"Rien ne sert de s'être débarrassé des causes de tristesse personnelle : quelquefois en effet, c'est le dégoût du genre humain qui nous envahit à l'idée de tous ces crimes qui réussissent à leurs auteurs. Quand on songe à quel point la droiture est rare et l'intégrité bien cachée ; quand on se dit que la loyauté ne se rencontre guère que lorsqu'elle est intéressée, que la débauche recueille des profits aussi détestables que ses pertes, que l'ambition politique, incapable de rester dans ses limites, va jusqu'à trouver son éclat dans la honte, alors l'âme s'enfonce dans la nuit ; et devant les ruines des vertus qu'il est aussi impossible d'espérer trouver qu'inutile de posséder, on se sent envahi par les ténèbres.
Aussi devons-nous prendre l'habitude de ne pas nous indigner de tous les vices de la foule, mais d'en rire, et d'imiter Démocrite plutôt qu'Héraclite: celui-ci ne pouvait sortir en ville sans pleurer, celui-là sans rire; l'un ne voyait dans nos actes que misère, l'autre que sottise. Il faut donc ramener les choses à leurs justes proportions et les supporter avec bonne humeur - il est d'ailleurs plus conforme à la nature humaine de rire de la vie que d'en pleurer."
Sénèque, De la tranquillité de l'âme (47-62 ap. J.C.), XV, § 1-2.
Pour expliquer ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d'abord étudié dans son ensemble.
Questions :
1° Dégagez l'idée principale du texte, puis les étapes de son argumentation.
2° Expliquez :
a) « c'est le dégoût du genre humain qui nous envahit à l'idée de tous ces crimes qui réussissent à leurs auteurs » ;
b) « Aussi devons-nous prendre l'habitude de ne pas nous indigner de tous les vices de la foule, mais d'en rire » ;
c) « Il faut donc ramener les choses à leurs justes proportions et les supporter avec bonne humeur ».
3°Peut-on être heureux dans un monde injuste ?