"Qu'est-ce que le bonheur ? C'est la possession du plaisir avec exemption de peine. Il est proportionné à la somme des plaisirs goûtés et des peines évitées. Et qu'est-ce que la vertu ? C'est ce qui contribue le plus au bonheur, ce qui maximise les plaisirs et minimise les peines. Le vice, au contraire, c'est ce qui diminue le bonheur et contribue au malheur.
La première loi de notre nature, c'est de désirer notre propre bonheur. Les voix réunies de la prudence et de la bienveillance effective se font entendre et nous disent : travaillez au bonheur des autres ; cherchez votre propre bonheur dans le bonheur d'autrui.
La prudence, dans le langage ordinaire, est l'adaptation des moyens à une fin donnée. En morale, cette fin, c'est le bonheur. Les objets sur lesquels doit s'exercer la prudence, sont nous-mêmes et autrui : nous-mêmes comme instruments, autrui comme instrument aussi de notre propre félicité. L'objet de tout être rationnel, c'est d'obtenir pour lui-même la plus grande somme de bonheur. Chaque homme est à lui-même plus intime et plus cher qu'il ne peut l'être à tout autre, et nul autre que lui ne peut lui mesurer ses peines et ses plaisirs. Il faut, de toute nécessité, qu'il soit lui-même le premier objet de sa sollicitude[1]. Son intérêt doit, à ses yeux, passer avant tout autre ; et en y regardant de près, il n'y a dans cet état de choses rien qui fasse obstacle à la vertu et au bonheur : car comment obtiendra-t-on le bonheur de tous dans la plus grande proportion possible, si ce n'est à la condition que chacun en obtiendra pour lui-même la plus grande quantité possible ?"
Jeremy Bentham, Déontologie ou science de la morale (posth. 1834), Tome premier, Chapitre I, trad. Benjamin Laroche, Bruxelles, J.P. Meline – Libraire Éditeur, p. 31-32.
[1] Attention affectueuse pour quelqu'un.
Date de création : 11/11/2011 @ 11:49
Dernière modification : 11/11/2011 @ 11:50
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