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Texte à méditer :  

Là où se lève l'aube du bien, des enfants et des vieillards périssent, le sang coule.   Vassili Grossman


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Hors des sentiers battus
La fonction narrative du langage
 "Raconter une histoire, c'est le plus souvent s'extraire de la situation présente pour introduire un autre cadre spatio-temporel, y faire surgir des personnages réels ou imaginaires, les faire vivre, agir, penser, parler sur une espèce de « scène verbale » que l'on dresse devant son auditoire, en déroulant, plus ou moins vite selon les besoins, le fil d'une temporalité que l'on maîtrise entièrement et que l'on met au service de la dynamique des événements qui se succèdent sur cette scène, qui peut elle-même, à son tour, se déplacer pour suivre un acteur ou une intrigue, jusqu'au bout du monde s'il le faut. Bref, on l'aura compris, la fonction narrative  nécessite de manière impérative l'utilisation de toute la complexité de nos langues, qui se révèlent d'ailleurs étonnamment adaptées à cet exercice.
 Il faut noter que la fonction narrative recouvre une gamme d'emplois extrêmement vaste. D'abord, bien sûr, elle sert à fournir de l'information factuelle dès que l'on cherche à informer sur un événement qui n'est pas directement lié à la situation présente, parce qu'il se situe dans le passé et/ou dans un autre cadre spatial. En ce sens, elle présente un certain recouvrement avec la fonction événementielle […]. Mais, au-delà, la fonction narrative a bien d'autres usages : depuis les contes pour enfants et les mythes d'origine jusqu'au récit de rêves et aux romans de science-fiction, elle « informe » en un tout autre sens : en formant les esprits à exercer leur imaginaire, à se projeter dans la vie d'individus éloignés dans le temps et dans l'espace, à appréhender la profondeur et la richesse des sentiments de leurs congénères, à décrypter les pulsions et les motivations de leurs actes, à comprendre pourquoi certains comportements sont jugés admirables et d'autres entraînent une réprobation générale... Bref, la narration a joué et joue toujours un rôle fondamental dans la mise en place et le renouvellement permanent du monde culturel qui caractérise toutes les sociétés humaines. Raconter des histoires, loin de n'être qu'une activité anecdotique réservée au loisir, est au cœur même de la structuration de ces sociétés, dans la mesure où elles reposent avant tout sur le partage de valeurs culturelles communes.
 Notamment, comme l'ont fait remarquer un certain nombre de spécialistes d'anthropologie sociale, et au premier chef René Girard, qui a particulièrement insisté sur ce point, la narration est au cœur de l'établissement des lois qui régissent les comportements sociaux dans toutes les sociétés. […]
 Faire partie d'une société humaine, c'est adhérer, le plus souvent sans réserve, à des histoires qui racontent l'origine du groupe social et qui définissent du même coup les comportements qui scellent l'appartenance à ce groupe. Tous les mythes et religions fondent les interdits sur des récits mettant en scène des personnages sacrés (ancêtres ou dieux) qui violent précisément ces interdits. Dans pratiquement toutes les cultures, on raconte des actes terribles de frères qui tuent leurs frères, de fils qui tuent leur père pour prendre sa place, de pères qui mangent leurs enfants…"
 
Bernard Victorri, "À la recherche de la langue originelle", in Les origines du langage, Le Pommier, 2010, p. 106-109.

Date de création : 17/10/2012 @ 09:16
Dernière modification : 17/10/2012 @ 09:16
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