Dans les années 1830, les Lieder ohne Worte de Félix Mendelssohn[27], devenues en français "Romances sans paroles", courtes pièces pour piano qui connaissent un grand succès et deviennent un cahier d'exercices pianistiques dans les salons bourgeois de l'époque, avaient créé un poncif : en 1854, Bizet composa, à leur imitation, des Romances sans paroles, de même que Gabriel Fauré quelques années plus tard, et une dizaine de musiciens, à cette époque, firent de même. L'évocation de l'air joué au piano, dans l'ariette V, invite à ne pas perdre de vue la dimension musicale du terme "romances".
→ l'expression "romances sans paroles" était déjà un cliché dans les années 1870.
 
Au premier abord, il semblerait bien n'y avoir que des paroles dans Romances sans paroles, des bribes de conversations, des éclats de voix et de discours qui rendent à la parole son immédiateté, à son oralité, à sa vivacité : en dépit du titre, la parole est ici omniprésente.
 
3.      La langue de Verlaine
 
3.1.                       Une langue populaire
 
Verlaine a repris à Rimbaud son goût pour l'art populaire. Ce dernier écrit dans Une Saison en enfer (Délires II) :
 
"J'aimais les peintures idiotes, dessus de portes, décors, toiles de saltimbanques, enseignes, enluminures populaires."
 
Cf. les chansons populaires ou enfantines auxquelles il est fait allusion dans l'Ariette oubliée VI.
 
De La Bonne chanson (1870) à Chansons pour elle (1891), en passant par Romances sans paroles, la poésie de Verlaine entretient un lien étroit avec la chanson, et entend renouer, à travers elle, avec l'oralité et la culture populaire. Le choix de la romance marque, de la part de Verlaine, le refus d'un art assujetti à une culture élitiste.
 
3.2.                       Une cacophonie organisée
 
 L'enchevêtrement des voix est renforcé par le mélange des langues – les titres des poèmes de la section Aquarelles sont tous en anglais -, mais aussi des registres, ce qui contribue à la cacophonie. Car la parole verlainienne, usant de toutes les ressources du langage, recourt à un lexique tour à tour archaïques ("seulette", "escarpolette", verbe "mirer", "fors de vous") et savants.
 
3.3.                       Un dialogue
 
 Il y a de toute évidence une dimension dialogique dans la poésie de Verlaine, et notamment dans les Romances sans paroles.
 
Nombre de poèmes disent en effet l'impossibilité de la parole à rendre compte non seulement d'un rapport vrai à autrui, mais, plus grave encore, d'un rapport authentique à soi : la recherche d'une expression personnelle et subjective se heurte aux limites de la parole. La volonté d'exprimer la sensation éprouvée se heurte aux limites de la parole, toujours déceptive et impersonnelle, incapable d'exprimer la vérité profonde du sujet.
 
4.      Structure du recueil
 
 Le recueil se divise en 4 sections :
 
1. La première, les Ariettes oubliées, est écrite avant leur départ. Verlaine est alors partagé entre sa femme et Rimbaud, ce qui explique pourquoi il est difficile aujourd'hui de savoir à qui il s'adresse dans ces poèmes ;
2. La seconde, Paysages Belges, relaté l'été 1872 où les deux hommes traversent la Belgique pour rejoindre l'Angleterre ;
3. La troisième partie, Birds in the Night, évoque la rancœur de Verlaine pour sa femme, mais est tout de même teintée de regret pour cet amour défunt ;
4. La quatrième et dernière partie, Aquarelles, est composée à la suite d'une séparation suivie d'une réconciliation avec Rimbaud. Verlaine hésite alors entre la volonté de réconciliation et l'amertume de ce qui a été fait avec sa femme.
 
 
 
Étude analytique
 
I.       Ariettes oubliées
 
 Le mot "ariette" est le diminutif du mot "aria" (air), une aria désignant à l'origine, toute mélodie expressive, souvent chantée, quoique pas toujours. L'ariette est un air léger qui s'adapte à des paroles.
 
1.      Ariettes I et II
 
 On peut considérer que la 2e ariette ne fait que prolonger la 1ère.
L'ariette I contient des vers de 7 pieds, ce qui lui confère ce rythme bancal.
 
-         Une nature qui parle
 
 L'épigraphe de Favart, qui fait référence à l'haleine du vent, renforce l'anthropomorphisme du poème, dans lequel nous avons affaire à une nature "parlante" : "le chœur des petites voix", "murmure", "cela gazouille et susurre", "cri doux que l'herbe agitée expire".
 En réalité, c'est bien l'âme du poète qui se lamente, qui est à l'origine de cette "plainte dormante", cette "humble antienne"[28], et qui projette sur les choses sa propre parole intérieure.
 On retrouvera ce thème à plusieurs reprises dans le recueil (cf. par exemple l'ariette IX, où les "espérances noyées" du voyageur pleurent dans les "hautes feuillées").
L'idée que nous avons affaire à un dialogue intérieur est renforcée par l'impression que Verlaine s'adresse à un interlocuteur imaginaire : comme l'indiquent les formes interrogatives, il pose des questions.
→ implique quelqu'un à qui l'on s'adresse, même s'il s'agit de nous-mêmes dans un dialogue intérieur (comme c'est le cas ici).
 
 L'ariette II contient des vers de 9 pieds, ce qui est plus propice à la musicalité. Cependant, là encore Verlaine ne cesse de modifier le rythme de la diction, en brisant les vers et en jouant sur les règles de la versification. Ainsi, pour atteindre les 9 pieds, Verlaine utilise une diérèse[29] sur le mot "anciennes" (2e vers), tandis qu'on a affaire à une synérèse au vers suivant (sur le "musiciennes"), ce qui casse la rime (on n'a plus qu'une rime "pour l'œil"[30]).
L'harmonie du rythme ternaire de la seconde strophe (3-3-3) que l'on retrouve dans les trois premiers vers est toutefois brisée au 4e vers, par l'utilisation de la virgule et du point d'exclamation qui suit le "hélas".
 
Noter les exemples du "parler" populaire : "c'est tous les frissons" au lieu de "ce sont…" ; utilisation du verbe "gazouille", "tremblote" ; "seulette" préféré à "seule".
 
Remarque : on peut penser que l'escarpolette évoquée dans le dernier vers de l'ariette II n'est pas sans lien avec le célèbre tableau de Fragonard intitulé "Les hasards heureux de l'escarpolette" (cf. Annexes).
→ influence à nouveau de la peinture
 
2.      Ariette III
 
 Cette ariette est une variation sur la mélancolie ; nous avons affaire aux lamentations du poète qui fait état d'une tristesse mêlée d'ennui.
→ parole expressive
 Ce poème rappelle fortement la "Chanson d'automne" des Poèmes saturniens (1866), qui aborde un thème similaire. La pluie comparée à des pleurs répond aux larmes des violons ("les sanglots longs des violons") ; la langueur pénètre ici le cœur, tandis que là le cœur est blessé d'une "langueur" monotone. Cependant, la tristesse exprimée dans la "Chanson d'automne" est une nostalgie : c'est le souvenir des jours anciens et heureux, tandis qu'ici, Verlaine ne trouve pas de raison à sa tristesse (on a affaire à une forme chagrin sans cause identifiée, donc à une forme de spleen[31]). De même, là où Verlaine déclare "je pleure", le verbe "pleurer" est ici, et presque imperceptiblement, employé à la forme impersonnelle : "Il pleure".
→ obéissant au mot d'ordre de Rimbaud, Verlaine réussit à écrire une poésie subjective sur le fond, tout en étant le plus objectif possible sur la forme. Il exprime un état d'âme, mais au lieu de parler à la 1ère personne ("je pleure"), il passe par une description impersonnelle : "il pleure".
 
 La comparaison entre la pluie et les larmes, traduit une musique de l'âme. Le bruit de la pluie devient chant quand l'âme du poète projette sur elle sa propre mélancolie. Le poème donne la sensation de monotonie et de répétition de la pluie. Les mêmes mots et les mêmes sons régulièrement repris reproduisent le bruit de la pluie, doucement répétitif.
 Nous avons affaire à des vers de 6 pieds, mais les six syllabes combinées sur deux vers reproduisent le rythme de l'alexandrin, d'où une forme de lancinance (qui est toutefois cassée au vers 11, "Quoi! Nulle trahison?...". Ici, la forme répond au fond : le rythme se brise, répondant à la trahison évoquée). Le poème se découpe en quatre strophes de quatre vers.
 Une des originalités du poème vient de l'usage de rimes qui fonctionnent par trois ("cœur, "langueur", "cœur), avec répétition de la rime du premier vers dans le 4e ("cœur-cœur", "pluie-pluie", "raison-raison", "peine-peine") ; les autres rimes soit se répondent à distance (le "toits" de la 2e strophe qui répond au "quoi" de la 4e), soit doublent l'une des rimes ("s'écoeure" dans la 3e strophe répond au "cœur" de la 1ère). Reste une rime esseulée, avec le mot "ville" qui termine le 2e vers de la 1ère strophe.
 Répétition du mot "cœur" dans chaque strophe, soit à la rime, soit à la césure, mais avec variation du déterminant ("mon", "ce", "") qui permet d'éviter la raideur. On peut aussi noter des rimes intérieures, qui renforcent l'effet de répétition ("pleure" qui répond "coeur", "bruit" qui répond à "pluie").
 
Les interrogations (1ère et 3e strophes) sont suivies d'exclamations (2e et 4e strophes) qui ne sont pas des réponses, mais qui marquent au contraire l'absence de réponse. Comme nous l'avons signalé précédemment, la tristesse du poète est sans cause, ce qui traduit la perplexité de celui-ci.
 
3.      Ariettes IV et V
 
Nous avons à nouveau affaire à une sorte de dialogue.
 Dans l'ariette IV, Verlaine conseille son interlocuteur, comme en témoignent les formules impératives : "il faut", "soyons".
 Dans l'ariette V, on retrouve les formes interrogatives. Cf. les trois questions dans la 2e strophe.
 
4.      Ariette VI
 
 C'est peut-être cette 6e ariette qui donne tout son sens à la formule "Ariettes oubliées". Elle repose en effet sur un montage de citations issues de chansons populaires.
 Le premier vers fait référence à Jean de Nivelle, personnage provenant d'une chanson du XVIe siècle, La Farce des deux savetiers : "Jean de Nivelle n'a qu'un chien :/ Il en vaut trois, on le sait bien,/ Mais il s'enfuit quand on l'appelle. / Connaissez-vous Jean de Nivelle ?" De même, le vers 3 fait écho à la célèbre chanson "C'est la mère Michel/ Qui a perdu son chat,/ Qui crie par la fenêtre/ À qui le lui rendra", tandis que le vers 2, qui lie les deux références, renvoie quant à lui à la chanson Le Chevalier du Guet, appelée aussi Compagnons de la marjolaine. Le deuxième quatrain fait allusion au Pierrot d'Au clair de la lune, et la quatrième strophe à La Boulangère a des écus, chanson gaillarde. Ce montage de bribes inscrit dans le poème la parole vive, orale, celle-là même que véhicule la chanson populaire.
 
5.      Ariette VII
 
 Comme pour l'ariette III, mais de manière plus forte encore, nous retrouvons ici une forme de lyrisme, qui s'incarne dans l'expression de l'amour déçu. Le poème est marqué par la présence d'un  "je" dominé par la souffrance et la mélancolie liées à l'absence d'une femme et à l'exil. Ici, les mots reprennent tout leur sens.
 
Dialogue entre le cœur et l'âme.
 
 Verlaine joue de la répétition, ou reprise, ce procédé cher à la musique (où tout se dit toujours au moins deux fois) :
 
"O triste, triste était mon âme,
À cause, à cause d'une femme"…
 
Remarque : il n'est pas étonnant que cette ariette ait été choisie par Léo Ferré (Verlaine et Rimbaud, 1967)[32], car elle rassemble musicalité de la forme et force émotive du fond.
 
 
6.      Ariette VIII
 
 Elle se présente comme un bel objet sonore dont la signification ne peut être dégagée. Le chant y naît du vide absolu à la faveur d'une mise en forme impeccable (régularité du rythme en 5-5).
 
II.     Paysages Belges
 
 Tous les poèmes de cette section consistent en des sortes de tableaux. Les paysages décrits sont ceux que Verlaine et Rimbaud ont parcouru ensemble lors de leur premier séjour belge de juillet à septembre 1872, allant de ville en ville et de bar en bar, ouvrant sur le monde des yeux explorateurs et émerveillés.
 Par ailleurs, la dénomination "paysage" désigne dans la typologie classique un genre pictural mineur, moins noble que le portrait ou le tableau d'histoire.
→ nouveau lien avec la peinture
 
S'y expriment la dimension "populaire" et simple de la poésie de Verlaine, son caractère impressionniste (comme si les mots étaient jetés sur la papier) : vers courts, simplicité du vocabulaire, jeux sur la correction grammaticale (disparition des verbes dans "Walcourt")
 
On retrouve la dimension dialogique : phrases interrogatives ou exclamatives, qui s'adressent à un interlocuteur inconnu.
 
1.      Charleroi
 
Marques du parler populaire : "on veut croire", "Quoi donc se sent ?", "On sent donc quoi ?" (au lieu de "Que sent-on donc ?"), "Quoi brissait ?", disparition des verbes.
Verlaine joue encore une fois sur le répétitions (la 1ère strophe reprise à la fin du poème), "Quoi donc se sent ?" → "On sent donc quoi ?"
 
2.      Bruxelles
 
 On a l'impression que Verlaine s'adresse directement aux chevaux de bois qu'il décrit par l'usage qu'il fait de l'impératif : "tournez, tournez".
 On retrouve cette impression dans le poème suivant, "Malines"[33], où le passager du train s'adresse cette-fois ci aux animaux qu'il aperçoit : "Dormez, les vaches ! Reposez, doux taureaux de la plaine immense…"
 
 
III.  Birds in the night
 
 La tentation de se raconter qui affleure ça et là dans les Romances sans paroles culmine dans "Birds in the night", "oiseaux dans la nuit", le plus long poème du recueil, entièrement consacré à Mathilde, et où Verlaine, laissant libre cours à l'émotion, à l'intériorité refoulée, renoue avec une trame narrative et conceptuelle bien éloignée de la première ariette. Le poème se présente sous la forme d'un discours amoureux, et la musicalité de l'écriture se confond avec le lyrisme sentimental. L'originalité de ce discours amoureux tient à sa constante ambiguïté, qui fait se rejoindre écriture et allusion.
 On peut penser qu'originellement, ce poème a eu pour but de clore définitivement ( notamment au vu des dates d’écriture) l’histoire d’amour avec Mathilde. Mais le fait de l'avoir intitulé "Birds in the night" (titre anglais emprunté à une romance d'Arthur Sullivan parue en 1869 qui commence par "Oiseaux dans la nuit, aux doux appels/ Vents dans la nuit, aux soupirs étrangers, venez à moi Ô vous tous !"), lui confère une porté poétique beaucoup plus large.
 Les quatre premiers douzains furent écrits à Bruxelles et à Londres en septembre 1872. Puis, Verlaine a écrit les douzains 5 et 6, et enfin le 7e douzain.
 Verlaine a lui-même donné à ce poème le surnom "La Mauvaise Chanson" (titre initialement prévu), invitant ainsi à le lire comme une réécriture inversée du poème La Bonne Chanson, écrit en 1870. Les deux textes se répondent en effet point par point.
 
Hier, on parlait de choses et d’autres,
Et mes yeux allaient recherchant les vôtres ;
 
Et votre regard recherchait le mien
Tandis que courait toujours l’entretien.
 
Sous le sens banal des phrases pesées
Mon amour errait après vos pensées ;
 
Et quand vous parliez, à dessein distrait
Je prêtais l’oreille à votre secret :
 
Car la voix, ainsi que les yeux de Celle
Qui vous fait joyeux et triste, décèle,
 
Malgré tout effort morose et rieur,
Et met en plein jour l’être intérieur.
 
Or, hier je suis parti plein d’ivresse :
Est-ce un espoir vain que mon cœur caresse,
 
Un vain espoir, faux et doux compagnon ?
Oh ! non ! n’est-ce pas ? n’est-ce pas que non ?
 
La bonne chanson, XIII.
 
1.      Un réquisitoire et un plaidoyer
 
 Dans les deux premiers douzains de la série, le poète aligne une série de reproches – dureté, impatience – contre une femme accusée de n’avoir aimé qu’en surface, d’avoir manqué de foi et surtout d’avoir menti : sa trahison se révèle dans la contradiction que le poète perçoit entre le regard de la femme aimée et sa parole. Face à ce faux amour dont il se dit victime, Verlaine répète à l’envi ce qu’il croit être sa vérité : "Et vous voyez bien que j’avais raison" (v. 13), "je m’aperçus que j’avais raison !" (v. 24).
 Mais dans le même temps, il trouve des excuses à Mathilde, la principale étant sa jeunesse, qu'il répète deux fois : "Vous êtes si jeune !".
→ renvoie à la "femme-enfant" déjà évoquée dans la Bonne chanson (VIII), et que l'on retrouve dans le titre du poème des "Aquarelles" : "Child wife".
 Entre rude explication et fausse réconciliation des époux à Bruxelles, pendant la fuite avec Rimbaud, Verlaine se laisse aller avec presque autant de complaisance que dans sa correspondance de l’époque à une sorte de plaidoyer pro domo (pour sa propre cause) en développant le thème du poète trahi, la déformation à demi inconsciente des faits, l’alternance des reproches et des "reproches chastes" sur le mode "c’est moi le quitté" (lettre de Verlaine à Hugo le 4 octobre).
mauvaise foi de Verlaine : Verlaine attribue tous les torts et toutes les trahisons et mensonges à celle qu'il a abandonnée sans préavis.
 
2. La souffrance amoureuse exprimée à travers un monologue pathétique et tragique
 
 À nouveau, ce que chante Verlaine, dans l'amour, c'est sa disparition.
 Dans les deux séries suivantes (v.49 à 73), le poète refusant de "geindre" (même si Mathilde dira le contraire dans ses Mémoires, p. 182), affirme son consentement à la souffrance en homme qui a "peut-être enfin les yeux dessillés" (v.40). Il affirme aimer encore celle qui ne l’aimait pas et espère encore un remords de sa part.
 Les cinquième et sizième douzains marquent une rupture. Entre-temps ont eu lieu des retrouvailles à l’Hôtel Liégeois, le 22 juillet, qui ont ravivé des souvenirs sensuels : ultime étreinte, robe printanière qui rappelle une image de jeunesse. Il préfère au mensonge verbal de la femme aimée et à l’inutilité de la plainte la vérité passée des corps amoureux, rapidement remplacée par l’artifice des rôles sociaux, avant de s’exclamer à l’initiale du vers : "Soyez pardonnée !"
La dernière série portraiture le poète d’abord en "Pauvre Navire" (allusion au "Bateau ivre" de Rimbaud), en "Pêcheur", puis en chrétien des origines, s’abandonnant complaisamment à "l’extase rouge" du supplice pendant que la "dent rapace du lion le dévore.
 
  1. Trahi par la parole
 
 C'est d'abord à travers le regard de Mathilde que Verlaine décèle l'hypocrisie : les yeux "couvaient la trahison", le regard "mentait lui-même. Verlaine aimerait ne garder que le souvenir de cette apparence d'amour : "de vos bons yeux […] rien que l'apparence", "avec quelque orgueil / En mon souvenir qui vous cajola, / L'éclair de côté que coulait votre œil."
 Cependant, c'est bien la parole amoureuse qui constitue le point d'orgue de cette trahison : "Et de votre voix, vous disiez : "Je t'aime"."
 Verlaine nous explique pourquoi il s'est laissé prendre au piège du mensonge. C'est l'espoir qu'il avait d'être aimé et donc heureux qui l'a conduit à être persuadé de l'amour de Mathilde : "Hélas ! on se prend toujours au désir / Qu'on a d'être heureux malgré la saison."
→ Verlaine a été victime de son désir, moteur essentiel de la persuasion. Rien ne semble en effet plus vrai que ce que l'on désire (Freud ne disait-il pas que toute illusion a pour origine un désir ?).
 Finalement, c'est par le silence que le personnage se libère, se comparant à un martyr chrétien : "sans que bouge / Un poil de sa chair, un nerf de sa face."
 
IV.  Aquarelles
 
    Les titres anglais soulignent que Verlaine écrivit ces poèmes durant un séjour outre-manche. Pour Antoine Adam, cette section des Aquarelles possède un unique référent féminin : c'est à Mathilde que ces poèmes sont adressés.
 Verlaine semble nous retracer son histoire d'amour avec Mathilde, l'évolution de leur relation amoureuse. Il y exprime avant tout ses sentiments.
 
 
1.      Green et Spleen
 
Green apparaît comme une déclaration d'amour à la femme aimée : il évoque l'amant qui est parti et revient avec des présents. On est au début de la relation, où s'exprime l'espoir (green) du bonheur amoureux, ce que reflète l'harmonie de la forme (poème en alexandrins, sans rupture de rythme). Cependant, on voit déjà poindre l'inquiétude ("ne le déchirez pas avec vos deux mains blanches").
 
 
2.      Streets 1
 
 Évoque la relation amoureuse au passé. La parole rappelle le souvenir.
 La gigue est une danse traditionnelle française, à quatre temps, ce qui explique le rythme quaternaire du poème.
 
3.      Child wife
 
 L'allusion à la "femme-enfant", déjà évoquée plus haut, était déjà présente dans le 8e poème de la Bonne chanson :
 
Avec cela le charme insigne
D'un frais sourire triomphant
Éclos dans des candeurs de cygne
Et des rougeurs de femme-enfant ;
 
La bonne chanson, VIII, v. 9-12.
 
L'aimée qui chantait se transforme en animal qui ne prononce plus que des sons inarticulés (comparée un agneau qui bêle).
 
 
4.      A poor young shepherd
 
C'est à nouveau une déclaration d'amour, mais qui s'adresse à une autre (Kate).
 
 
5.      Beams
 
Le recueil se termine sur un poème en alexandrins, quelque peu lyrique, qui évoque un souvenir heureux, mais fantasmé. Verlaine nous décrit une promenade au bord de mer, où la femme aimée est suivie de deux hommes (Verlaine et Rimbaud ?) et où, à nouveau, l'harmonie de la forme répond à l'harmonie du fond. C'est une situation heureuse, où le soleil domine, et où la seule rupture du poème porte sur l'idée de "délice".


[1] Jakobson prend toutefois le soin de préciser que s'il est possible de distinguer six aspects fondamentaux dans le langage, il est difficile de trouver des messages qui ne remplissent qu'une seule de ces fonctions. En réalité, on trouve dans un message donné plusieurs fonctions, mais chaque message se caractérise par la prédominance d'une des fonctions.
[2] "Linguistique et poétique", in Essais de linguistique générale, Points, 1970, p. 214.
[3] "Le langage commun des linguistes et des anthropologues", in Essais de linguistique générale, p. 30.
[4] "Linguistique et poétique", in Essais de linguistique générale, Points, 1970, p. 218.
[5] "Deux aspects du langage, et deux types d'aphasie", in Essais de linguistique générale, p. 66. Attention cependant : la poésie ne se réduit pas à la fonction poétique (on y retrouve bien entendu la fonction expressive, mais aussi la fonction référentielle), tout comme il n'est pas possible de réduire cette dernière à la poésie (cf. note 1).
[6] Qu'est-ce que la littérature ?, Gallimard, 1948, Folio Essais, p. 17.
[7] Ibid., p. 17-18.
[8] Ibid., p. 14.
[9] Qu'est-ce que la littérature ?, Gallimard, 1948, Folio Essais, p. 25.
[10] Ibid.
[11] Ibid.
[12] Qu'est-ce que la littérature ?, Gallimard, 1948, Folio Essais, p. 26.
[13] Le langage, p. 217-18.
[14] Le langage, p. 218.
 
 
Joachim du Bellay écrit quant à lui : "Mais que dirai-je d'aucuns, vraiment mieux dignes d'être appelés traditeurs que traducteurs ? vu qu'ils trahissent ceux qu'ils entreprennent exposer, les frustrant de leur gloire…" (Défense et illustration de la langue française, chapitre VI).
[16] A. S. Kline, 2007. Une autre traduction : "Who'll meet those snakes that hiss above your heads ?" (Tim Chilcott, Wordsworth Classics of World Literature series, 2000).
[17] Lolita, traduction française Maurice Couturier, 2001, Gallimard, Folio, p. 31.
[18] Verlaine sera notamment sensible aux innovations rythmiques de Baudelaire : "nul plus que Baudelaire ne connaît les infinies complications de la versification proprement dite. Nul ne sait mieux donner à l'hexamètre à rimes plates cette souplesse qui seule le sauve de la monotonie ... ce sont là jeux d'artistes destinés, suivant les occurrences, soit à imprimer au vers une allure plus rapide, soit à reposer l'oreille bientôt lasse d'une césure par trop uniforme ... » (Article publié dans l'Art du 16 novembre 1865; Verlaine, Œuvres complètes, Club des Libraires de France, 1959, t. I, p. 66-67).
[19] Voir les Annexes pour le texte complet.
[20] "L'impressionnisme verlainien", Mercure de France, 1er mai 1952, p. 61.
[21] Paul Verlaine ou l'enfance de l'art, p. 136.
[22] Chroniques de ma vie, deux vol. en 1935 et 36, réédition en 2000 chez Denoël.
[23] "Villon et Verlaine", in Variété, t. I, Œuvres de Paul Valéry, Jean Hytier éd., Paris, Gallimard, Pléïade, 1968, p. 442.
[24] "Villon et Verlaine", in Variété, t. I, Œuvres de Paul Valéry, Jean Hytier éd., Paris, Gallimard, Pléïade, 1968, p. 442.
[25] Jacques Borel, dans Verlaine, Œuvres complètes en prose, Gallimard, Pléiade, p. 720.
[26] "Conférence sur les poètes contemporains", 1893 (Verlaine, Œuvres complètes, t. II, p. 931).
[27] Rappelons que la mère de Mathilde, Madame Mauté de Fleurville, était une pianiste de talent.
[28] L'antienne désigne le refrain, souvent bref et de préférence chanté, avant et après un psaume.
[29] Une diérèse est une dissociation des éléments d'une diphtongue (dans l'exemple, on doit prononcer le [i] et le [ε] dans le mot "anciennes") ; une synérèse désigne une prononciation groupant en une seule syllabe deux voyelles contiguës d'un même mot (exemple, quand on prononce en français le mot "violon").
[30] En principe la rime ne prend en compte que les sons, pas les lettres ni les syllabes, mais on fait cependant rimer une "apparence" de singulier avec une "apparence" de singulier et une apparence de pluriel avec une apparence de pluriel : c'est la "rime pour l'œil" (ex. ailleurs/fleurs – attends/longtemps). Mais on peut aussi avoir affaire à une "pure" rime pour l'œil, quand la rime pour l'oreille disparaît. Ex. Baudelaire faisant rimer "hiver" et "s'élever" : "Il est amer et doux, pendant les nuits d'hiver,/ D'écouter, près du feu, qui palpite et qui fume,/ Les souvenirs lointains lentement s'élever." ("La cloche fêlée", Les fleurs du mal, 1857).
[31] Le spleen représente un état mélancolique maximal sans cause définie. Le terme a été popularisé en français par Baudelaire. Le spleen baudelairien est la quintessence de profonds sentiments de découragement, d'isolement, d'angoisse et d'ennui existentiels que le poète des Fleurs du Mal exprime dans plusieurs de ses poèmes.
[32] La chanson de Ferré sera d'ailleurs reprise par Miossec sur un album hommage au premier, Avec Léo (Barclay, 2003) ; autre reprise : par le néerlandais Ramses Shaffy, sous le titre "Zo Triest", sur l'album Dag en Nacht (Phillips, 1978).
[33] Malines est une ville située dans la région Flamande, dans la province d'Anvers.
 

Date de création : 12/04/2013 @ 10:48
Dernière modification : 03/06/2014 @ 11:58
Catégorie :
Page lue 15826 fois


Imprimer l'article Imprimer l'article

Recherche



Un peu de musique
Contact - Infos
Visites

   visiteurs

   visiteurs en ligne

^ Haut ^