"Quelqu'un, en certaine école grecque, parlait haut, comme moi ; le maître des cérémonies lui manda qu'il parlât plus bas : « Qu'il m'envoie, fit-il, le ton auquel il veut que je parle ». L'autre lui répliqua qu'il prit son ton des oreilles de celui à qui il parlait. C'était bien dit, pourvu qu'il s'entende : « Parlez selon ce que vous avez affaire à votre auditeur ». Car si c'est-à-dire : « Il suffit qu'il vous entende » ou « réglez-vous sur lui », je ne trouve pas que ce fut raison. Le ton et mouvement de la voix a quelque expression et signification de mon sens : c'est-à-moi de le conduire pour me faire comprendre. Il y a voix pour instruire, voix pour flatter, ou pour tancer. Je veux que ma voix, non seulement arrive à lui, mais aussi qu'elle le frappe et le perce [...] La parole est moitié à celui qui parle, moitié à celui qui écoute."
Montaigne, Essais, III, 13, GF-Flammarion, 1969, p. 298-299.