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Texte à méditer :   Le progrès consiste à rétrograder, à comprendre [...] qu'il n'y avait rien à comprendre, qu'il y avait peut-être à agir.   Paul Valéry
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Hors des sentiers battus
A quoi sert la culture ?
  "La culture humaine – j'entends par là tout ce en quoi la vie humaine s'est élevée au-dessus de ses conditions animales et ce en quoi elle se différencie de la vie des bêtes, et je néglige de faire la distinction entre culture et civilisation – présente, comme on sait, deux faces à l'observateur. Elle englobe d'une part tout le savoir et tout le savoir-faire que les hommes ont acquis afin de dominer les forces de la nature et de gagner sur elle des biens pour la satisfaction des besoins humains, et d'autre part tous les dispositifs qui sont nécessaires pour régler les relations des hommes entre eux et en particulier la répartition des biens accessibles. Ces deux orientations de la culture ne sont pas indépendantes l'une de l'autre, premièrement parce que les relations mutuelles des hommes sont profondément influencées par la mesure de satisfaction pulsionnelle que permettent les biens disponibles, deuxièmement parce que l'homme lui-même, pris isolément, est susceptible d'entrer avec un autre dans une relation qui fait de lui un bien, pour autant que cet autre utilise sa force de travail ou le prend pour objet sexuel ; mais aussi, troisièmement, parce que chaque individu est virtuellement un ennemi de la culture, laquelle est pourtant censée être d'intérêt humain universel. Il est remarquable que les hommes, bien qu'ils soient incapables de vivre dans la solitude, ressentent néanmoins comme une pression pénible les sacrifices que la culture attend d'eux pour permettre la vie en commun. La culture doit donc être défendue contre l'individu, et ses dispositifs, institutions et commandements se mettent au service de cette tâche ; ceux-ci visent non seulement à instaurer une certaine répartition des biens, mais encore à la maintenir ; de fait, ils doivent protéger contre les motions hostiles des hommes tout ce qui sert à contraindre la nature et à produire des biens. Les créations humaines sont faciles à détruire et la science et la technique qui les ont édifiées peuvent aussi être utilisées pour les anéantir."
 
Freud, L'avenir d'une illusion, 1927, tr. A. Balseinte, J-G Delarbre et D. Hartmann (revue), Paris, PUF, 1995, p. 6.


  "En premier lieu, il est clair que la satisfaction des besoins élémentaires, ou organiques, de l'homme et de la race, constitue le jeu minimum des conditions auxquelles chaque culture est soumise. Les problèmes posés par le besoin nutritif, par le besoin reproductif et par le besoin sanitaire doivent être résolus. Ils le sont par la création d'un milieu nouveau, secondaire ou artificiel. Ce milieu, qui n'est autre que la culture même, doit être perpétuellement reproduit, entretenu, et gouverné. Il se crée donc ce qu'on pourrait appeler très généralement un nouveau niveau de vie, qui dépend du niveau culturel de la communauté, du milieu, et du rendement utile du groupe. Un niveau de vie culturel, toutefois, implique que de nouveaux besoins se font jour, et que de nouveaux impératifs ou de nouveaux déterminants s'imposent à la conduite humaine. Fort évidemment, la tradition culturelle doit se transmettre d'une génération à l'autre. Chaque, culture doit avoir ses méthodes et ses mécanismes éducatifs. L'ordre public doit régner, puisque la coopération appartient à l'essence même de toute oeuvre culturelle. Dans toute communauté, il doit exister des dispositifs destinés à sanctionner  la loi, l'éthique, et la coutume. Le substrat matériel  de la culture doit se renouveler, il doit être entretenu en bon état de marche. Par conséquent, même dans les cultures les plus primitives, il faut des formes d'organisation économique.
- Ainsi donc, l'homme doit avant tout satisfaire tous les besoins de son organisme. Il doit créer des dispositifs et déployer des activités pour se nourrir, se chauffer, se loger, s'habiller, pour se protéger du vent, du froid et des intempéries. Il doit se protéger et s'organiser contre les ennemis et les dangers extérieurs, nature, hommes, animaux. Tous ces problèmes élémentaires de l'individu sont résolus par les objets travaillés, par la constitution de groupes de coopération, et également par le progrès du savoir, par le sens des valeurs et par le sens éthique."

 
Bronislaw Malinowski, Une théorie scientifique de la culture, 1944, tr. fr. P. Clinquart, François Maspero, 1970, p. 35-37.

  "Toute culture développe une structure qu'on pourrait qualifier de connective, et qui a pour effet de créer du lien dans deux dimensions, sociale et temporelle. D'une part, elle lie l'homme à ses contemporains en constituant un « monde de sens symbolique » (Berger-Luckmann), espace commun d'expérience, d'attente et d'action qui, du fait qu'il lie et oblige, fonde la confiance et offre des orientations. Dans les textes de la haute Anti­quité, cet aspect de la culture est débattu sous le terme de « jus­tice ». Mais elle lie aussi l'hier à l'aujourd'hui en structurant expériences et souvenirs marquants, en les gardant présents dans les esprits, en incluant images et histoires d'un autre temps dans l'horizon d'un présent toujours en marche, fondant ainsi espoir et souvenir. Cet aspect de la culture est à la base des récits mythiques et historiques. À eux deux, l'aspect normatif et l'aspect narratif, celui de la directive et celui du récit instaurent l'appartenance ou l'identité, permettant à l'individu de dire « nous ». Ce qui lie divers individus à ce « nous », c'est la structure connective d'un savoir et d'une image de soi communs qui reposent d'une part sur des règles et des valeurs communes, d'autre part sur le souvenir d'un passé habité en commun."

 

Jan Assmann, La Mémoire culturelle, Écriture, souvenir et imaginaire politique dans les civilisations antiques, 2002, Avant-propos, tr. fr. Diane Meur, Aubier, 2010, p. 14-15.

 


Date de création : 09/01/2012 @ 18:40
Dernière modification : 01/02/2019 @ 18:11
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