"Si cette intelligence infinie [de Dieu] est toujours forcée de donner un libre cours aux événements que sa sagesse a préparés ; si rien n'arrive dans ce monde que d'après ses desseins impénétrables, nous n'avons rien à lui demander ; nous serions des insensés de nous y opposer, nous ferions une injure à sa prudence si nous voulions la régler. L'homme ne doit pas se flatter d'être plus sage que son dieu, de pouvoir l’engager à changer de volontés ; de pouvoir le déterminer à prendre d’autres voies que celles qu’il a choisies pour accomplir ses décrets ; un dieu intelligent ne peut avoir pris que les mesures les plus justes et les moyens les plus sûrs pour parvenir à son but ; s'il pouvait en changer, il ne pourrait être appelé ni sage, ni immuable, ni prévoyant. Si Dieu pouvait suspendre un instant les lois qu'il a lui-même fixées, s'il pouvait changer quelque chose à son plan, c'est qu'il n'aurait point prévu les motifs de cette suspension ou de ce changement ; s'il n'a point fait entrer ces motifs dans son plan, c'est qu'il ne les a point prévus ; s'il les a prévus sans les faire entrer dans son plan, c’est qu'il ne l'a point pu. Ainsi, de quelque façon qu'on s'y prenne, les voeux que les hommes adressent à la divinité, et les différents cultes qu'ils lui rendent, supposent toujours qu'ils croient avoir affaire à un être peu sage, peu prévoyant, capable de changer, ou qui, malgré sa puissance, ne peut faire ce qu'il veut, ou ce qu'il conviendrait aux hommes, pour lesquels on prétend néanmoins qu'il a créé l'univers."
Paul-Henri Thiry D'Holbach, Système de la nature, 1770, 2e partie, Chapitre VII, in Œuvres philosophiques complètes, tome II, Éditions Alive, 1999, p. 509-510.