Devons-nous autoriser les bébés médicaments ? (Morale, devoir, bonheur, liberté)
On appelle "bébé médicament" un enfant qui est le résultat d'une fécondation in vitro, d'un diagnostic préimplantatoire et d'une insémination artificielle, tout cela dans le but qu'il soit compatible avec un frère ou un sœur aînés ayant besoin d'une greffe (de sang du cordon ou de moelle osseuse par exemple). On se sert donc du bébé pour soigner un autre enfant malade. Cette pratique, qui consiste bel et bien dans une "sélection" de l'enfant à venir, déjà autorisée en Angleterre, est devenue possible en France avec l'application de la loi de bioéthique d'août 2004 (mais avec une autorisation donnée "au cas par cas"). Ce qui constitue de toute évidence un progrès médical pose néanmoins des questions d'ordre moral (dérive vers un clonage qui ne serait plus seulement thérapeutique). On peut donc se demander s'il est réellement moral d'autoriser les bébés médicaments.
→ cf. texte du Dr Guy Benzadon, Le Quotidien du Médecin (05/05/04).
Pour répondre à cette question, il va nous falloir répondre à cette question préalable : qu'est-ce qui est moral ? Question qui nous confrontera à cette autre : est-il possible de définir ce qui est bien de manière univoque ?
I. Qu'est-ce que la morale ? Comment est-elle possible ?
1. Morale, éthique, politique
- Éthique et morale
Étymologiquement, "morale" vient du latin philosophia moralis , traduction par Cicéron, du grec ta èthica ; les deux termes désignent ce qui a trait aux mœurs, au caractère, aux attitudes humaines en général et, en particulier, aux règles de conduite et à leur justification. Même s'il n'y a pas d'accord sur ce point, on peut distinguer entre éthique et morale, réserver le terme d’éthique pour tout le questionnement qui précède l’introduction de l’idée de loi morale, ou encore la réflexion rationnelle portant sur l'appréciation comme bonne ou mauvaise de la conduite humaine ("L'éthique est l'investigation générale sur ce qui est bien" Moore, Principia Ethica)[1] et désigner par morale tout ce qui, dans l’ordre du bien et du mal, se rapporte à des lois, des normes, des impératifs, ou encore l'ensemble des prescriptions admises dans une société ou une civilisation donnée (les mœurs).
Dans ce cours, nous emploierons indifféremment les termes d'éthique et de morale, sauf quand nous préciserons que le mot "morale" doit être entendu comme synonyme de "mœurs".
- Éthique et politique
Nous pouvons ici reprendre la distinction opérée par Sidgwick : "l'éthique a pour but de déterminer ce qui devrait être fait par les individus, tandis que la politique a pour but de déterminer ce que le gouvernement d'un État ou ce qu'une société politique devrait faire et comment il devrait être constitué."
→ l'éthique concerne l'individu, la politique concerne la collectivité.
- Les différentes divisions de l'éthique
Éthique = investigation générale sur ce qui est bien
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Éthique descriptive ou théorique
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Éthique normative
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Science des normes
Elle a pour tâche de systématiser hiérarchiquement les normes acceptées dans les faits
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Éthique explicative
Elle s'intéresse à la cause de l'acceptation factuelle de certaines normes ou de certains systèmes généraux.
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Elle a pour fonction d'établir ce qui est effectivement bien, et donc ce que l'on devrait faire pour agir moralement.
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L'éthique a donc pour but de déterminer ce qui est bien (au sens positif ou normatif). Dit autrement, l'éthique a pour but de déterminer quel est notre devoir. L'idée de devoir, c'est l'idée que ce qui est n'est pas suffisant, qu'il n'est pas objet d'affirmation. L'éthique c'est donc que quelque chose n'est pas et est à être. C'est ce dernier qui est assimilé au bien.
2. Morale et liberté
Avant d'entrer plus avant dans la réflexion éthique, il convient de savoir si celle-ci est possible. Or, pour cela, nous devons d'abord montrer que nous possédons une liberté. En effet, si nous ne sommes pas libres, alors la question du choix ne se pose pas. Nous allons donc voir en quoi la notion de devoir implique la liberté.
a. Obligation et contrainte
Chacun entend dans le devoir l'idée de ce qui a lieu d'être fait, de ce qu'il est obligatoire de faire, par opposition à ce qui est simplement opportun ou contingent. Faut-il dès lors assimiler le devoir à une contrainte ? Certes non. L'obligation qui caractérise le devoir est distincte de la nécessité, que celle-ci se manifeste sous forme d'une tendance à agir à laquelle nous nous soumettrions sans recours possible, et qui serait alors équivalente à un instinct, ou sous l'espèce d'une force extérieure agissant sur nous.
Dans le Contrat social, Rousseau s'attache, au sein d'une réflexion sur le droit seul, à distinguer ce qui relève du droit et donc du devoir, et ce qui relève au contraire de la force et donc de la nécessité.
→ cf. texte : Chapitre III du Contrat social (Du droit du plus fort).
Ce que montre ici Rousseau, c'est que droit et contrainte ne se recoupent pas. Ainsi, on parle souvent du "droit du plus fort". Or, la force est contraignante; on ne peut que lui obéir ; tandis que la loi doit revêtir un caractère obligatoire qui implique la volonté; on doit lui obéir. Ainsi :
"Céder à la force est un acte de nécessité, non de volonté ; c'est tout au plus un acte de prudence. En quel sens pourra-ce être un devoir ?"
Il n'est nul besoin d'énoncer un quelconque "droit du plus fort" puisque l'obéissance à la loi de ce dernier est nécessaire. Au contraire, l'existence du droit implique que l'on puisse s'y soustraire, même si bien sûr on n'en a pas le droit. Un choix doit être possible qui engage alors la "moralité" de l'individu.
La morale n'est donc possible que si elle s'adresse à des individus libres, c'est-à-dire dotés d'un libre arbitre, mais aussi sur lesquels ne s'exerce aucune contrainte.
Repères : Obligation / Contrainte
L'obligation implique un devoir : je dois faire quelque chose, mais je reste libre d'obéir ou non à cette obligation. → liberté
La contrainte à l'inverse est une violence que l'on emploie contre quelqu'un pour lui faire faire quelque chose malgré lui ou pour l'empêcher de faire ce qu'il désire. Elle relève donc de la force et supprime toute liberté. → nécessité
Tout ordre normatif, qu'il soit moral ou juridique, implique la possibilité de ne pas obéir à la norme, donc l'existence d'un libre arbitre. C'est ce que rappelle aussi un juriste comme George Vedel :
→ Cf. texte de George Vedel, Avant-propos au livre de Paul Amselek : Science et détermine. Éthique et liberté, 1988, PUF, p. 5-6.
→ Cf. texte de Hans Kelsen, Théorie générale des normes, Chapitre 16, p. 72.
Toutefois, si l'idée de devoir a un sens, ce n'est pas uniquement parce que nous possédons un libre arbitre.
b. Le devoir
La notion de devoir implique une obligation. L'idée de devoir n'a de sens que si :
- le réel n'est pas satisfaisant, et qu'il faut donc le changer. C'est la recherche d'un bien, ou d'un mieux.
Comme l'écrit Kelsen :
"Dire « ce qui est bon doit être » est un pléonasme, car dire que quelque chose est « bon » signifie déjà que cela doit être."
- Cela signifie que doit exister un bien, qu'il s'agit de déterminer et d'atteindre. Pour faire ce qui est bien, je dois savoir ce qui est bien. En d'autres termes,vouloir faire son devoir implique de connaître son devoir.
- je ne recherche pas spontanément ce bien (le devoir s'oppose donc au désir. Dans les deux cas, il y a l'expression d'une insatisfaction, mais le désir apparaît "naturel", alors que le devoir ne l'est pas. Le devoir intervient quand le désir n'est pas là. Ainsi, il ne viendrait à personne l'idée de me commander de faire quelque chose que je fais déjà par moi-même).
C'est par exemple ce qu'exprime Kant, quand il écrit :
"Ordonner à chacun de chercher à se rendre heureux, serait une chose insensée, car on ne commande jamais à quelqu'un ce que de lui-même il veut déjà inévitablement."
C'est ce qui explique qu'au devoir soit associée une sanction.
→ Cf. texte de Wittgenstein, Entretiens de Wittgenstein, in Manifeste du Cercle de Vienne et autres écrits, PUF, 1985, p. 269.
- je suis libre de faire mon devoir (comme nous l'avons-vu plus haut, l'obligation se distingue de la contrainte. Le devoir implique à la fois que je peux, au sens de capacité, le faire, et que je peux ne pas le faire).
La question qui est donc posée est la suivante : quel est mon devoir ? Autrement dit, qu'est-ce qui est bien ? La difficulté est qu'il s'agit de déterminer non pas un bien qui vaudrait uniquement pour moi, car dans ce cas, chacun pourrait se fixer ses propres obligations, mais de faire apparaître un bien qui soit universel. Comme l'écrit Kant:
"Ce qui sert de principe objectif à la volonté, qui se détermine elle-même, est la fin, et, quand cette fin est donnée par la raison seule, elle doit avoir la même valeur pour tous les êtres raisonnables."
Quelle est cette fin dont parle Kant, qui doit être valable pour "tous les êtres raisonnables" ?
II. Qu'est-ce qui est moral ? Qu'est-ce qui est bien ?
"Prêcher la morale est facile, fonder la morale est difficile."
Schopenhauer, De la volonté dans la nature
L'opposition des éthiques normatives entre elles constitue sans doute l'argument principal contre la possibilité même d'une éthique normative.
1. Les morales du sentiment
Malgré leur diversité, les morales du sentiment se retrouvent autour d'un même principe : il y a en nous un instinct, un sens moral inné, qui nous fait juger mauvaises certaines actions, bonnes certaines autres. Autrement dit, un sentiment naturel qui nous permet de distinguer le bien du mal, comme l'œil distingue les différentes couleurs. Suivons ce sentiment naturel et nous ne nous tromperons jamais ; nous agirons toujours moralement. C'est donc notre "conscience morale" qui est garante d'un comportement moral.
→ cf. Texte de Schopenhauer, Le fondement de la morale (1841), trad. Auguste Burdeau, Le Livre de poche, pp. 154-156.
Mais fonder la morale sur la conscience morale ne va pas sans poser de problèmes. En effet, il semble que loin d'être la même chez tous, ce que dicte la conscience morale soit extrêmement variable selon les individus. Ainsi, si à la suite de Schopenhauer on décide de fonder la morale sur le sentiment de pitié, il est indéniable que cette dernière se manifeste différemment selon les individus.
→ Cf. texte de Russell, Science et religion, pp. 167-169
Pour Russell, la conscience morale est le fruit de l'éducation, laquelle permet l'intériorisation des règles sociales (cf. Freud et le Surmoi).
2. La morale kantienne (morale du devoir)
Les morales du devoir identifient la moralité à l'obligation, c'est-à-dire qu'elles fondent le caractère moral de nos actions sur le concept d'obligation (ou de devoir). Parmi ces morales, celle développée par le philosophe allemand Kant est celle qui fait figure de paradigme. C'est elle que nous allons donc étudier ici.
Kant distingue la raison théorique, qui vise à découvrir la vérité, soit en établissant des faits, soit en montrant comment les relier entre eux et les expliquer, et la raison pratique, qui quant à elle porte sur les actions humaines. Cette dernière se scinde en deux : la raison pratique empirique, qui a pour but de trouver les moyens de satisfaire les désirs ou d'atteindre certaines fins propres aux désirs ; et la raison pure pratique, qui a pour but de déterminer les principes (moraux) selon lesquels agir.
Dans les Fondements de la métaphysique des mœurs, Kant tente de définir, à partir de cette raison pure pratique, les fondements de toute action morale, et donc ce qui peut être bon en soi. Kant cherche ainsi à fonder la morale, mais de telle sorte que cette morale soit universelle, c'est-à-dire qu'elle dépasse les particularismes culturels ou sociaux, historiques ou géographiques (la morale ne doit pas être différente d'une société à l'autre). Non seulement la morale doit valoir pour tous les hommes, mais plus encore pour tous les êtres raisonnables.
"Tout le monde conviendra qu'une loi, pour avoir une valeur morale, c'est-à-dire pour fonder une obligation, doit être marquée d'un caractère de nécessité absolue ; que ce commandement : "Tu ne dois pas mentir"ne vaut pas seulement pour tous les hommes, comme s'il ne concernait pas les autres êtres raisonnables."
La morale doit donc être rationnelle (= le produit de la raison, qui est la même en tout homme), et ainsi se fonder a priori (c'est-à-dire s'appuyer uniquement sur le raisonnement) et non a posteriori, c'est-à-dire sur l'expérience (puisque par définition, toute expérience est particulière, propre à chacun, et ne peut donc être universelle)
→ ce qui est ne peut être la règle de ce qui doit être (pas de passage possible de l'être au devoir-être).
La morale doit valoir pour tout être raisonnable, et non se fonder sur la nature humaine, laissant donc de côté ce qui appartient en propre à l'homme, à savoir des désirs, des passions, une aspiration générale au bonheur (tout ce qui relève de la "nature sensible" de l'homme, la part subjective de l'homme).
Ce faisant, Kant n'a nullement en vue d'inventer une morale, mais seulement de comprendre, de justifier et de fonder une morale déjà existante, que tout homme connaît déjà. Pour Kant en effet, tout homme, quelle que soit la société à laquelle il appartient, sait quel est son devoir même s'il ne l'accomplit pas :
"Chaque homme trouve en sa raison l'Idée du devoir et tremble lorsqu'il entend sa voix d'airain pour peu que s'éveillent en lui des penchants qui lui donnent la tentation de l'enfreindre[8]".
Tout homme qui a atteint l'âge de raison, fait donc l'expérience morale qui est avant tout celle d'un conflit entre les aspirations de notre nature sensible qui se rejoignent confusément dans le désir de bonheur et la "voix d'airain du devoir" qui nous appelle catégoriquement à satisfaire d'autres exigences, et à agir moralement.
Pour Kant, "il n'y a qu'une seule chose qu'on puisse tenir pour bonne sans restriction, c'est une bonne volonté"[9]. Toutes les autres qualités (les vertus notamment), en tant qu'elles ne sont que des moyens, peuvent être soit bonnes, soit mauvaises (elles sont bonnes seulement relativement et pas absolument).
Ex. : l'intelligence est une bonne chose si elle sert à aider son prochain, mais elle est mauvaise si elle sert à l'assassiner pour le dépouiller de ses biens. Idem du courage, etc.
→ en ce sens, la morale kantienne ne peut être assimilée à une éthique de la vertu, même si elle se concentre sur le caractère et les motivations de l'agent. Certes, Kant définit la vertu comme "l'intention morale dans la lutte"[10] ; l'homme vertueux est celui qui s'efforce d'agir moralement.
"Cette bonne volonté peut sans doute n'être pas le seul bien, le bien tout entier, mais elle doit être regardée comme le bien suprême et la condition à laquelle doit être subordonné tout autre bien, tout désir même du bonheur."
"Il y a pourtant une fin qu'on peut admettre comme réelle dans tous les êtres raisonnables, en tant qu'êtres dépendants et soumis, comme tels, à des impératifs ; c'est-à-dire une fin dont la poursuite n'est plus une simple possibilité, mais dont on peut affirmer avec certitude que tous les hommes la poursuivent en vertu d'une nécessité de leur nature ; et cette fin, c'est le bonheur."
De même, un bien comme le bonheur ne saurait être un bien absolument, puisqu'il est variable en tout homme.
"Le sentiment particulier de plaisir et de déplaisir, propre à chacun, lui indique en quoi il doit placer son bonheur, et, même dans un seul et même sujet, ce choix dépend de la différence des besoins qui suivent les modifications de ce sentiment, ainsi une loi subjectivement nécessaire (comme loi naturelle), est objectivement un principe pratique tout à fait contingent, qui peut et doit être différent dans des sujets différents, qui partant, ne peut jamais fournir une loi, puisqu'il s'agit, dans le désir de bonheur, non de la forme de conformité à la loi (Gesetzmässigkeit), mais exclusivement de la matière, c'est-à-dire, de savoir si je dois attendre du plaisir et combien je dois en attendre de l'observation de la loi."
Le bonheur est un concept indéterminé : il n'a pas de règles pour être heureux. Une morale du bonheur ne peut donc pas s'exprimer par des préceptes de la raison, mais par de simples conseils.
Repères : Absolu / relatif
L'absolu (lat. absolutus, de ab, et solutus, délié = parfait, souverain) c'est ce qui, dans la pensée comme dans la réalité, ne dépend de rien d'autre que de soi et contient en soi-même sa raison d'être.
Le relatif, c'est ce qui est susceptible d'être mis en relation, ou en rapport, avec d'autres choses.
→ cf. texte de Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs, Première section, Chapitre 1.
Cette bonne volonté est "la condition indispensable qui nous rend dignes d'être heureux"[14].
Pour Kant, puisque c'est la volonté qui est morale, l'action morale ne dépend pas de la réussite ou non de mon action ; elle ne repose que sur une bonne volonté, c'est-à-dire sur le fait que j'ai voulu agir moralement. Si la bonne volonté est bonne en soi (ou absolument), c'est donc qu'elle ne doit pas être jugée par ses effets ou résultats, ou par le but qu'elle se fixe.
"[…] une action faite par devoir ne tire pas sa valeur morale du but qu'elle doit atteindre, mais de la maxime d'après laquelle elle est décidée"[15].
Par exemple : faire du bien à autrui est moral, mais ce n'est pas parce que je fais du bien à autrui que j'agis nécessairement de manière morale. Si je le fais parce que j'espère en retirer un profit personnel, mon action n'a rien de moral. Et si je le fais parce que j'aime autrui, mon action n'a rien non plus de moral.
→ cf. texte de Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs, Ire section, pp 89-90.
Ce qui compte donc dans l'action morale, ce n'est pas l'action elle-même, c'est l'intention qui nous anime.
→ c'est l'intention qui compte.
Autrement dit, ce qui fait la moralité d'une action, ce n'est pas son contenu (ce que je fais), c'est son intention ou encore sa forme (ce que je veux faire). De même, une action faite par devoir ne tire pas sa valeur morale du but qu'elle doit atteindre, mais de la maxime d'après laquelle elle a été décidée. Par conséquent, cette valeur ne dépend pas de la réalité de l'objet de l'action, mais simplement du principe d'après lequel la volonté se résout à cette action.
Kant ne situe pas le bien dans le terme de l'action humaine (le but), mais dans son origine, non pas dans son objet, mais dans son principe, non pas dans son résultat, mais dans son inspiration.
→ la valeur morale d'une action réside donc dans le principe de la volonté, c'est-à-dire le principe qui me fait vouloir quelque chose.
Remarque : la morale kantienne exige que l'on mette en œuvre tous les moyesn dont on peut disposer pour faire son devoir, et elle ne se contente pas d'un simple souhait intérieur ; la bonne volonté doit être attestée par une action effective.
La morale kantienne s'oppose aux morales conséquentialistes (morales que l'on regroupe sous le terme de conséquentialisme) qui soutiennent que ce sont les conséquences d'une action donnée qui doivent constituer la base de tout jugement moral de ladite action. Ainsi, d'un point de vue conséquentialiste, une action moralement juste est une action dont les conséquences sont bonnes. En d'autres termes, le conséquentialisme est le point de vue moral qui prend les conséquences pour seul critère normatif. (cf. plus bas, l'exemple de l'utilitarisme de John Stuart Mill).
→ cf. la distinction qu'opère Max Weber entre éthique de la responsabilité (conséquentialiste) et éthique de la conviction (déontologiste).
→ texte de Max Weber, Le savant et la politique,1919, tr. J. Freund, coll. 10/18, pp. 206-207.
La question qui se pose alors est la suivante : qu'est-ce qu'une "bonne volonté" ? Quel doit être le principe de la volonté ?
Pour Kant, ce principe réside dans le devoir. Selon lui, le concept du devoir contient en effet celui d'une bonne volonté, c'est-à-dire qu'une volonté est bonne si elle fait ce qu'elle doit faire. Autrement dit, une bonne volonté est une volonté qui est déterminée seulement par le devoir. Mais attention, comme nous l'avons déjà vu, ce qui compte dans la moralité, c'est l'intention ; ce qui compte c'est de vouloir faire son devoir (c'est la volonté qui est ici seule impliquée), et non seulement le faire. Pour Kant, agir moralement c'est agir par devoir (ce que Kant nomme aussi "moralité") et non uniquement conformément au devoir (ce que Kant nomme simplement "légalité"). Agir par devoir est ce qui seul donne une valeur morale à mon action ; dans le cas de l'action simplement conforme au devoir, on parlera uniquement de "rectitude morale". Kant appelle celui qui agit conformément au devoir un homme de bonnes mœurs ; celui-ci agit selon la lettrede la loi. Il appelle en revanche celui qui agit selon l'esprit de la loi, un homme moralement bon.
→ cf. texte de Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs, Deuxième section, § 1, pp. 111-112.
Le devoir est la nécessité de faire une action par respect pour la loi.
On peut en effet agir conformément au devoir mais en étant motivé par inclination, sympathie ou intérêt (il faut ici distinguer le devoir et le désir). Il y a donc plusieurs raisons d'agir :
On agit :
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par devoir
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par inclination
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par intérêt
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On recherche :
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le bien
(ce qui est bon)
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le plaisir
(ce qui est agréable)
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l'utilité
(ce qui est utile)
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Exemple : un chanteur participe au Téléthon parce qu'il vient de sortir un nouvel album, et que cela lui fait de la publicité. Il agit alors par intérêt, et non par devoir. Même si son action peut apparaître morale, elle est seulement conforme au devoir, mais il n'agit pas par devoir (son but n'est pas d'agir moralement).
Cela amène Kant à distinguer la loi morale d'une simple maxime.
"Toute chose dans la nature agit d'après des lois. Mais il n'y a que les êtres raisonnables qui aient la faculté d'agir d'après la représentation des lois, c'est-à-dire d'après des principes, ou qui aient une volonté[16]".
Maxime
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Loi
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Principe subjectif du vouloir
= considéré comme valable seulement pour la volonté d'un sujet particulier
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Principe objectif du vouloir
= considéré comme valable pour la volonté de toute être raisonnable
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→ la maxime doit s'égaler à la loi, c'est-à-dire que ce qui me motive subjectivement doit devenir un motif objectif. Or, cela ne peut se faire que par contrainte.
En effet, il y a souvent opposition entre ce que je désire, ce qui m'est utile, et ce que je dois faire. Par exemple, je dois arriver à l'heure en cours. Mais parfois, j'aimerais rester dans mon lit, et me lever nécessite alors un effort de ma part, car ce que j'ai à faire m'apparaît contraignant.
→ cf. texte deKant, Critique de la raison pratique, p. 30 et p. 32.
Deux cas sont donc possibles :
1. Celui d'une volonté entièrement rationnelle tout d'abord. Ici, la raison détermine inévitablement la volonté. Les actions reconnues comme objectivement nécessaires le sont aussi subjectivement. = volonté absolument bonne, ou volonté sainte.
2. Celui d'une volonté partagée entre la nature (inclinaisons, intérêts) et la raison. Ici, la raison détermine insuffisamment la volonté. Les actions reconnues comme objectivement nécessaires ne sont pas reconnues comme subjectivement nécessaires (elles sont contingentes). La volonté pourra tout au plus être pure.
Pour cette deuxième volonté, la loi morale apparaît donc comme une contrainte (ou plutôt une obligation) ; c'est pourquoi la loi commande sous la forme d'un impératif qui s'exprime par le verbe "devoir".
"La représentation d'un principe objectif en tant que contraignant pour une volonté s'appelle un commandement (de la raison), et la formule du commandement, un impératif"[17].
→ comme nous l'avons déjà vu, le devoir n'intervient que parce que spontanément on ne fait pas quelque chose.
En résumé, pour Kant, la moralité réside tout entière dans le devoir, c'est-à-dire dans le respect de la loi morale.
"Ce qui est essentiel dans la valeur morale des actions, c'est que la loi morale détermine immédiatement la volonté."
Question : quelle est cette loi à laquelle je dois obéir ? Autrement dit, quelle forme doit prendre l'impératif moral ?
Tous les impératifs sont exprimés par le verbe devoir, mais tous les impératifs n'ont pas même statut. Ils ordonnent en effet soit hypothétiquement, soit catégoriquement.
→ cf. texte de Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs (1785), Première section, pp124-125.
Impératifs hypothétiques
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Impératif catégorique (ou moral)
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Ils représentent la nécessité pratique d'une action possible, comme moyen pour quelque chose d'autre que l'on désire obtenir.
Ils se divisent en impératifs ou règles de l'habileté (que Kant appelle aussi problématiques ou techniques) et en impératifs ou conseils de la prudence (que Kant appelle aussi assertoriques ou pragmatiques), celle-ci étant l'habileté dans le choix des moyens qui peuvent nous conduire au plus grand bien-être, ou bonheur.
Ils relèvent de la raison pratique empirique, laquelle a pour but de trouver les moyens de satisfaire les désirs ou d'atteindre certaines fins propres aux désirs.
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Il ordonne immédiatement une certaine conduite, sans se rapporter à aucune fin.
Ils relèvent de la raison pure pratique, qui a pour but de déterminer les principes (moraux) selon lesquels agir.
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Les impératifs hypothétiques ne peuvent être moraux, car ils ne commandent pas absolument mais sont relatifs à une fin. Or, la loi morale ne peut posséder une fin en vertu de laquelle elle existe, puisque alors elle serait relative. Pour être universelle, il ne reste donc que la conformité des actions à la loi en général. Seul l' "impératif catégorique" est donc moral. Kant le formule ainsi (première formulation)
"Agis seulement d'après une maxime telle que tu puisses vouloir en même temps qu'elle devienne une loi universelle"[19].
→ si tout le monde agissait comme toi, pourrais-tu encore agir comme tu le fais ?
Si tout le monde ment, je ne peux plus mentir, car un mensonge est efficace uniquement si celui à qui je mens me fait confiance. Or, si tout le monde ment, personne ne fera plus confiance à personne.
Remarque : L'immoralité résulte du fait que tout en souhaitant que notre maxime devienne universelle, nous prenons la liberté de faire une exception en notre faveur :
"tout en voulant qu'un certain principe soit objectivement nécessaire, nous voulons que subjectivement ce principe cesse d'être universel"[20].
Après avoir montré quel doit être le contenu de l'impératif catégorique, il reste pour Kant à prouver "a priori que cet impératif existe réellement, qu'il y a une loi pratique qui commande par elle-même absolument et sans le secours d'aucun mobile, et que l'observation de cette loi est un devoir"[21]. En d'autres termes, il s'agit de montrer comment la volonté peut être déterminée par la raison seule, sans recours aucun à l'expérience.
D'après Kant, toute volonté se détermine par rapport à une fin (quand on veut, on veut toujours quelque chose). Or, quand cette fin est donnée par la raison seule, elle doit être la même pour tous les êtres raisonnables. Toutes les fins (les buts) que nous voulons atteindre, parce qu'elles sont les moyens d'assouvir nos désirs, ne sont que des fins relatives (à l'assouvissement de ces désirs). La fin de l'action morale se doit donc d'être une fin qui ne soit pas relative, mais absolue. Si l'impératif catégorique s'impose absolument à l'homme, c'est parce que sa fin est une fin en elle-même. L'impératif catégorique est à lui-même sa propre fin (contrairement aux impératifs hypothétiques qui sont des moyens en vue d'autre chose qu'eux-mêmes). Or, seul "l'homme, et en général tout être raisonnable, existe comme fin en soi, et non pas simplement comme moyen"
.
→ l'homme comme fin en soi est une personne et n'est pas seulement une chose. C'est pourquoi tout homme se doit d'être respecté.
→ Cf. texte Fondements de la métaphysique des mœurs, Deuxième section, § 25,
D'où une deuxième formulation de l'impératif catégorique :
"Agis de telle sorte que tu traites l'humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne d'autrui, toujours en même temps comme une fin et jamais seulement comme un moyen"[23].
Repères : Moyens / Fin
Le moyen est ce qui permet de réaliser le but que l'on vise. La fin est justement ce but.
Exemple : l'entraînement du sportif est le moyen pour lui d'obtenir la fin qu'il s'est fixée = gagner la compétition.
Traiter autrui toujours comme une fin, et jamais uniquement comme un moyen, c'est donc ne pas me servir d'autrui sans respecter sa liberté et sa dignité d'être humain. Par exemple, si je demande à quelqu'un de me rendre un service, sans m'inquiéter des efforts que cela va lui coûter, ou si cela est dangereux pour lui, etc. c'est considérer l'autre uniquement comme un moyen pour parvenir à mes fins. C'est donc immoral.
Remarque : la morale kantienne n'interdit pas de se servir d'autrui comme un moyen. Une telle interdiction rendrait la vie sociale impossible, puisqu'elle est faite de services rendus mutuellement, par lesquels chaque partenaire est le moyen des intérêts des autres. Mais ce qu'exige la morale kantienne, c'est que l'usage que nous faisons des autres puisse également rencontrer leur approbation.
Le devoir va alors donner sa dignité à l'homme. En effet, l'homme qui a une dignité, c'est celui qui agit par principes et qui ne se laisse influencer par rien dans ses décisions. Seule la loi morale me révèle ma liberté car en obéissant à la loi morale, je ne fais qu'obéir à moi-même[24], en tant que je suis un être raisonnable. Ma volonté, en tant qu'elle est la volonté d'un être raisonnable, s'institue comme "législatrice universelle".
"La volonté ne doit donc pas être considérée simplement comme soumise à une loi, mais comme se donnant à elle-même sa loi"[25].
C'est ce que Kant appelle l'autonomie de la volonté. Une volonté libre, et une volonté soumise à la loi, se déterminant elle-même d'après la loi, sont donc une seule et même chose.
Autonomie
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Hétéronomie
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Obéir à la loi que l'on se donne soi-même.
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Être soumis à une loi que je ne me suis pas donné
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Ex. : si, alors que je suis tout seul, et que personne ne me le demande, je mange avec un couteau et une fourchette, alors que je pourrais très bien manger avec mes doigts, c'est que j'obéis à une règle que je me donne à moi-même ; je suis alors autonome. Par contre, si je commence à manger avec mes doigts, et que ma mère me gronde et me commande de prendre ma fourchette, alors j'obéis à la règle que m'impose quelqu'un d'autre ; je suis alors hétéronome.
avoir le choix de condamner un innocent à mort pour se sauver soi-même (cf. Critique de la raison pratique, pp. 165-166).
Le respect de la morale prouve pour Kant la liberté humaine, et fait ainsi la dignité de l'homme. La dignité est ce dont la valeur est tellement grande qu'elle n'a pas de prix.
Problèmes : il y a une contradiction fondamentale dans la morale kantienne. Cette contradiction est explicitement énoncée par Kant comme "l'antinomie de la raison pratique". D'un côté en effet, la moralité exige le souverain bien comme l'union du bonheur et de la vertu. Mais, d'un autre côté, cette union est impossible puisque le bonheur relève de l'intérêt et non de la vertu, et que la vertu ne fait pas le bonheur. Kant en conclut alors que :
"Donc si le souverain bien est impossible d'après des règles pratiques, la loi morale, qui nous ordonne de travailler au souverain bien, doit être fantastique et dirigée vers un but vain et imaginaire, par conséquent être fausse en soi."
Par ailleurs, en voulant séparer la morale de tout motif, Kant pose le problème de la possibilité de l'action morale. En effet, comment peut-on vouloir quelque chose sans qu'aucun motif n'agisse sur la volonté ? Autrement dit, quel intérêt avons-nous à agir moralement (Kant en arrive à l'idée contradictoire d'un "intérêt désintéressé") ?
Kant lui-même avoue que cette question n'a pas de réponse :
"[…] il nous est absolument impossible, à nous autres hommes, d'expliquer pourquoi et comment l'universalité de la maxime comme loi, par conséquent la moralité, nous intéresse"[27].
et
"Ainsi, à la question de savoir comment un impératif catégorique est possible, tout ce qu'on peut répondre, c'est qu'on peut indiquer la seule supposition qui le rend possible, c'est-à-dire l'idée de la liberté, et en même temps apercevoir la nécessité de cette supposition ; et cela suffit pour l'usage pratique de la raison, c'est-à-dire pour nous convaincre de la valeur de cet impératif, et, par conséquent aussi, de la loi morale ; mais quant à savoir comment cette supposition elle-même est possible, c'est ce qui est au-dessus de toute raison humaine"[28].
C'est ce problème que semblent résoudre les morales du sentiment.
- La morale utilitariste (morale de l'intérêt)
On appelle morale utilitariste (ou utilitarisme), la doctrine morale qui se fonde sur le "principe d'utilité". Jérémy Bentham, l'un des fondateurs de l'utilitarisme, le définit ainsi :
"Par principe d’utilité on désigne un principe qui approuve ou désapprouve toute action, en fonction de son aptitude apparente à augmenter ou diminuer le bonheur de la partie dont l’intérêt est en jeu ; ou, ce qui revient au même mais en d’autres termes, à favoriser ou à contrarier ce bonheur. Je dis bien, de quelque action que ce soit, donc non seulement de chaque action d’un simple particulier, mais également de toute mesure d’un gouvernement."
On voit que ce principe peut être interprété de différentes manières, en fonction de l'interprétation que l'on fait de l'expression "de la partie dont l'intérêt est en jeu." On peut en effet considérer que cette "partie" se ramène à un seul individu, ou à un groupe d'individus (tous ceux qui seront affectés par l'action en question).
a. L'utilitarisme"égoïste" (ou hédonisme égoïste).
Le bonheur est recherché par tous les hommes. Pour Épicure (341-270 av. J.-C.), il est même l'idéal suprême de la vie. Or, le désir inassouvi entraîne le déplaisir ou la douleur et s'oppose au bonheur. Le désir insatisfait produit dans l'âme un trouble, alors que le bonheur repose sur un état de tranquillité durable, l'ataraxie. Épicure en tire la conclusion suivante : pour être heureux, il faut éviter d'avoir des désirs non satisfaits. L'homme doit donc à s'attacher à connaître et à régler ses désirs, en vue d'atteindre le plaisir et donc la vie heureuse.
→ Cf. Texte d'Épicure tiré de la Lettre à Ménécée.
Pour ce faire, Épicure distingue trois sortes de désirs, selon la nature de l'objet auquel ils se rapportent :
- les uns sont naturels et nécessaires, et sont les plus faciles à satisfaire (ex : boire). Toutefois, leur nécessité ne se ramène pas uniquement à des impératifs de survie; "les uns sont nécessaires pour le bonheur, les autres pour la tranquillité du corps, les autres pour la vie même" (LM, pp. 13-14).
- d'autres sont naturels et non nécessaires (ex : boire du vin)
- enfin les derniers, qui vont jusqu'à l'infini, ne sont ni naturels, ni nécessaires. Ils sont vains, c'est-à-dire impossibles à satisfaire, et n'ont pour origine que "l'ouvrage de la fantaisie et du caprice" (ex : l'amour, les richesses).
Si donc "tout plaisir, pris en lui-même et dans sa nature propre, est […] un bien" (LM, p. 14), il ne s'ensuit pas qu'il faille chercher tous les plaisirs de manière indifférenciée, car comme l'énonce Épicure :
"[…] ce n'est pas une suite ininterrompue de jours passés à boire et à manger, ce n'est pas la jouissance des jeunes garçons et des femmes, ce n'est pas la saveur des poissons et des autres mets que porte une table somptueuse, ce n'est pas tout cela qui engendre la vie heureuse, mais c'est le raisonnement vigilant, capable de trouver en toute circonstance les motifs de ce qu'il faut choisir et de ce qu'il faut éviter, et de rejeter les vaines opinions d'où provient le plus grand trouble des âmes[30]".
Ainsi, un plaisir peut être source d'un plus grand mal, de sorte qu'il sera à éviter, et inversement, un mal pourra être la source d'un bien plus grand encore, de sorte qu'il faudra le rechercher. L'atteinte du bonheur nécessite donc un calcul raisonné des désirs; il faut trouver la bonne mesure au-delà de laquelle le désir se commue en passion funeste et régler nos appétits sur elle, et donc le contenir dans les bornes que la nature lui assignées en l'alignant notamment sur le besoin corporel.
Cependant, Épicure admet à l'intérieur de la sphère des désirs naturels, la possibilité de jouir du superflu dans la mesure où il ne devient pas nécessaire et suscite aucune peine quand il vient à faire défaut. La vanité des désirs ne provient pas du fait qu'ils échappent à la règle du strict besoin, mais réside dans leur caractère passionnel, illimité.
® nécessité d'une certaine vertu ou sagesse, mais surtout reconnaissance du désir, sans le réduire au besoin.
Question : Peut-on adopter d'autres critères de hiérarchisation que ceux de permanence, de sécurité, et d'économie ?
Problème : la morale épicurienne est une morale purement égoïste. Si donc je me rends heureux (si je prends plaisir) en faisant souffrir les autres, alors mon action est morale, ce qui ne laisse pas de nous choquer.
b. L'utilitarisme au sens propre (au hédonisme universaliste)
Sans doute est-ce pour que les hommes n'aient plus à se préoccuper de leurs besoins que des penseurs comme Épicure ou Rousseau ont souhaité réduire les désirs aux besoins élémentaires. Mais il serait erroné d'en conclure que les besoins naturels et physiques sont les plus authentiquement humains. Tout au contraire, puisque l'humanité a commencé quand elle n'a plus seulement cherché à satisfaire les besoins primitifs qui la rattachaient à la nature animale : les désirs seront d'autant plus humains qu'ils seront moins primitifs et naturels. Ainsi, il existerait une hiérarchie des désirs, établie non pas sur leur faculté à être assouvis, mais reposant sur la valeur propre de leur objet.
Dans son livre sur L’utilitarisme, John Stuart Mill (1806-1873) rejoint Épicure, en ce sens qu’il hiérarchise les plaisirs, les plaisirs intellectuels étant selon lui supérieurs aux plaisirs de sens. Mais il s’en sépare pour deux raisons : d’une part parce qu’Épicure est un hédoniste égoïste et qu’il ne prend pas en compte le bonheur du plus grand nombre, d’autre part parce que Mill considère que certaines espèces de plaisirs sont plus désirables et plus précieuses que d’autres en elles-mêmes.
Mais avant tout : qu’est-ce que l’utilitarisme ?
® L’utilitarisme est cette doctrine morale selon laquelle l’intérêt particulier ou général (c’est-à-dire le bonheur) doit être la règle de nos actions :
"L'école qui accepte comme fondement de la morale le principe d'utilité ou du plus grand bonheur pose que les actions sont moralement bonnes (right) dans la mesure où elles tendent à promouvoir le bonheur, moralement mauvaises dans la mesure où elles tendent à produire le contraire du bonheur. Par "bonheur", on entend le plaisir et l'absence de douleur ; par "malheur", la douleur et la privation de plaisir[31]".
Ou encore :
"Par utilitarisme, nous entendons ici la théorie éthique selon laquelle est objectivement juste la conduite qui, dans certaines circonstances données, produira la plus grande somme de bonheur pour l'ensemble ; c'est-à-dire en prenant en compte tous ceux dont le bonheur est affecté par la conduite"[32].
Pour Mill, contrairement à Épicure par exemple, c'est le bonheur du plus grand nombre et non le bonheur de l'individu qui doit constituer la fin de toutes nos actions. Or, dans la mesure où il assimile le bonheur au sentiment de plaisir, il s'agit donc d'augmenter autant qu'il est possible la somme totale de plaisirs.
→ Cf. Texte de Mill, L'utilitarisme, pp. 31, 39 et 40-41.
Toutefois, cette somme de plaisirs ne coïncide pas avec la somme du plus grand nombre de plaisirs, mais avec celle des plaisirs de qualité plus élevés. La question se pose alors de savoir quels sont ces plaisirs de qualité plus élevée, et comment se justifie cette supériorité.
→ Cf. Texte de Mill, L'utilitarisme, p. 37.
Pour Mill, il n'existe qu'un seul critère pour hiérarchiser les plaisirs. Ce critère est empirique (tiré de l'expérience), et il consiste dans le jugement que nous portons nous-mêmes sur les différentes sortes de plaisirs :
"Si l'on me demande ce que j'entends par une différence de qualité entre des plaisirs, ou ce qui fait qu'un plaisir est plus précieux qu'un autre, en tant simplement que plaisir, mis à part le fait qu'il soit plus grand quantitativement, il n'y a qu'une réponse possible. Si, de deux plaisirs, il en est un auquel tous ceux, ou presque, qui ont expérimenté les deux accordent une nette préférence, sans qu'intervienne aucune obligation morale de le préférer, c'est ce plaisir-là qui est le plus désirable. Si l'un des deux est placé si haut au-dessus de l'autre par ceux qui ont l'expérience compétente des deux, au point qu'ils le préfèrent même en sachant qu'il est obtenu au prix d'un plus grand désagrément, et qu'ils n'y renonceraient en échange d'aucune quantité de l'autre plaisir, aussi grande que ce dont leur nature est capable, nous sommes justifiés d'attribuer à la satisfaction ainsi préférée une supériorité en qualité qui l'emporte tellement sur la quantité que celle-ci, en comparaison, ne compte guère".
Or, d'après Mill, il ne fait pas de doute sur le jugement que portent "ceux qui connaissent également bien l'un et l'autre modes de vie, et sont également capables de les apprécier et d'en tirer une satisfaction" : ils préfèrent les plaisirs qui font appel "à leurs facultés nobles" aux plaisirs simplement corporels. Ainsi, nul ne voudrait être changé en un animal inférieur en échange de la promesse de la quantité maximale des plaisirs de celui-ci.
Pour Mill, cet état de fait est dû à ce qu'il appelle un "sens de la dignité que tous les êtres humains possèdent", et il reproche à ceux qui supposeraient que cette préférence s'exerce au détriment du bonheur de confondre "deux idées extrêmement différentes, celle de bonheur et celle de satisfaction". Selon lui, l'homme doit reconnaître que le bonheur, quel qu'il soit, qu'il peut rechercher sera toujours imparfait, le monde étant ce qu'il est. Mais il peut apprendre à en supporter les imperfections, dans la mesure où elles sont supportables.
® accepter sa condition d'homme.
Deux questions se posent néanmoins :
1. Peut-on accepter la hiérarchie proposée par Mill ?
2. Est-il vrai que personne n'accepterait une somme maximale de plaisirs en changeant pour cela de condition ?
On peut mettre en doute le fait que le plaisir sexuel (qui est un plaisir "animal") soit moins grand que le plaisir par exemple de lire un livre (qui est un plaisir noble). Plus encore, le critère empirique de comparaison proposé par Mill est-il pertinent ?
® Ex. : le plaisir éprouvé à jouer aux jeux vidéos. Nous prenons un plaisir à jouer identique aujourd'hui qu'il y a cinq ans. Pourtant, si nous comparons le jeu auquel nous jouions il y a cinq ans à celui auquel nous jouons aujourd'hui, nous dirons avec évidence que le second est "mieux" que le premier. Ce jugement est dû au fait que nos attentes ont changé depuis, et que les progrès techniques les ont rendues plus grandes. Nous désirons toujours la même chose, mais il nous en faut plus pour atteindre la satisfaction.
Ainsi, à quelqu'un qui jouerait à un jeu vieux de cinq ans, nous dirions volontiers qu'il ne sait pas ce qui est bon, alors qu'en réalité, il éprouve autant de plaisir que nous à jouer. Pourtant, il est certain que si nous lui montrons le nouveau jeu, il délaissera l'ancien.
®relativité du désir. Le désir est un manque, or on ne peut désirer que ce que l'on n'a pas.
Ce qui importe ici, c'est de voir qu'un jugement "objectif" porté sur deux plaisirs différents (les deux joueurs seront d'accord pour dire que le jeu le plus récent est mieux que l'autre) n'en signifie pas pour autant que le plaisir pris dans un cas soit plus grand, ou qualitativement meilleur que dans l'autre cas. On ne peut donc pas réellement dire qu'un des plaisirs est supérieur à l'autre, car quelqu'un qui n'aurait jamais joué à un jeu vidéo prendrait autant de plaisir à jouer dans les deux cas. Ce qui est vrai, c'est que quelqu'un qui les expérimenterait en même temps choisirait effectivement le second. On ne peut donc juger les désirs qu'à l'aune de chaque individu pris singulièrement.
Cette conclusion nous conduit alors à la seconde question.
En se servant d'un argument empirique, Mill détruit l'universalité de son argumentation. Toute expérience en effet est par nature particulière, et on ne peut passer du particulier à l'universel.
Repères : Universel / Général / Particulier / Singulier
Une proposition est universelle quand elle vaut pour absolument tous les individus d'une classe considérée (Ex. : tous les hommes sont mortels, la somme des angles d'un triangle est égale à deux droits). Alors qu'une proposition générale peut admettre des exceptions, parce qu'elle est le fait d'une généralisation empirique qui peut toujours être démentie, la proposition universelle exclut tout exception.
Une proposition est particulière quand elle concerne une partie déterminée d'une classe (Ex. : certains hommes sont chauves), singulière quand la proposition s'applique à un sujet unique (Socrate est mortel).
Un cochon dont tous les besoins seraient comblés serait parfaitement heureux, ou du moins, si l'on conserve la distinction de Mill, entièrement satisfait. Mill se contredit donc lorsqu'il affirme qu'il vaut mieux être un humain satisfait plutôt qu'un pourceau satisfait. Si seule compte la somme totale de plaisir, alors cette affirmation est un non-sens du point de vue utilitariste. En fait, Mill est obligé pour sortir de ce non-sens, de faire intervenir l'idée de "dignité humaine", laquelle n'est pas proprement utilitariste.
®nous sommes enfermés dans notre subjectivité. Nous sommes des sujets humains.
Problème : l'utilitarisme légitime le sacrifice au nom du bonheur général. Il est donc moral de tuer quelqu'un, si ce meurtre permet l'augmentation de la somme de bonheur total des personnes concernées par cette action. Or, il nous paraît difficile de juger une telle action comme "morale".
III. Les critiques de la morale
"Prêcher la morale est difficile, fonder la morale est impossible."
Wittgenstein, Entretiens avec Waismann
- La relativité des valeurs, le relativisme éthique
"Car rien n'est bon ou mauvais en soi, tout dépend de notre pensée."
Shakespeare, Hamlet, (II, 2, 246-6)
Toutes les théories morales vues précédemment ont comme point commun de prétendre à l'universalité : ce qui est moral, ou bon, doit l'être pour tout homme, et pas seulement pour un individu ou un groupe d'individus. En d'autres termes, à la question : "Qu'est-ce qui est bon ? Ou qu'est-ce qui est moral ?", il ne peut y avoir qu'une seule et unique réponse. Le problème, c'est que de nombreux penseurs contestent l'idée que puisse exister un bien ou un mal absolus ; au contraire, ils considèrent que le bien est nécessairement relatif. Dans ce cas, il apparaît difficile de fonder une morale reposant sur des valeurs universelles.
→ Cf. Texte de Spinoza, Pensées métaphysiques, Première partie, p. 353.
→ Cf. Texte de Moritz Schlick, Questions d'éthique VI, 1, P.U.F., 2000, pp. 107-108.
De la relativité des valeurs, on aboutit à l'impossibilité d'une morale (ou éthique) entendue comme science, et donc capable de déterminer de manière rationnelle (et donc universelle) ce qui est moral ou immoral, bien ou mal. C'est notamment la conclusion que tire Bertrand Russell.
→ Cf. Texte de Russell, Science et religion, Chapitre IX, Folio essais, pp. 171-173.
+ texte de Russell, Science et religion, 1935, Folio essais, pp. 175-176.
Il faut donc distinguer entre le fait et la valeur, entre le jugement de fait et le jugement de valeur.
→ dichotomie "fait-valeur"
Le fait, c'est ce qui est, ce qui existe, et le jugement de fait se borne à constater ce qui est (on retrouve la différence entre l'être et le devoir-être, entre le descriptif et le prescriptif).
Exemple : "Les arbres ont perdu leurs feuilles" est un jugement de fait. Il décrit simplement une réalité.
La valeur, c'est la mesure du bien ou du mal associés à une chose, ce qui fait qu'une chose est désirable ou non. Le jugement de valeur se prononce donc sur l'aspect positif ou négatif d'une chose.
Exemple : "Le crime est un mal" ou "Il ne faut pas commettre de crime" sont des jugements de valeur.
→ Cf. Texte de Russell, Science et religion, Folio essais, pp. 176-177.
Remarque : dire qu'il existe une dichotomie entre faits et valeurs ne signifie pas qu'il n'existe aucune relation entre les deux. Deux types de relations au moins existent nécessairement :
- les jugements de valeur portent sur des faits (ex. : "Le crime est un mal.", "mal" exprime une valeur, mais le crime est quant à lui une réalité)
- les jugements de valeur ont pour but d'orienter les faits, de modifier la réalité (ex. : faire disparaître le crime).
On parle alors de relativisme éthique. Le relativisme éthique est la position de pensée qui consiste à dire qu'il n'est pas possible d'ordonner les valeurs morales grâce à des critères hiérarchiques de classement, purement rationnels. Autrement dit, il n'existe pas de vérité en matière morale.
Puisqu'il n'est pas possible de trouver de critère satisfaisants, toutes les valeurs morales se valent, et on ne peut pas considérer que les valeurs morales d'une société donnée sont supérieures ou inférieures à celles d'une autre société.
Problème : le relativisme éthique aboutit à l'impossibilité de critiquer un système de valeurs qui apparaît pourtant révoltant (on doit par exemple accepter la lapidation comme le résultat d'un système de valeurs simplement différent, mais pas "plus mauvais", que notre système de valeurs).
Gould :
"Ceux qui invoquent Darwin pour étayer une vision politique ou morale particulière devraient se rappeler que la biologie évolutive peut au mieux nous donner une idée d'une anthropologie morale – pourquoi certains (ou la plupart des) peuples adoptent certaines valeurs, éventuellement pour leur avantage évolutif. Mais la science ne peut décider de la valeur morale d'une morale."
- La morale comme convention sociale
Les valeurs morales étant relatives, il faut donc en conclure que ce qui est défendu comme des valeurs universelles ne sont en fait que le produit d'une convention sociale.
"Nous pouvons donc dire que la morale est un système de règles d’action qui prédéterminent la conduite. Elles disent comment il faut agir dans des cas donnés ; et bien agir, c’est bien obéir."
Durkheim – L'éducation morale (2ème leçon)
Cf. Nietzsche, Freud, Norbert Elias.
- La critique du sens commun moral
Pour soutenir leur position, les philosophes s’appuient souvent sur l’idée que les éléments de base postulés sont évidents ou relèvent du sens commun.
Mais un nombre croissant de données empiriques sur la psychologie morale humaine contredit l’existence d’intuitions morales partagées. Ces données sont fournies par la « trolleybusologie » (Appiah, 2008) :
*1ère expérience : vous êtes le témoin de la scène qui va suivre. Un trolleybus dont les freins ne fonctionnent plus se dirige à une vitesse effrénée sur la voie que cinq randonneurs sont en train de traverser. À côté de vous se trouve un aiguillage, avec une manette, qui permet de changer la trajectoire du trolleybus. En appuyant sur la manette, on peut changer la trajectoire du trolleybus. Mais, ce faisant, le trolleybus se dirigera sur une autre voie sur laquelle un cheminot en train de faire des réparations, qui sera à coup sûr écrasé par le cheminot. Choisissez-vous de tirer la manette ?
*2nde expérience : le même trolleybus avance en direction des randonneurs. Cette fois-ci, vous êtes à côté d’un gros homme, sur une passerelle qui surplombe la voie. Si on pousse l’homme sur la voie, il arrêtera le trolleybus, sauvant ainsi la vie des cinq randonneurs. Choisissez-vous de pousser le gros homme ?
Le sens commun conduit à des jugements contradictoires, car une majorité des sujets interrogés choisissent de sacrifier l’homme seul, mais une majorité refuse de pousser le gros homme sur la voie.
Greene et ses collègues (2001), lors des expériences sur le trolleybus, ont scanné, à l’aide de la technique d’imagerie cérébrale, les cerveaux des sujets interrogés. Les résultats de l’expérience montrent que l’engagement émotionnel influence les jugements moraux : pousser un homme provoque des réactions émotionnelles plus fortes que le simple fait d’appuyer sur les boutons d’une manette.
Les théoriciens de l’évolution peuvent expliquer ce type de phénomène. À l’époque où les instincts sociaux se sont formés, les êtres humains vivaient en petites communautés, dans lesquelles il était important d’aider les membres de ce groupe, les personnes proches. Il est donc très probable que des mécanismes émotionnels altruistes se soient mis en place en faveur des individus qu’on côtoie. En fonction de cette explication, il est compréhensible que nous ayons des difficultés à accepter de pousser un individu sur une voie.
Une telle explication oblige à renoncer au fondement sur le sens commun, mais surtout à reconnaître que les critères pertinents en morale dépendent du mode de vie de l’espèce.
- Le syncrétisme moral
Dans un livre intitulé Après la vertu, publié en 1981, Alasdair MacIntyre soutient que les sociétés modernes n'ont hérité aucune tradition du passé, mais simplement des fragments de traditions souvent incompatibles entre elles, fragments incarnant les convictions de l'homme moral moderne. Ainsi, selon lui, nous sommes "platoniciens perfectionnistes" en récompensant largement les médaillés des Jeux olympiques, "utilitaristes" dans bien des circonstances de la vie où il s'agit de distribuer des ressources rares, "lockéens" quand nous affirmons la valeur absolue du droit de propriété, "chrétiens" lorsque nous reconnaissons l'importance de la charité, de la compassion et de l'égalité de tous les hommes en valeur morale ; enfin, que nous sommes "kantiens" en exigeant de fonder la morale sur l'autonomie personnelle.
Bibliographie
- Apel, L'Éthique à l'âge de la science
- Aristote, Éthique à Eudème*
- Aristote, Éthique à Nicomaque*
- Bergson, Les Deux sources de la morale et de la religion
- Monique Canto-Sperber et Ruwen Ogien, La philosophie morale*
- Dewey, The moral writings
- Habermas, Théorie de l'agir communicationnel
- Habermas, Morale et communication
- Hume, Enquête sur les principes de la morale
- Hume, Traité de la nature humaine
- Hans Jonas, Le Principe Responsabilité*
- Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs*
- Kant, Critique de la raison pratique*
- Kant, Leçons d'éthique
- Malebranche, Traité de morale, in Œuvres II
- Mill, L'utilitarisme*
- G. E. Moore, Principia ethica*
- Nietzsche, La Généalogie de la morale*
- Nietzsche, Par-delà le bien et le mal*
- Rousseau, Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes*
- Scheler, Le Formalisme éthique et l'éthique matériale des valeurs
- Moritz Schlick, Questions d'éthique*
- Schopenhauer, Le Fondement de la morale*
- Henry Sidgwick, The Methods of Ethics*
- Spencer, Qu'est-ce que la morale ?
- Weber, La vocation de l'homme politique*
- Wittgenstein, Leçons et conversations*
[1] Kant appelle "morale" la partie rationnelle de l'éthique, et "anthropologie pratique" sa partie empirique.
[2] Henry Sidgwick, The methods of Ethics, p. 15.
[3] Théorie générale des normes, Note 87, tr. fr. Olivier Béaud et Fabrice Malkani, PUF, 1996, p. 443.
[4] Critique de la raison pratique, p. 37.
[5] Fondements de la métaphysique des mœurs, Deuxième section, § 46, p. 60.
[6] Parmi les philosophes tenants de la morale du sentiment, on peut citer : Shaftesbury, Hutcheson, Hume, Adam Smith, Rousseau, Schopenhauer.
[7] Fondements de la métaphysique des mœurs, Préface, p. 9.
[8] D'un ton seigneur adopté naguère en philosophie, 1796, trad. V Delbos, Éd. Delagrave, p. 136.
[9] Fondements de la métaphysique des mœurs, Première section, Bordas, Les œuvres philosophiques, p. 15.
[10] Critique de la raison pratique, Première partie, Livre premier, Chapitre III, p. 89.
[11] Fondements de la métaphysique des mœurs, Première section, Bordas, Les œuvres philosophiques, p. 19.
[12] Ibid., Deuxième section, § 21, p. 44.
[13] Critique de la raison pratique, PUF, 1997, pp. 24-25.
[14] Fondements de la métaphysique des mœurs, Première section, p. 15.
[15] Ibid., paragraphe 14.
[16] Fondements de la métaphysique des mœurs, Deuxième section, § 12. On retrouve ici la distinction qu'opérait Rousseau. Les phénomènes naturels (et parmi eux les animaux par exemple) obéissent à des lois de façon nécessaire; il ne peut donc y avoir pour eux de volonté ou de liberté, et par conséquent pas de devoir.
[17] Fondements de la métaphysique des mœurs, Deuxième section, § 13.
[18] Critique de la raison pratique, Première partie, Livre premier, Chapitre III, p. 75.
[19] Fondements de la métaphysique des mœurs, Deuxième section § 31.
[24] Cf. Rousseau, Du contrat social, livre I, chap. VIII, "De l'état civil" : "L'impulsion du seul appétit est esclavage et l'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite est liberté".
[25] Fondements de la métaphysique des mœurs, Deuxième section, § 55.
[26] Pour résoudre cette antinomie de la raison pratique, Kant va devoir faire appel, comme il l'avait fait dans sa Critique de la raison pure, à la distinction entre un monde sensible (phénoménal) et un monde intelligible (nouménal), où la vertu pourrait prétendre au bonheur éternel. Kant est donc amené à postuler l'immortalité de l'âme.
[27] Fondements de la métaphysique des mœurs, Troisième section, § 31.
[29] Introduction aux principes de morale et de législation, 1780, Chapitre 2.
[30] Lettre à Ménécée, pp. 15-16.
[31] Mill, L'utilitarisme, 1861, trad. C. Audard, PUF, Paris, 1998, p. 31.
[32] Sidgwick, The Methods of Ethics, Book IV, Chapter I, The meaning of utilitarianism, p. 411.
[33] Antilopes, dodos et coquillages, Points Seuil, 2008, p. 480.