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Texte à méditer :   Un peuple civilisé ne mange pas les cadavres. Il mange les hommes vivants.   Curzio Malaparte
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Hors des sentiers battus
Le caractère anthropomorphique de Dieu
"[…] malgré tous leurs efforts, les théologiens furent et seront toujours des anthropomorphites, ou ne pourront s'empêcher de faire de l’homme le modèle unique de leur divinité.
  En effet l’homme dans son dieu ne vit et ne verra jamais qu’un homme ; il a beau subtiliser, il a beau étendre son pouvoir et ses perfections, il n’en fera jamais qu’un homme gigantesque, exagéré, qu’il rendra chimérique à force d’entasser sur lui des qualités incompatibles : il ne verra jamais en Dieu qu’un être de l’espèce humaine, dont il s’efforcera d’agrandir les proportions au point d’en faire un être totalement inconcevable. C’est d’après ces dispositions que l’on attribue l’intelligence, la sagesse, la bonté, la justice, la science, la puissance à la divinité, parce que l’homme est intelligent lui-même ; parce qu’il a l’idée de la sagesse dans quelques êtres de son espèce ; parce qu’il aime à trouver en eux des dispositions favorables pour lui-même ; parce qu’il estime ceux qui montrent de l’équité ; parce qu’il a lui-même des connaissances qu’il voit plus étendues dans quelques individus qu’en lui ; enfin parce qu’il jouit de certaines facultés qui dépendent de son organisation. Bientôt il étend ou exagère toutes ces qualités ; la vue des phénomènes de la nature, qu’il se sent incapable de produire ou d’imiter, le force à mettre de la différence entre son dieu et lui ; mais il ne sait où s’arrêter ; il craindrait de se tromper s’il osait fixer les bornes des qualités qu’il lui assigne ; le mot infini est le terme abstrait et vague dont il se sert pour les caractériser. Il dit que sa puissance est infinie, ce qui signifie qu’il ne conçoit pas où son pouvoir peut s’arrêter à la vue des grands effets dont il le fait l’auteur. Il dit que sa bonté, sa sagesse, sa science, sa clémence sont infinies ; ce qui veut dire qu’il ignore jusqu’où ses perfections peuvent aller dans un être dont la puissance surpasse autant la sienne. Il dit que ce dieu est éternel, c’est-à-dire infini pour la durée, parce qu’il ne comprend pas qu’il ait pu commencer ni qu’il puisse jamais cesser d’exister, ce qu’il estime un défaut dans les êtres transitoires qu’il voit se dissoudre et sujets à la mort."

Paul-Henri Thiry D'Holbach, Système de la nature, 1770, 2e partie, Chapitre II, in Œuvres philosophiques complètes, tome II, Éditions Alive, 1999, p. 413-414.


  "Les attributs théologiques ou métaphysiques de Dieu ne sont en effet que de pures négations des qualités qui se trouvent dans l'homme ou dans tous les êtres qu'il connaît ; ces attributs supposent la divinité exempte de ce qu'il nomme en lui-même, ou dans tous les êtres qui l'entourent, des faiblesses et des imperfections. Dire que Dieu est infini, c'est, comme on a déjà pu le voir, affirmer qu'il n'est point, comme l'homme, ou comme tous les êtres que nous connaissons, circonscrit par les bornes de l'espace. Dire que Dieu est éternel, signifie qu'il n'a point eu, comme nous, ou comme tout ce qui existe, un commencement, et qu'il n'aura point de fin ; dire que Dieu est immuable, c'est prétendre qu'il n'est point, comme nous, ou comme tout ce qui nous environne, sujet au changement. Dire que Dieu est immatériel, c'est avancer que sa substance ou son essence sont d'une nature que nous ne concevons point, mais qui doit être dès lors totalement différente de tout ce que nous connaissons.
  C'est de l'amas confus de ces qualités négatives que résulte le dieu théologique, ce tout métaphysique dont il sera toujours impossible à l'homme de se faire aucune idée. Dans cet être abstrait tout est infinité, immensité, spiritualité, omniscience, ordre, sagesse, intelligence, puissance sans bornes. En combinant ces mots vagues ou ces modifications l'on crut faire quelque chose ; on étendit ces qualités par la pensée, et l'on crut avoir fait un dieu, tandis qu'on ne fit qu’une chimère. On s'imagina que ces perfections ou qualités devaient convenir à ce dieu parce qu'elles ne conviennent à rien de ce que nous connaissons ; on crut qu'un être incompréhensible devait avoir des qualités inconcevables ; voilà les matériaux dont la théologie se sert pour composer le fantôme inexplicable devant lequel elle ordonne au genre humain de tomber à genoux."

Paul-Henri Thiry D'Holbach, Système de la nature, 1770, 2e partie, Chapitre III, in Œuvres philosophiques complètes, tome II, Éditions Alive, 1999, p. 424-425.

 
 "Ce qui prouve de la manière la plus claire et la plus irréfutable que dans la religion l'homme s'intuitionne comme objet divin, comme fin divine, et donc que dans la religion, il ne se rapporte qu’à sa propre essence, qu'à lui-même, c'est l’amour que Dieu porte à l'homme, amour qui est le fondement et le centre de la religion. Dieu aliène sa divinité pour l'homme. C'est là que réside l'impression sublimante de l'incarnation ; l'Être Suprême, sans besoin, s'humilie, s'abaisse pour l'homme. C'est pourquoi ma propre essence se donne en Dieu comme objet de mon intuition ; j’ai une valeur pour Dieu ; la signification divine de mon être me devient manifeste. Comment peut-on exprimer avec plus de hauteur la valeur de l'homme, que là où Dieu devient homme à cause de l'homme, et là où l'homme est le but final, l'objet de l'amour divin ? L'amour de Dieu pour l'homme est une détermination essentielle de l'être divin : Dieu est un Dieu qui m'aime, qui aime l'homme en général. C'est là qu'est l'accent, c'est là l'émotion fondamentale de la religion. L'amour de Dieu me fait aimer. L'amour de Dieu pour l'homme est le fondement de l'amour de l'homme pour Dieu. L'amour de Dieu est la cause qui éveille l'amour humain : « Aimons-le puisqu'il nous a aimés le premier ». Qu’aimer en Dieu ? L'amour, mais l'amour pour l'homme ! Si j’aime et adore l'amour avec lequel Dieu aime l'homme, est-ce que je n'aime pas l'homme, mon amour pour Dieu n'est-il pas, même indirectement, amour pour l’homme ? L'homme n'est-il donc pas le contenu de Dieu, lorsque Dieu aime l'homme ? N'est-ce pas le plus profond de moi que j'aime. [...]
 Si Dieu aime l'homme, alors l'homme est le cœur de Dieu – le bien de l'homme, son affaire la plus intime. Si l'homme est l'objet de Dieu, n'est-il pas alors en Dieu, lui-même à lui-même objet ? Le contenu de l'être divin n'est-il pas l'être de l'homme, si Dieu est amour, l'homme étant le contenu essentiel de cet amour ? Fondement et centre de la religion, l'amour de Dieu pour l'homme n'est-il point l'amour de l'homme pour lui-même, objectivé, intuitionné comme la vérité suprême, comme l’être suprême de l’homme ?"
 
Ludwig Feuerbach, L'Essence du christianisme, 1841, trad. J.-P. Osier, Éd. Maspero, p. 181-182.


Date de création : 24/02/2012 @ 16:43
Dernière modification : 25/05/2012 @ 14:18
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