"Les attributs théologiques ou métaphysiques de Dieu ne sont en effet que de pures négations des qualités qui se trouvent dans l'homme ou dans tous les êtres qu'il connaît ; ces attributs supposent la divinité exempte de ce qu'il nomme en lui-même, ou dans tous les êtres qui l'entourent, des faiblesses et des imperfections. Dire que Dieu est infini, c'est, comme on a déjà pu le voir, affirmer qu'il n'est point, comme l'homme, ou comme tous les êtres que nous connaissons, circonscrit par les bornes de l'espace. Dire que Dieu est éternel, signifie qu'il n'a point eu, comme nous, ou comme tout ce qui existe, un commencement, et qu'il n'aura point de fin ; dire que Dieu est immuable, c'est prétendre qu'il n'est point, comme nous, ou comme tout ce qui nous environne, sujet au changement. Dire que Dieu est immatériel, c'est avancer que sa substance ou son essence sont d'une nature que nous ne concevons point, mais qui doit être dès lors totalement différente de tout ce que nous connaissons.
C'est de l'amas confus de ces qualités négatives que résulte le dieu théologique, ce tout métaphysique dont il sera toujours impossible à l'homme de se faire aucune idée. Dans cet être abstrait tout est infinité, immensité, spiritualité, omniscience, ordre, sagesse, intelligence, puissance sans bornes. En combinant ces mots vagues ou ces modifications l'on crut faire quelque chose ; on étendit ces qualités par la pensée, et l'on crut avoir fait un dieu, tandis qu'on ne fit qu’une chimère. On s'imagina que ces perfections ou qualités devaient convenir à ce dieu parce qu'elles ne conviennent à rien de ce que nous connaissons ; on crut qu'un être incompréhensible devait avoir des qualités inconcevables ; voilà les matériaux dont la théologie se sert pour composer le fantôme inexplicable devant lequel elle ordonne au genre humain de tomber à genoux."
Paul-Henri Thiry D'Holbach, Système de la nature, 1770, 2e partie, Chapitre III, in Œuvres philosophiques complètes, tome II, Éditions Alive, 1999, p. 424-425.