"[...] Dieu est le commencement et la fin de tout. Dieu est le centre saint qui remplit toutes choses de vie et d'esprit. La religion a son objet à l'intérieur d'elle-même, et cet objet est Dieu; elle est la relation de la conscience humaine à Dieu. L'objet de la religion est purement et simplement par soi-même et pour soi-même, il est le but final absolu en soi et pour soi, ce qui est absolument libre. S'occuper du but final ne peut donc avoir d'autre but final que cet objet même. Toutes les autres fins ne connaissent leur accomplissement qu'en lui. Dans cette occupation, l'esprit se libère de toutes les finitudes ; elle est la vraie libération de l'homme et la liberté même, la véritable conscience de la vérité. Tout se résout en passé; la vie finie semble pareille à un désert de sable ; cette occupation est la conscience de la liberté et de la vérité. Quand elle est dans le sentiment, elle est félicité ; quand elle est activité, elle a à révéler la gloire de Dieu et sa majesté. Ce concept de religion est universel. Cette position, la religion l'a chez tous les peuples et tous les hommes. Partout, cette occupation est considérée comme le dimanche de la vie. Dans cette région de l'esprit coulent en vérité les flots de l'oubli dont s'abreuve la Psyché. Toutes les douleurs du banc de sable de la vie s'évanouissent dans cet éther, que ce soit dans le sentiment de recueillement ou dans celui d'espérance; tout se résout en passé. Dans la religion se dissipent tous les soucis, l'homme se sent heureux. Toute chose terrestre se dissout en lumière et en amour - vitalité non pas lointaine mais présente, certitude et jouissance. Mais même quand la religion est encore détournée vers le futur, elle rayonne encore, au sein de la vie présente, dans la réalité effective, en laquelle cette image est substance efficace. C'est là le contenu général de la religion parmi les hommes."
Hegel, Leçon sur la philosophie de la religion (1821-1831), Introduction, trad. P. Garniron, PUF, coll. « Épiméthée », 1996, p. 57-58.