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Texte à méditer :  

Il est vrai qu'un peu de philosophie incline l'esprit de l'homme à l'athéisme ; mais que davantage de philosophie le ramène à la religion.   Francis Bacon


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Hors des sentiers battus
Les dangers de la démocratie
  "J'ai fait voir plus haut comment les hommes qui vivent dans les siècles d’égalité avaient un continuel besoin de l’association pour se procurer presque tous les biens qu’ils convoitent, et, d’une autre part, j’ai montré comment la grande liberté politique perfectionnait et vulgarisait dans leur sein l’art de s’associer. La liberté, dans ces siècles, est donc particulièrement utile à la production des richesses. On peut voir, au contraire, que le despotisme lui est particulièrement ennemi.
Le naturel du pouvoir absolu, dans les siècles démocratiques, n'est ni cruel ni sauvage, mais il est minutieux et tracassier. Un despotisme de cette espèce, bien qu’il ne foule point aux pieds l'humanité, est directement opposé au génie du commerce et aux instincts de l’industrie.
  Ainsi, les hommes des temps démocratiques ont besoin d’être libres, afin de se procurer plus aisément les jouissances matérielles après lesquelles ils soupirent sans cesse.
  Il arrive cependant, quelquefois, que le goût excessif qu'ils conçoivent pour ces mêmes jouissances les livre au premier maître qui se présente. La passion du bien-être se retourne alors contre elle-même et éloigne sans l’apercevoir l’objet de ses convoitises.
  Il y a, en effet, un passage très périlleux dans la vie des peuples démocratiques.
  Lorsque le goût des jouissances matérielles se développe chez un de ces peuples plus rapidement que les lumières et que les habitudes de la liberté, il vient un moment où les hommes sont emportés et comme hors d’eux-mêmes, à la vue de ces biens nouveaux qu’ils sont prêts à saisir. Préoccupés du seul soin de faire fortune, ils n’aperçoivent plus le lien étroit qui unit la fortune particulière de chacun d’eux à la prospérité de tous. Il n’est pas besoin d’arracher à de tels citoyens les droits qu’ils possèdent ; ils les laissent volontiers échapper eux-mêmes. L’exercice de leurs devoirs politiques leur paraît un contretemps fâcheux qui les distrait de leur industrie. S’agit-il de choisir leurs représentants, de prêter main-forte à l’autorité, de traiter en commun la chose commune, le temps leur manque ; ils ne sauraient dissiper ce temps si précieux en travaux inutiles. Ce sont là jeux d’oisifs qui ne conviennent point à des hommes graves et occupés des intérêts sérieux de la vie. Ces gens-là croient suivre la doctrine de l’intérêt, mais ils ne s’en font qu’une idée grossière, et, pour mieux veiller à ce qu’ils nomment leurs affaires, ils négligent la principale qui est de rester maîtres d’eux-mêmes.
  Les citoyens qui travaillent ne voulant pas songer à la chose publique, et la classe qui pourrait se charger de ce soin pour remplir ses loisirs n'existant plus, la place du gouvernement est comme vide."

Tocqueville, De la Démocratie en Amérique, 1840, vol. II, 2e partie, chapitre 14, GF, 1981, p.  175-176.


 

 "Il y a [...] un passage très périlleux dans la vie des peuples démocratiques.
 Lorsque le goût des jouissances matérielles se développe chez un de ces peuples plus rapidement que les lumières et que les habitudes de la liberté, il vient un moment où les hommes sont emportés et comme hors d'eux-mêmes, à la vue de ces biens nouveaux qu'ils sont prêts à saisir. Préoccupés du seul soin de faire fortune, ils n'aperçoivent plus le lien étroit qui unit la fortune particulière de chacun d'eux à la prospérité de tous. Il n'est pas besoin d'arracher à de tels citoyens les droits qu'ils possèdent ; ils les laissent volontiers échapper eux-mêmes […]
 Si, à ce moment critique, un ambitieux habile vient à s'emparer du pouvoir, il trouve que la voie à toutes les usurpations est ouverte. Qu'il veille quelque temps à ce que tous les intérêts matériels prospèrent, on le tiendra aisément quitte du reste. Qu'il garantisse surtout le bon ordre. Les hommes qui ont la passion des jouissances matérielles découvrent d'ordinaire comment les agitations de la liberté troublent le bien-être, avant que d'apercevoir comment la liberté sert à se le procurer ; et, au moindre bruit des passions politiques qui pénètrent au milieu des petites jouissances de leur vie privée, ils s'éveillent et s'inquiètent ; pendant longtemps la peur de l'anarchie les tient sans cesse en suspens et toujours prêts à se jeter hors de la liberté au premier désordre.
 Je conviendrai sans peine que la paix publique est un grand bien ; mais je ne veux pas oublier cependant que c'est à travers le bon ordre que tous les peuples sont arrivés à la tyrannie. Il ne s'ensuit pas assurément que les peuples doivent mépriser la paix publique ; mais il ne faut pas qu'elle leur suffise. Une nation qui ne demande à son gouvernement que le maintien de l'ordre est déjà esclave au fond du coeur ; elle est esclave de son bien-être, et l'homme qui doit l'enchaîner peut paraître. […]
 Il n'est pas rare de voir alors sur la vaste scène du monde, ainsi que sur nos théâtres, une multitude représentée par quelques hommes. Ceux-ci parlent seuls au nom d'une foule absente ou inattentive ; seuls ils agissent au milieu de l'immobilité universelle ; ils disposent, suivant leur caprice, de toutes choses, ils changent les lois et tyrannisent à leur gré les moeurs ; et l'on s'étonne en voyant le petit nombre de faibles et d'indignes mains dans lesquelles peut tomber un grand peuple."
 
Tocqueville, De la Démocratie en Amérique, 1840, vol. II, 2e partie, chapitre 14, GF, 1981, p. 176-177.
 

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Date de création : 02/08/2011 @ 17:22
Dernière modification : 09/01/2020 @ 08:25
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