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Texte à méditer :  La raison du plus fort est toujours la meilleure.
  
La Fontaine
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Hors des sentiers battus
Comment définir le langage ?
  "§. 1. L'homme a des organes propres à former des sons articulés.
  Dieu ayant fait l'homme pour être une créature sociable, non seulement lui a inspiré le désir, et l'a mis dans la nécessité de vivre avec ceux de son espèce, mais de plus lui a donné la faculté de parler, pour que ce fût le grand instrument et le lien commun de cette manière qu'ils sont propres à former des sons articulés que nous appelons des mots. Mais cela ne suffisait pas pour faire le langage ; car on peut dresser les perroquets et plusieurs autres oiseaux à former des sons articulés et assez distincts, cependant ces animaux ne sont nullement capables de langage.
  §. 2. Afin de se servir de ces sons pour être signes de ces idées.
   Il était donc nécessaire qu'outre les sons articulés, l'homme fût capable de se servir de ces sons comme de signes de conceptions intérieures, et de les établir comme autant de marques des idées que nous avons dans l'esprit, afin que par là les hommes pussent s'entre-communiquer les pensées qu'ils ont dans l'esprit."

 

John Locke, Essai sur l'entendement humain, 1689, Livre III, chapitre 1, § 1-2, tr. fr. Pierre Coste, Le Livre de Poche, 2009, p. 611.


 

 "Le terme de « langage » est parfois appliqué en éthologie de manière relativement vague, pour désigner tout type de signalisation complexe qui permet à un récepteur d'identifier correctement le contenu du message. Pris au sens strict, ne constitue un langage que ce qui satisfait à plusieurs conditions. C'est un ensemble de formules : 1) organisées par une grammaire - les formules sont composées de termes discrets, combinables selon des règles syntaxiques ; 2) pourvues d'une interprétation – elles expriment des faits du monde, et peuvent être vraies ou fausses. Enfin on considère souvent (mais pas toujours : le concept de langage peut être défini indépendamment de la fonction de communiquer) que tout langage répond à une condition pragmatique - touchant à la manière d'utiliser ses formules. Il n'y a langage (en ce sens) que si le récepteur comprend le contenu du signal comme l'expression de l'intention qu'a l'émetteur que le récepteur reconnaisse son intention présente de communiquer. Cette condition compliquée revient à dire qu'un échange de signaux codés ne peut suffire à former un langage ; pour qu'il y ait langage, le récepteur doit être capable d'inférer, à partir du message littéralement transmis et des circonstances de l'énonciation, l'intention avec laquelle le locuteur produit ce message dans le contexte particulier où il est émis. Le langage est donc bien davantage que l'exploitation d'un code commun à l'émetteur et au récepteur; il suppose la compréhension de l'intention qui préside à l'envoi du message."
 
Joëlle Proust, Les animaux pensent-ils ?, Bayard, 2003, p. 66-67.

 
 "Le terme « langage » possède une acception très large qui s'applique à tout mode de communication entre des individus d'une même espèce ou appartenant à des espèces différentes. C'est ainsi que la célèbre « danse des abeilles », mise en évidence par Karl von Frisch devient le « langage des abeilles ». On parle du langage sexuel des phéromones, du langage des attitudes du corps, du langage des mimiques, etc. On utilise également le mot « langage » à propos de la diversité des modes d'expression artistique des cultures humaines. Les « langages » forment ainsi un large spectre qui recouvre tout l'éventail des relations entre signifiants et signifiés, des communications par signes ou utilisant des symboles. Nous ne nous intéresserons ici qu'au langage articulé.
 Nous pouvons néanmoins donner une définition simple du mot « langage » en nous référant à sa fonction : c'est un mode de communication symbolique basé sur des sons articulés - les phonèmes - dont les associations produisent des unités formelles de sens - les morphèmes ou monèmes. La relation structurale entre ces deux niveaux s'appelle « double articulation ». Ces morphèmes donnent des « mots » dont l'ordonnance dans la phrase livre un sens qui dépend de la syntaxe. Celle-ci repose sur une grammaire. Enfin la signification complète ou sémantique dépend en partie du contexte.
Exemple :
Les chimpanzés apprennent le langage par signes des hommes.
Les hommes apprennent le langage par signes des chimpanzés.
 Ces deux phrases se composent des mêmes mots. Dans la première, on se réfère aux recherches en laboratoire dans lesquelles des grands singes apprennent un langage à l'aide de gestes ou de symboles dans un échange actif hommes/grands singes ; dans l'autre phrase, on évoque des chercheurs ou des éthologues qui observent passivement les modes de communication des grands singes, au sein de leurs communautés, en semi-captivité ou dans la nature.
 Inversement, deux phrases composées de mots qui diffèrent peuvent signifier la même chose.
Exemple :
Le chimpanzé mange la banane.
La banane est mangée par le chimpanzé.
On oublie souvent une autre caractéristique du langage, celle de la prosodie : la même phrase prend un sens différent ou livre des impressions variées selon le rythme, l'intonation, la mélodie, etc. La poésie, le théâtre, la comédie, le chant, l'art lyrique, la dramaturgie, la vie politique, le journalisme en utilisent largement toutes les facettes.
Exemple:
Les chimpanzés ont des cultures !
Les chimpanzés ont des cultures ?
 Comme nous nous exprimons ici par le biais de l'écriture, le ton est donné par les points d'exclamation et d'interrogation. Ces deux phrases, semblables, transcrivent des prosodies induisant des sens très distincts. Dans la première, le locuteur donne une information ou confirme une information ; dans la seconde, il est surpris ou émet un doute. On peut s'amuser à construire un échange avec ces deux seules phrases dans un dialogue polémique ne jouant que sur la prosodie.
 Une inflexion marquée à un endroit ou à un autre d'une même phrase peut donner des sens radicalement opposés, comme le montre cet exemple célèbre d'un condamné à mort qui attend d'être exécuté ou gracié.
Le monarque envoie le message suivant aux geôliers, avec le soin de placer la virgule, donc l'intonation, à l'endroit qu'ils estiment pertinent :
Exécution impossible remettre.
 On voit combien le langage peut être source de malentendus, des plus drôles aux plus dramatiques.
 Le langage est un mode de communication très complexe à la fois dans sa conception par l'émetteur et dans sa compréhension par le ou les récepteurs. Il implique le cerveau pour son élaboration et sa compréhension ; et, pour sa production, il mobilise l'appareil phonatoire, c'est-à-dire la cage thoracique, le larynx et la cavité buccale - dont la langue et les lèvres ; et l'appareil auditif pour sa perception."
 
Pascal Picq, "Les temps de la parole", in Les origines du langage, 2010, Le Pommier, p. 12-16.
 

Date de création : 21/09/2012 @ 09:29
Dernière modification : 22/01/2021 @ 09:45
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