* *

Texte à méditer :  

Là où se lève l'aube du bien, des enfants et des vieillards périssent, le sang coule.   Vassili Grossman


* *
Figures philosophiques

Espace élèves

Fermer Cours

Fermer Méthodologie

Fermer Classes préparatoires

Espace enseignants

Fermer Sujets de dissertation et textes

Fermer Elaboration des cours

Fermer Exercices philosophiques

Fermer Auteurs et oeuvres

Fermer Méthodologie

Fermer Ressources en ligne

Fermer Agrégation interne

Hors des sentiers battus
La liberté ou la tolérance religieuse
  "[Une des lois d'Utopie], et l'une des plus anciennes, interdit de faire tort à personne à cause de sa religion.
  Utopus au début de son règne apprit qu'avant son arrivée, les habitants avaient d'âpres discussions au sujet de leurs croyances. Ils étaient divisés en sectes qui, ennemies entre elles, combattaient séparément pour leur patrie. Elles lui donnèrent ainsi l'occasion de les vaincre toutes à la fois. Une fois victorieux, il décida que chacun professerait librement la religion de son choix, mais ne pourrait pratiquer le prosélytisme qu'en exposant, avec calme et modération, ses raisons de croire, sans attaquer acrimonieusement celles des autres et, si la persuasion restait impuissante, sans recourir à la force et aux insultes. Celui qui met un acharnement excessif à des querelles de ce genre est puni de l'exil ou de la servitude.
  Utopus prit cette décision parce qu'il voyait la paix détruite par des luttes continuelles et des haines irréconciliables, et aussi parce qu'il jugeait la liberté avantageuse à la religion elle-même. Jamais il n'osa rien définir à la légère en matière de foi, se demandant si Dieu n'inspire pas lui-même aux hommes des croyances diverses, la variété et la multiplicité des cultes étant conformes à son désir. Il ne voyait en tout cas qu'un abus et une folie à vouloir obliger les autres hommes, par menaces et violence, à admettre ce qui vous paraît tel. Si vraiment une religion est vraie et les autres fausses, pourvu qu'on agît avec raison et modération, la force de la vérité, pensait-il, finirait bien un jour par prévaloir d'elle-même. Quand, au contraire, la controverse se fait violente et agressive, comme les moins bons sont aussi les plus obstinés, la religion la meilleure et la plus sainte peut fort bien se trouver étouffée par des superstitions qui rivalisent d'absurdité : comme du bon grain parmi les ronces et les broussailles. Il laissa donc la question libre et permit à chacun de croire ce qu'il voulait.
  Il interdit toutefois, avec une pieuse sévérité, que personne dégradât la dignité humaine en admettant que l'âme périt avec le corps ou que le monde marche au hasard sans une providence. Les Utopiens croient donc qu'après cette vie des châtiments sanctionnent les vices et des récompenses les vertus. Celui qui pense autrement, ils ne le considèrent même pas comme un homme, étant donné qu'il ravale la sublimité de son âme à la basse matérialité animale. Ils refusent même de le ranger parmi les citoyens, car sans la crainte qui le retient, il ne ferait aucun cas des lois et coutumes de l'État. Un homme hésitera-t-il en effet à tourner subrepticement les lois ou à les ruiner par la violence, s'il ne redoute rien qui les dépasse, s'il n'a aucune espérance qui aille au-delà de son propre corps ? Celui qui pense ainsi ne doit donc attendre d'eux aucun honneur, aucune magistrature, aucun office public. Ils le méprisent, partout où il est, comme un être d'une nature basse et sans ressources, sans toutefois lui infliger aucune peine corporelle, convaincus qu'il n'est pas donné à l'homme de croire ce qu'il veut. Ils s'abstiennent également de toutes menaces qui lui feraient dissimuler son sentiment, n'admettant pas les feintes et les grimaces pour lesquelles ils ont une aversion incroyable, les jugeant soeurs jumelles de l'imposture. Mais ils lui interdisent de défendre son opinion, du moins en public. En présence des prêtres et des gens sérieux, non seulement ils l'y autorisent, mais ils l'y poussent, convaincus que cette aberration s'inclinera pour finir devant la sagesse."

 

Thomas More, L'Utopie, 1516, Livre II, tr. fr. Marie Delcourt, GF, 1987, p. 215-218.


 

  "Ne croyez pas ceux qui vous conseillent de verser le sang à cause de la religion et veulent faire de vous des bourreaux. Sachez qu'ils vous conseilleraient autrement s'ils étaient eux-mêmes persécutés [...]. Faites régner la paix avec le glaive que Dieu vous a donné ! Punissez les meurtriers, châtiez les traîtres, châtiez les faux témoins et autres gens de cette espèce. En ce qui concerne la religion, protégez les enfants de Dieu contre les violences de leurs ennemis : voilà votre fonction. L'enseignement de la théologie n'a rien à voir avec le glaive. Autrement, les théologiens vous demanderaient de soutenir avec votre glaive leurs propres opinions. Après cela, les médecins en feraient autant ; de même les dialecticiens, les orateurs et les représentants des autres arts libéraux. Si vous ne pouvez protéger toutes ces professions avec le glaive, vous le pouvez encore moins lorsqu'il est question de théologie. Il en va ainsi de tout ce qui relève de l'esprit et du sentiment intérieur. Si un bon médecin peut prouver suffisamment sa doctrine avec sa science, sans l'aide du magistrat, pourquoi le théologien ne le pourrait-il pas lui-même ? Le Christ l'a pu ; de même les apôtres ; leurs successeurs le pourront également. Protégez le corps des enfants de Dieu avec glaive corporel. Mais un tel glaive ne peut atteindre les âmes. Soyez donc sages : suivez les conseils du Christ non ceux de l'Antéchrist."
 

Dirck Coornhert, Synode de la liberté de conscience, 1582, XIXe session, discours de Galamiel.


 

  "Toute loi qui est faite par un homme qui n'a point droit de la faire, et qui passe son pouvoir, est injuste car, comme dit Thomas d'Aquin, pour qu'une loi soit juste, il faut, entre autres choses, que celui qui la fait ait l'autorité de la faire, et qu'il ne passe pas son pouvoir.
  Or est-il que toute loi qui oblige à agir contre sa conscience, est faite par un homme qui n'a point d'autorité de la faire, et qui passe son pouvoir.
  Donc toute telle loi est injuste.
  Pour montrer la vérité de ma seconde proposition, je n'ai qu'à dire que toute l'autorité des souverains vient ou de Dieu immédiatement, ou des hommes qui entrent en société sous certaines conditions.
  Si elle vient de Dieu, il est clair qu'elle ne s'étend pas jusqu'à pouvoir faire des lois qui engagent les sujets à agir contre leur conscience ; car autrement il s'ensuivrait que Dieu pourrait conférer à l'homme le pouvoir d'ordonner la haine de Dieu, ce qui est absurde et nécessairement impossible, la haine de Dieu étant un acte essentiellement méchant. Pour peu qu'on examine la chose, on verra que la conscience, par rapport à chaque homme, est la voix et la loi de Dieu, connue et acceptée pour telle par celui qui a cette conscience. De sorte que violer cette conscience est, essentiellement, croire que l'on viole la loi de Dieu. Or faire une chose que l'on croit être une désobéissance à la loi de Dieu, est essentiellement ou un acte de haine, ou un acte de mépris de Dieu, et cet acte est essentiellement méchant, de l'aveu de tout le monde. Donc c'est la même chose commander d'agir contre sa conscience, et commander de haïr ou de mépriser Dieu. De sorte que Dieu ne pouvant pas conférer le pouvoir d'ordonner que l'on le haïsse ou méprise, il est évident qu'il ne peut pas conférer l'autorité de commander qu'on agisse contre sa conscience.
  Par la même raison il est évident que jamais les hommes qui ont formé des sociétés, et qui ont consenti à déposer leur liberté entre les mains d'un souverain, n'ont prétendu lui donner droit sur leur conscience. Ce serait une contradiction dans les termes ; car pendant qu'un homme ne sera pas fou à lier, il ne consentira point qu'on lui puisse faire commandement de haïr son Dieu, et de mépriser ses lois clairement et nettement signifiées à la conscience, et intimement gravées dans le cœur."
 
Pierre Bayle, De la tolérance, commentaire philosophique sur ces paroles de Jésus-Christ : « Contrains-les d'entrer»,1686, coll. Agora, Pocket, p. 146-147, Champion Classiques, 2014, p.  144-146.
 

  "Toute loi qui est faite par un homme qui n'a point droit de la faire, et qui passe son pouvoir, est injuste car, comme dit Thomas d'Aquin, pour qu'une loi soit juste, il faut, entre autres choses, que celui qui la fait ait l'autorité de la faire, et qu'il ne passe pas son pouvoir.
  Or est-il que toute loi qui oblige à agir contre sa conscience, est faite par un homme qui n'a point d'autorité de la faire, et qui passe son pouvoir.
  Donc toute telle loi est injuste.
  [Défaut essentiel de puissance dans les souverains pour faire des lois en matière de religion] Pour montrer la vérité de ma seconde proposition, je n'ai qu'à dire que toute l'autorité des souverains vient ou de Dieu immédiatement, ou des hommes qui entrent en société sous certaines conditions.
  Si elle vient de Dieu, il est clair queue ne s'étend pas jusqu'à pouvoir faire des lois qui engagent les sujets à agir contre leur conscience ; car autrement il s'ensuivrait que Dieu pourrait conférer à l'homme le pouvoir d'ordonner la haine de Dieu, ce qui est absurde et nécessairement impossible, la haine de Dieu étant un acte essentiellement méchant. Pour peu qu'on examine la chose, on verra que la conscience, par rapport à chaque homme, est la voix et la loi de Dieu, connue et acceptée pour telle par celui qui a cette conscience. De sorte que violer cette conscience est, essentiellement croire que l'on viole la loi de Dieu. Or faire une chose que l'on croit être une désobéissance à la loi de Dieu, est essentiellement ou un acte de haine, ou un acte de mépris de Dieu, et cet acte est essentiellement méchant, de l'aveu de tout le monde. Donc c'est la même chose commander d'agir contre sa conscience, et commander de haïr ou de mépriser Dieu. De sorte que Dieu ne pouvant pas conférer le pouvoir d'ordonner que l'on le haïsse ou méprise, il est évident qu'il ne peut pas conférer l'autorité de commander qu'on agisse contre sa conscience.
  Par la même raison il est évident que jamais les hommes qui ont formé des sociétés, et qui ont consenti à déposer leur liberté entre les mains d'un souverain, n'ont prétendu lui donner droit sur leur conscience. Ce serait une contradiction dans les termes ; car pendant qu'un homme ne sera pas fou à lier, il ne consentira point qu'on lui puisse faire commandement de haïr son Dieu, et de mépriser ses lois clairement et nettement signifiées à la conscience, et intimement gravées dans le cœur ; et il est certain que lorsqu'une troupe de gens s'engagent pour eux et pour leur postérité, à être d'une certaine religion, ce n'est qu'en supposant un peu trop légèrement, qu'eux et leur postérité auront toujours la conscience telle qu'ils se la sentent alors ; car s'ils faisaient réflexion aux changements qui arrivent dans le monde, et aux différentes idées qui se succèdent dans notre esprit, jamais ils ne feraient leur engagement que pour la conscience en général : c'est-à-dire, qu'ils diraient, nous promettons pour nous et pour notre postérité de ne nous départir jamais de la religion que nous croirons la meilleure ; mais ils ne feraient pas tomber leur pacte sur tel ou tel article de foi. Savent-ils, si ce qui leur paraît vrai aujourd'hui le leur paraîtra d'ici à trente ans, ou le paraîtra aux hommes d'un autre siècle ? Ainsi ces engagements sont nuls de toute nullité, et excèdent le pouvoir de ceux qui les font, n'y ayant homme qui se puisse engager pour l'avenir, beaucoup moins engager les autres à croire ce qui ne leur paraîtra pas vrai. Puis donc que les rois n'ont ni de Dieu, ni des hommes, le pouvoir de commander à leurs sujets qu'ils agissent contre leur conscience, il est manifeste que tous les édits qu'ils publient sur cela sont nuls de droit, et une pure usurpation ; et ainsi les peines qu'ils y opposent pour les contrevenants sont injustes."

 

Pierre Bayle, De la tolérance, commentaire philosophique sur ces paroles de Jésus-Christ : « Contrains-les d'entrer», 1686, Champion Classiques, 2014, p.  144-147.



  "S'il est vrai, me demandez-vous, que la religion soit contraire au repos des sociétés civiles quand elle forme plusieurs sectes, que deviendront les arguments de ceux qui soutiennent le dogme de la tolérance ? Ils n'oublient guère de dire que la diversité de religion peut contribuer notablement au bien des sociétés ; car s'il s'élève une louable émulation entre trois ou quatre sectes, elles s'efforceront de se surpasser les unes les autres en bonnes moeurs, et en zèle pour la patrie. Chacune craindra les reproches que les autres lui feraient de manquer d'attachement à la vertu, et au bien public : elles s'observeront mutuellement, et ne conspireront jamais ensemble pour troubler la société ; mais au contraire les unes réprimeront vigoureusement les autres en cas de sédition, il se formera des contrepoids qui entretiendront la consistance de la République. Voilà de quelle manière les tolérants ont coutume de finir leur plaidoyer. Ils le commencent et le continuent par plusieurs raisons de droit, qui prouvent que l'empire de la conscience n'appartient qu'à Dieu, mais enfin étant obligés de répondre aux politiques qui soutiennent par des raisons d'État qu'il ne faut souffrir qu'une religion, vu que la diversité des sectes est une source d'animosités et de cabales contraires au bien public, comme l'expérience ne l'a que trop démontré, ils allèguent ce qu'on vient de dire.
  Il est certain que l'expérience peut favoriser les intolérants, mais cela n'empêche pas que la réponse qui leur est faite par les tolérants ne soit solide ; car si l'on voulait embrasser l'esprit et le dogme de la tolérance, la diversité des sectes serait plus utile que nuisible au bien temporel des sociétés. Disons donc qu'un même écrivain pourrait soutenir que la religion est pernicieuse à l'État lorsqu'il arrive des schismes, et donner néanmoins au dogme de la tolérance tous les éloges que lui donnent ceux qui le soutiennent. Qu'un mal soit sans remède, ou qu'il puisse ne pas l'être par un remède que le malade ne peut point prendre, c'est toute la même chose, et de là vient que pendant que la tolérance, le seul remède des troubles que les schismes traînent avec eux, sera rejetée, la diversité de religion sera un mal aussi réel, et aussi terrible aux sociétés que s'il était irrémédiable. Or il est sûr que la doctrine de tolérance ne produit rien : si quelque secte en fait profession c'est parce qu'elle en a besoin ; et il y a tout lieu de croire que si elle devenait dominante, elle l'abandonnerait tout aussitôt. Les anciens chrétiens soutinrent ce dogme pendant qu'ils vécurent sous les empereurs païens : ils ne trouvaient rien alors de plus injuste que de faire agir la puissance séculière contre ceux qui ne suivaient pas la religion dominante, et ils ne cessaient de dire que les armes de la religion ne consistent qu'à persuader doucement et tranquillement les coeurs ; mais quand ils virent le christianisme sur le trône, ils ne parlèrent que de renverser l'idolâtrie, et il n'y eut point d'empereurs qu'ils louassent plus pompeusement que ceux qui s'étaient le plus appliqués à l'exterminer. Il y a eu dans les sectes dominantes quelque petit nombre de particuliers qui ont écrit en tolérants, mais leurs livres ont infiniment déplu au gros des Églises protestantes, et ont été réfutés par des ministres fameux. C'est pourquoi le dogme de la tolérance n'est pas plus utile contre les maux temporels que les schismes causent, que si personne ne le soutenait. Il vous sera donc facile de concilier les deux choses qui vous semblent se combattre, l'une est que la religion trouble le repos public quand elle forme des sectes, l'autre est que la tolérance pourrait rendre utile au bien temporel des sociétés la diversité des religions. On peut croire la seconde de ces deux choses et soutenir pourtant la première comme un fait certain, réel, incontestable et presque irrémédiable et inévitable.

  Il ne faut donc point distinguer ici entre la vraie et la fausse religion ; car de tous les schismes il n'y en a point qui aient causé plus de troubles et plus de ravages, que ceux qui se sont élevés dans la religion chrétienne. Elle n'a été la cause de tous ces désordres que par accident, me direz-vous. Je vous accorde que si les hommes étaient assez raisonnables pour embrasser les vérités de l'Évangile dès qu'elles leur sont annoncées, la prédication de la vraie foi n'exciterait aucun trouble dans la République, et qu'ainsi c'est par accident ou en conséquence des mauvaises dispositions de l'homme, que la véritable religion devient la perturbatrice du repos public : voyez Calvin dans l'épître dédicatoire de son Institution. Mais j'ose vous dire qu'à certains égards les troubles de la société sont une suite naturelle des dogmes de presque tous les théologiens. Le dogme de la tolérance ne peut être mis en ligne de compte ; je vous en ai dit les raisons : trop peu de gens le soutiennent, aucune secte qui soit en place ne le soutient."

 

Pierre Bayle, Réponses aux questions d'un provincial, 1706, 4e partie, chapitre I, in Œuvres diverses, III, Éditions Sociales, Paris, 1971, p. 108-122 ; 186-189.



  "Déclaration de Sa gracieuse Majesté à tous ses sujets bien-aimés en faveur de la liberté de conscience [liberty of conscience] .
  Jacques Rex.

  Comme Dieu tout-puissant nous a accordé la couronne impériale de ces royaumes [= Angleterre, Écosse, Irlande], en dépit de bien des difficultés, et nous maintient sur le trône de nos royaux ancêtres par sa providence extraordinaire, rien ne pourrait davantage nous satisfaire maintenant que le bonheur et l'unité de nos sujets, par inclination comme par devoir. Il n'est de moyen plus efficace pour cela que le libre exercice de leurs religions pour l'avenir, et la sûreté de leurs biens, que nous avons toujours eu à cœur depuis notre arrivée sur le trône. Ces deux choses, que les hommes estiment par-dessus tout, seront préservées dans ces royaumes tant que nous régnerons sur eux, en tant qu'elles constituent les méthodes les plus sûres pour leur assurer paix et gloire.
  Nous ne pouvons pas obtenir, mais désirons de tout cœur – ce qui ne saurait surprendre – que tous nos sujets soient membres de l'Église catholique. Cependant, nous louons le Seigneur qui nous a toujours inspiré la conviction profonde qu'il ne faut pas contraindre les consciences –  comme nous l'avons déjà déclaré en plusieurs cir­constances – ni utiliser la force dans les questions pure­ment religieuses. Une telle attitude a toujours été tout à fait contraire à notre inclination, de même que nous pensons qu'elle nuit au gouvernement […]. Et en cette opinion, nous sommes on ne peut plus confirmé par les réflexions que nous inspire la conduite des quatre derniers règnes [= depuis l'accession au trône d'Élisabeth, en 1558] ; car après, sous chacun d'eux, toutes les tentatives, fréquentes pressantes, en vue de la réduction de ce royaume [= seule­ment l'Angleterre] à une exacte conformité dans la religi­on [an exact conformity in religion], il est visible que le succè­s n'a pas répondu au dessein et que la difficulté est invincible.
  [...] Nous déclarons, car telle est notre volonté, que désormais l'exécution de toutes les lois pénales est immé­diatement suspendue en matière ecclésiastique, qu'il s'agisse de l'assistance au culte anglican, de la communion ou de quelque autre activité religieuse [...].
  [...] Nous permettons pareillement à tous nos bons et loyaux sujets de se rencontrer et de célébrer leurs offices selon leurs usages propres, que ce soit en privé ou en public.
  Whitehall, 4 avril 1687, troisième année de notre règne."

 

Jacques Stuart II, Déclaration d'indulgence, 4 avril 1687.


 

  "Or, pour convaincre que la juridiction du magistrat se termine à ces biens temporels, et que tout pouvoir civil est borné à l'unique soin de les maintenir et de travailler à leur augmentation, sans qu’il puisse ni qu’il doive en aucune manière s’étendre jusques au salut des âmes, il suffit de considérer les raisons suivantes, qui me paraissent démonstratives.
  Premièrement, parce que Dieu n’a pas commis le soin des âmes au magistrat civil, plutôt qu’à toute autre personne, et qu’il ne paraît pas qu’il ait jamais autorisé aucun homme à forcer les autres de recevoir sa religion. Le consentement du peuple même ne saurait donner ce pouvoir au magistrat ; puisqu’il est comme impossible qu'un homme abandonne le soin de son salut jusques à devenir aveugle lui-même et à laisser au choix d’un autre, soit prince ou sujet, de lui prescrire la foi ou le culte qu’il doit embrasser. Car il n’y a personne qui puisse, quand il le voudrait, régler sa foi sur les préceptes d’un autre. Toute l’essence et la force de la vraie religion consiste dans la persuasion absolue et intérieure de l’esprit ; et la foi n’est plus foi, si l’on ne croit point. Quelques dogmes que l’on suive, à quelque culte extérieur que l’on se joigne, si l’on n’est pleinement convaincu que ces dogmes sont vrais, et que ce culte est agréable à Dieu, bien loin que ces dogmes et ce culte contribuent à notre salut, ils y mettent de grands obstacles. En effet, si nous servons le Créateur d’une manière que nous savons ne lui être pas agréable, au lieu d’expier nos péchés par ce service, nous en commettons de nouveaux, et nous ajoutons à leur nombre l’hypocrisie et le mépris de sa majesté souveraine.
  En second lieu, le soin des âmes ne saurait appartenir au magistrat civil, parce que son pouvoir est borné à la force extérieure. Mais la vraie religion consiste, comme nous venons de le marquer, dans la persuasion intérieure de l’esprit, sans laquelle il est impossible de plaire à Dieu. Ajoutez à cela que notre entendement est d’une telle nature, qu’on ne saurait le porter à croire quoi que ce soit par la contrainte. La confiscation des biens, les cachots, les tourments et les supplices, rien de tout cela ne peut altérer ou anéantir le jugement intérieur que nous faisons des choses."
 
John Locke, Lettre sur la tolérance, 1689, trad. Jean Le Clerc, Garnier-Flammarion, 1992, p. 168-169.


  "Puis donc que la plus grande partie des hommes, pour pas dire tous, ne sauraient éviter d'avoir divers sentiments [opinions] sans être assurés de leur vérité par des preuves certaines et indubitables, et que d'ailleurs on regarde comme une grande marque d'ignorance, de légèreté ou de folie dans un homme, de renoncer aux opinions qu'il a déjà embrassées, dès qu'on vient à lui opposer quelque argument dont il ne peut montrer la faiblesse sur-le-champ, ce serait, je pense, une chose bienséante aux hommes de vivre en paix et de pratiquer entre eux les commun devoirs d'humanité et d'amitié parmi cette diversité d'opinions qui les partage ; puisque nous ne pouvons pas attendre raisonnablement que personne n'abandonne promptement et avec soumission ses propres sentiments, pour embrasser les nôtres avec une aveugle déférence à une autorité que l'entendement de l'homme ne reconnaît point. Car quoique l'homme puisse tomber souvent dans l'erreur, il ne peut reconnaître d'autre guide que la raison, ni se soumettre aveuglément à la volonté et aux décisions d'autrui. Si celui que vous voulez attirer dans vos sentiments, est accoutumé à examiner avant que de donner on consentement, vous devez lui permettre de repasser à loisir sur le sujet en question, de rappeler ce qui lui en est échappé de l'esprit, d'en examiner toutes les parties, et de voir de quel côté penche la balance, s'il ne croit pas que vos argument soient assez importants pour devoir l'engager de nouveau dans une discussion si pénible ; c'est ce que nous faisons souvent nous-mêmes en pareil cas, et nous trouverions fort mauvais que d'autres voulussent nous prescrire quels articles nous devrions étudier. Que s'il est de ces gens qui se rangent à telle ou telle opinion au hasard et sur la foi d'autrui, comment pouvons-nous croire qu'il renoncera à des opinions, que le temps et la coutume ont si fort enracinées dans son esprit, qu'il les croit évidentes par elles-mêmes, et d'une certitude indubitable, ou qu'il le regarde comme autant impressions qu'il a reçues de Dieu même, ou de perso­nnes envoyées de la part de Dieu ? Comment, dis-je, pouvons-nous espérer que les arguments ou l'autorité d'un étranger ou d'un adversaire détruiront des opinions ainsi établies, surtout s'il y a lieu de soupçonner que cet adversai­re agit par intérêt ou dans quelque dessein particulier, que les hommes ne manquent jamais de se figurer lorsqu'ils se voient maltraités ? Le parti que nous devrions prendre dans cette occasion, ce serait d'avoir pitié de notre mutuelle ignorance, et de tâcher de la dissiper par toutes les voies douces et honnêtes dont on peut s'aviser pour éclairer l'esprit, et non pas de maltraiter d'abord les autres comme des gens obstinés et pervers, parce qu'ils ne veulent point abandonner leurs opinions et embrasser les nôtres, ou du moins celles que nous voudrions les forcer de rece­voir, tandis qu'il est plus que probable que nous ne sommes pas moins obstinés qu'eux en refusant d'embrasser quelques-uns de leurs sentiments. Car où est l'homme qui a des preuves incontestables de la vérité de tout ce qu'il soutient, ou de la fausseté de tout ce qu'il condamne, ou qui peut dire qu'il a examiné à fond toutes ses opinions, ou toutes celles des autres hommes ? La nécessité où nous nous trouvons de croire sans connaissance, et souvent même sur de fort légers fondements, dans cet état passager d'action et d'aveuglement où nous vivons sur la Terre, cette nécessité, dis-je, devrait nous rendre plus soigneux de nous instruire nous-mêmes, que de contraindre les autres à rece­voir nos sentiments. Du moins ceux qui n'ont pas examiné parfaitement et à fond toutes leurs opinions, doivent avouer qu'ils ne sont point en état de les prescrire aux autres, et qu'ils agissent visiblement contre la raison en imposant à d'autres hommes la nécessité de croire comme une vérité ce qu'ils n'ont pas examiné eux-mêmes, n'ayant pas pesé les raisons de probabilité sur lesquelles ils devraient le recevoir ou le rejeter. Pour ceux qui sont entrés sincèrement dans cet examen, et qui par là se sont mis au­-dessus de tout doute à l'égard de toutes les doctrines qu'ils professent, et sur lesquelles ils règlent leur conduite, ils pourraient avoir un plus juste prétexte d'exiger que les autres se soumissent à eux ; mais ceux-là sont en si petit nombre, et ils trouvent si peu de sujet d'être décisifs dans leurs opinions, qu'on ne doit s'attendre à rien d'insolent et d'impérieux de leur part ; et l'on a raison de croire que, si les hommes étaient mieux instruits eux-mêmes, ils seraient moins sujets à imposer aux autres leurs propres sentiments."

 

John Locke, Essai philosophique concernant l'entendement humain, 1689, Livre IV, chapitre 16, § 4, tr. fr. Pierre Coste, Le Livre de Poche, p. 955-957.



  "Parfaitement conscients que les opinions et les croyances des hommes ne dépendent pas de leur volonté propre mais suivent involontairement l'évidence proposée à leurs esprits ; que le Seigneur Tout-Puissant a créé l'esprit libre et manifesté Sa volonté suprême qu'il reste libre en le rendant absolument inaccessible à la contrainte ; que toutes les tentatives pour l'influencer par des punitions ou des obligations temporelles ou par des incapacités civiles ne font qu'engendrer des habitudes d'hypocrisie et de bas­sesse et s'écartent du plan du saint Auteur de notre reli­gion qui a voulu propager celle-ci, non pas par la con­trainte sur les corps ou sur les âmes, comme il était en la toute-puissance du Seigneur des corps et des âmes de le faire, mais par l'effet de son influence sur la seule raison ; que la présomption impie de législateurs et de gouvernants, tant civils qu'ecclésiastiques, qui, bien que n'étant eux-­mêmes que des hommes faillibles et bornés, se sont arrogé une autorité sur la foi des autres, énonçant que leurs opinions et leurs façons de penser personnelles étaient seules vraies et infaillibles et s'efforçant de les imposer comme telles, a établi et maintenu de tout temps des reli­gions fausses presque partout dans le monde; que c'est une tyrannie coupable que d'obliger un homme à apporter des contributions d'argent pour la propagation d'opinions qu'il refuse et qu'il abhorre; que le simple fait de le forcer à entretenir tel ou tel maître de sa propre croyance reli­gieuse le prive de la liberté agréable de donner ses con­tributions à tel autre pasteur sur les principes moraux duquel il voudrait prendre modèle et dont il apprécie particulièrement la force de persuasion au bien; ce fait retire aussi au clergé ces récompenses temporelles qui, attribuées en signe d'approbation de leur conduite per­sonnelle, constituent une incitation supplémentaire à des efforts fervents et incessants pour l'instruction de l'huma­nité ; que nos droits civiques ne dépendent pas plus de nos opinions religieuses que de nos idées sur la physique ou la géométrie; que, par conséquent, le fait de proscrire un citoyen comme indigne de la confiance publique, en lui retirant la capacité d'être appelé à des charges publiques et appointées s'il ne confesse ou ne répudie telle ou telle opinion religieuse le prive injustement de ces privilèges et avantages auxquels, comme tous ses concitoyens, il a un droit naturel; que cela tend aussi à corrompre les principes de cette religion même que l'on voudrait encou­rager, en soudoyant, par l'appât d'honneurs mondains et d'émoluments ceux qui acceptent de la professer ou de la pratiquer extérieurement; que si ceux qui ne résistent pas à ces tentations sont certes criminels, ceux qui les appâtent de cette manière ne sont pas innocents non plus; que les opinions des hommes ne sont pas l'objet du gou­vernement civil et qu'elles ne tombent pas sous sa juri­diction; que le fait de permettre aux pouvoirs du magis­trat civil de s'immiscer dans le domaine de l'opinion et d'empêcher la profession ou la propagation de certains principes parce qu'on suppose leurs tendances perni­cieuses est un sophisme dangereux qui détruit immédia­tement toute liberté religieuse, car ce magistrat, étant natu­rellement juge de cette tendance, fera de ses opinions la règle de son jugement et n'approuvera ou ne condamnera .es sentiments d'autrui qu'autant qu'il s'accordent avec .es siens ou en diffèrent; qu'il est bien temps, pour les fins légitime du gouvernement civil, que les représen­tants interviennent lorsque de principes dégénèrent en retiens ouverte contre la paix et le bon ordre ; enfin, que la vérité est grande et qu'elle prévaudra si on la laisse agir librement ; qu'elle est suffisamment forte pour s'opposer à l'erreur et qu'elle n'a rien à craindre du conflit, aussi longtemps que l'intervention humaine ne lui enlèvera pas ses armes naturelles : la liberté d'argumentation et de discussion, les erreurs cessant d'être dangereuses quand il est permis de les contredire librement.
  Nous, Assemblée générale de Virginie, décidons que personne ne pourra être forcé de fréquenter ou de sou­tenir quelque culte, établissement ou ministère religieux que ce soit, et que personne ne sera contraint, emprisonné, molesté ou frappé dans son corps ou ses biens, ni n'aura à souffrir d'aucune autre manière à cause de ses opinions ou croyances religieuses, mais que tous les hommes demeu­reront libres de professer leurs opinions en matière de religion et de les soutenir par la discussion et qu'elles ne réduiront, n'augmenteront ni n'affecteront en aucune manière leurs capacités civiques.

  Et, bien que nous sachions que notre Assemblée, élue par le peuple pour les seuls buts ordinaires de législation, n'a pas le pouvoir de restreindre la compétence législative des assemblées ultérieures qui seront constituées avec des pouvoirs égaux aux nôtres et, par conséquent, que le fait de conférer un caractère irrévocable à la présente loi serait sans valeur légale, nous déclarons cependant, parce que nous sommes libres de le faire, que les droits proclamés ci-dessus sont des droits naturels de l'humanité et que, si quelque loi votée ultérieurement abrogeait la présente résolution ou en restreignait l'application, cette loi cons­tituerait une violation du droit naturel."

 

Thomas Jefferson, Projet pour la loi de Virginie instituant la liberté de religion, 1777, tr. fr. Pierre Nicolas, in La liberté et l'État, Édtions Seghers, 1970, p. 76-78.


 

  "Il est une erreur que l'on n'a pas encore suffisamment extirpée, semble-t-il : la croyance que les opérations de l'esprit sont soumises, tout comme les actions du corps à la contrainte des lois. Pourtant, nos gouvernants ne peuvent avoir d'autorité que sur ceux de nos droits natu­rels que nous leur avons soumis. Nous ne leur avons jamais soumis les droits de la conscience ; nous ne le pouvions pas. Nous en sommes responsables devant notre Dieu ; les pou­voirs légitimes du gouvernement ne s'appliquent qu'aux actes portant préjudice à autrui. Mais mon voisin ne me porte aucun préjudice s'il affirme qu'il y a vingt dieux ou qu'il n'y en a aucun. Cela ne porte atteinte ni à ma bourse, ni à ma personne physique. S'il est dit que l'on ne peut pas se fier au témoignage d'un tel homme devant un tri­bunal, qu'on rejette ce témoignage et que cet homme soit ainsi stigmatisé. La contrainte peut le rendre pire en faisant de lui un hypocrite, mais jamais elle ne le rendra plus sincère. Elle peut le pousser à s'entêter dans ses erreurs, mais elle ne l'en guérira pas. La raison et le libre examen sont les seuls agents efficaces contre l'erreur. Lais­sez-les agir librement et ils confirmeront la vraie religion en traduisant chacune des fausses devant leur tribunal, en les soumettant à l'épreuve de leur investigation. Ce sont les ennemis naturels de l'erreur, et d'elle seule. Si le gou­vernement romain n'avait pas autorisé le libre examen, le christianisme n'aurait jamais pu s'implanter. Si l'on ne s'était pas adonné au libre examen à l'époque de la Réforme, le christianisme n'aurait pas pu être débarrassé de ses corruptions. Entraver le libre examen, aujourd'hui, serait protéger les corruptions existantes et en encourager de nouvelles. Si le gouvernement nous prescrivait notre régime alimentaire et nos remèdes, nos corps seraient dans l'état où sont maintenant nos âmes. C'est ainsi qu'en France, à une certaine époque, on a proscrit l'émétique comme remède et la pomme de terre comme aliment. Le gouvernement montre le même genre d'infaillibilité quand il énonce des lois physiques : Galilée fut traduit levant l'Inquisition pour avoir affirmé que la terre était sphérique ; le gouvernement avait déclaré qu'elle était plate comme un tranchoir, et Galilée fut obligé d'abjurer son erreur. Cette erreur, pourtant, a fini par prévaloir; la terre est devenue ronde et Descartes a déclaré qu'un tourbillon la faisait tourner autour de son axe. Le gouver­nement sous lequel il vivait fut assez sage pour comprendre que cette question n'était pas de la compétence des auto­rités civiles, sinon nous aurions tous été entraînés d'office dans des tourbillons. En fait, on a démoli la théorie des tourbillons, et le principe newtonien de la gravitation est aujourd'hui plus solidement établi sur la base de la raison qu'il ne le serait si le gouvernement intervenait pour en faire un article de foi obligatoire. On a laissé agir la raison et l'expérience, et l'erreur a fui devant elles. Seule, l'erreur a besoin de l'appui des gouvernements. La vérité se ­tient d'elle-même. Vous voulez soumettre les opinions à l'autorité : qui prendrez-vous comme enquêteurs ? Des hommes faillibles ; des hommes gouvernés par des passions mauvaises, par des mobiles autant privés que publics. Et pourquoi soumettre les opinions à la coercition ? Pour établir l'uniformité ? Mais l'uniformité des opinions est­-elle désirable ? Pas plus que celle des visages et des statures. Ou bien, alors, adoptez le lit de Procuste et, comme les grands risquent de l'emporter sur les petits, donnez-leur la même taille à tous en coupant les pieds des premiers et en étirant ceux des seconds. En matière de religion, les divergences d'opinions sont avantageuses."

 

Thomas Jefferson, Observation sur la Virginie, Question XVII, 1785, tr. fr. Pierre Nicolas, in La liberté et l'État, Édtions Seghers, 1970, p. 78-80.



  "[…] on méconnaît, […] on mésinterprète totalement la tolérance dont la philosophie des Lumières proclame la nécessité, en lui donnant un sens purement négatif. La tolérance est autre chose que la recommandation d'une attitude laxiste et indifférente à l'égard des questions religieuses. On ne trouve que chez quelques penseurs insignifiants, de dernier ordre, une forme de défense de la tolérance qui se résolve dans un indifférentisme pur et simple. Dans l'ensemble, c'est la tendance inverse qui prévaut : le principe de la liberté de croyance et de conscience est l'expression d'une nouvelle force religieuse positive qui est, pour le siècle des Lumières, réellement déterminante et caractéristique. La conscience religieuse y prend une forme nouvelle afin de s'affirmer clairement et fermement. Cette forme ne pouvait se réaliser sans un renversement complet du sentiment religieux et des fins de la religion. Ce changement décisif se produit au moment où apparaît, à la place du pathos religieux qui agitait les siècles précédents, les siècles des guerres de religion, un pur éthos religieux. La religion ne doit plus être quelque chose qu'on subit ; elle doit jaillir de l'action même et recevoir de l'action ses déterminations essentielles. L'homme ne doit plus être dominé par la religion comme par une force étrangère ; il doit l'assumer et la créer lui-même dans sa liberté intérieure. La certitude religieuse n'est plus le don d'une puissance surnaturelle, de la grâce divine, c'est à l'homme seul de s'élever jusqu'à cette certitude et d'y demeurer."

 

Ernst Cassirer, La philosophie des Lumières, 1932, tr. fr. Pierre Quillet, Fayard, 1983, p. 178-179.


 

  "La décision politique en faveur de la tolérance religieuse […] a permis la cohabitation au sein d'un même État de pratiques religieuses différentes, cohabitation jusque-là jugée impossible. Mais pour y arriver il a fallu un double mouvement. D'une part les différentes dénominations religieuses ont été forcées par l'État de renoncer à imposer à tous leur conception de la vérité religieuse, mais sans pour autant être contraintes d'abandonner leur volonté de l'offrir à tous comme une option. D'autre part, pour justifier la coexistence de pratiques religieuses différentes, on a eu recours au rapport interne de l'individu à sa propre croyance et on a déclaré que ce rapport échappait au pouvoir de l'État. Les différentes valeurs religieuses et les pratiques auxquelles elles donnent naissance ont alors été légitimées par le rapport que les individus qui y adhèrent entretiennent avec elles."

 

Paul Dumouchel, "La démocratie et le pluralisme des valeurs", 2000, in Le Pouvoir, l'État, la politique, Odile Jacob Poches, 2002, p. 284.

 


Date de création : 25/05/2012 @ 14:59
Dernière modification : 11/06/2024 @ 13:08
Catégorie :
Page lue 6646 fois


Imprimer l'article Imprimer l'article

Recherche



Un peu de musique
Contact - Infos
Visites

   visiteurs

   visiteurs en ligne

^ Haut ^