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Texte à méditer :  Je vois le bien, je l'approuve, et je fais le mal.  Ovide
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Hors des sentiers battus
La prière
  "Si cette intelligence infinie [de Dieu] est toujours forcée de donner un libre cours aux événements que sa sagesse a préparés ; si rien n'arrive dans ce monde que d'après ses desseins impénétrables, nous n'avons rien à lui demander ; nous serions des insensés de nous y opposer, nous ferions une injure à sa prudence si nous voulions la régler. L'homme ne doit pas se flatter d'être plus sage que son dieu, de pouvoir l’engager à changer de volontés ; de pouvoir le déterminer à prendre d’autres voies que celles qu’il a choisies pour accomplir ses décrets ; un dieu intelligent ne peut avoir pris que les mesures les plus justes et les moyens les plus sûrs pour parvenir à son but ; s'il pouvait en changer, il ne pourrait être appelé ni sage, ni immuable, ni prévoyant. Si Dieu pouvait suspendre un instant les lois qu'il a lui-même fixées, s'il pouvait changer quelque chose à son plan, c'est qu'il n'aurait point prévu les motifs de cette suspension ou de ce changement ; s'il n'a point fait entrer ces motifs dans son plan, c'est qu'il ne les a point prévus ; s'il les a prévus sans les faire entrer dans son plan, c’est qu'il ne l'a point pu. Ainsi, de quelque façon qu'on s'y prenne, les voeux que les hommes adressent à la divinité, et les différents cultes qu'ils lui rendent, supposent toujours qu'ils croient avoir affaire à un être peu sage, peu prévoyant, capable de changer, ou qui, malgré sa puissance, ne peut faire ce qu'il veut, ou ce qu'il conviendrait aux hommes, pour lesquels on prétend néanmoins qu'il a créé l'univers."

Paul-Henri Thiry D'Holbach, Système de la nature, 1770, 2e partie, Chapitre VII, in Œuvres philosophiques complètes, tome II, Éditions Alive, 1999, p. 509-510.

 
 "Il y a des choses qu'il faut bien accepter sans les comprendre ; en ce sens, nul ne vit sans religion. L'Univers est un fait ; il faut ici que la raison s'incline ; il faut qu'elle se résigne à dormir avant d'avoir compté les étoiles. L'enfant s'irrite contre un morceau de bois ou contre une pierre ; beaucoup d'homme blâment la pluie, la neige, la grêle, les vents, le soleil ; cela vient de ce qu'il n'ont pas bien compris la liaison de toutes choses ; ils croient que tous ces faits dépendent de décrets arbitraires, et qu'il y a au monde un capricieux jardinier qui peut arroser ici ou là ; c'est pourquoi ils prient. La prière est l'acte irréligieux par excellence.
 Mais celui qui a un peu compris la Nécessité, celui-là ne demande plus de compte à l'Univers. Il ne dit pas : pourquoi cette pluie ? pourquoi cette peste ? pourquoi cette mort ? Car il sait qu'il n'y a point de réponse à ces questions. C'est ainsi, voilà ce que l'on peut dire. Et ce n'est pas peut dire. Exister, c'est quelque chose ; cela écrase toutes les raisons."
 
Alain, Propos, I (1er avril 1908), Gallimard, "La Pléiade", 1956, p. 32-33.

 
 "Parler de la prière équivaut, au fond, à une profession de foi, car comment prier sans admettre l'existence d'une divinité à laquelle on s'adresse. Ce raisonnement paraît parfaitement logique, il ne l'est que trop. Il y a des gens qui doutent de l'existence de Dieu, il y en a d'autres qui la nient même, il y en a qui, dans la vie courante, ne prient point, soit parce qu'ils n'en éprouvent aucun besoin, soit parce qu'ils croient pouvoir s'en passer, soit parce que, avant de le faire, ils exigent la preuve de l'existence de Dieu ; tous savent pourtant ce qu'est la prière, et cela non pas en tant que récitation quotidienne de prières accompagnées de génuflexions ou d'autres gestes consacrés, mais en tant qu'attitude bien déterminée, d'une élévation et d'une solennité toutes particulières, que très naturellement nous adoptons dans certaines circonstances de la vie. Chacun trouve en soi une résonance profonde pour le mot « prière » et se rend compte ainsi aisément du contenu de ce phénomène et de sa portée ; bien mieux, cette résonance lui permet de dire ce que devrait être la prière, la prière sincère et pure qui ne se dégrade que trop facilement, pour faire place à des gestes ou à des paroles plus ou moins automatiques, dénués de profondeur réelle.
 Le problème d'une analyse phénoménologique de la prière se pose ainsi. En parler, de ce point de vue, est aussi peu faire profession de foi que considérer I'espoir comme un phénomène essentiel de la vie implique nécessairement une attitude optimiste.
 Les choses se présentent maintenant sous un autre aspect. Il est faux de commencer par dire que dans la prière il y a un Dieu et un « moi » qui lui adresse sa prière ; c'est déjà décomposer le phénomène que nous nous proposons d'étudier. Ce qui prime maintenant, c'est le fait que dans la prière nous nous élevons au-dessus de nous-mêmes ainsi que de tout ce qui nous entoure et portons nos regards dans le lointain, vers un horizon infini, vers une sphère au delà du temps et de l'espace, sphère pleine de grandeur et de clarté, mais aussi de mystère. Nous pouvons ensuite remplacer ce mystère par l'idée d'une divinité agissante. Mais cette idée n'est point incluse primitivement dans le phénomène de la prière qui loin d'affirmer quoi que ce soit à ce point de vue, pose tout au plus un problème devant nous. Quelle que soit la façon dont, chacun pour soi, nous chercherons à résoudre ce problème, la prière n'en subsiste pas moins pour nous comme phénomène essentiel de la vie."
 
Eugène Minkowski, Le temps vécu, 1933, PUF, 1995, p. 95.


Date de création : 21/03/2012 @ 15:36
Dernière modification : 30/06/2013 @ 09:43
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