* *

Texte à méditer :  Il n'est pas contraire à la raison de préférer la destruction du monde à une égratignure de mon doigt.  David Hume
* *
Figures philosophiques

Espace élèves

Fermer Cours

Fermer Méthodologie

Fermer Classes préparatoires

Espace enseignants

Fermer Sujets de dissertation et textes

Fermer Elaboration des cours

Fermer Exercices philosophiques

Fermer Auteurs et oeuvres

Fermer Méthodologie

Fermer Ressources en ligne

Fermer Agrégation interne

Hors des sentiers battus
L'histoire de l'art, l'art et le temps

  "C'est pour l'écrivain une surprise toujours renouvelée que son livre continue à vivre de sa vie propre dès qu'il s'est détaché de lui : il a l'impression qu'aurait un insecte dont une partie se serait séparée pour aller désormais son chemin à elle. Il se peut qu'il l'oublie presque complètement, qu'il s'élève au-dessus des idées qu'il y a mises, qu'il ne la comprenne même plus et qu'il ait perdu ces ailes dont le vol l'emportait du temps qu'il méditait ce livre : celui-ci cherche cependant ses lecteurs, allume la vie, inspire la joie, l'effroi, engendre de nouvelles oeuvres, devient l'âme de quelques desseins, de certains actes - il vit comme un être doué d'âme et d'esprit et n'est pourtant pas une personne."
 

Nietzsche, Humain, trop humain, 1878, IV, "De l'âme des artistes et des écrivains", aphorisme 208.


  "Le travail scientifique est solidaire d'un progrès. Dans le domaine de l'art au contraire il n'en existe pas, du moins en ce sens. Il n'est pas vrai qu'une oeuvre d'art d'une époque donnée, qui met en oeuvre de nouveaux moyens techniques ou encore de nouvelles lois comme celles de la perspective, serait pour ces raisons artistiquement supérieure à une autre oeuvre d'art qui ignorerait ces moyens et lois, à condition évidemment que sa matière et sa forme respectent les lois mêmes de l'art, ce qui veut dire à condition que son objet ait été choisi et formé selon l'essence même de l'art bien que ne recourant pas aux moyens qui viennent d'être évoqués. Une oeuvre d'art vraiment « achevée » ne sera jamais surpassée et ne vieillira jamais. Chaque spectateur pourra personnellement apprécier différemment sa signification, mais jamais personne ne pourra dire d'une oeuvre vraiment « achevée » du point de vue artistique qu'elle a été « surpassée » par une autre oeuvre également « achevée ». Dans le domaine de la science au contraire chacun sait que son oeuvre aura vieilli d'ici dix, vingt ou cinquante ans. Car quel est le destin, ou plutôt la signification à laquelle est soumis et subordonné, en un sens tout à fait spécifique, tout travail scientifique, comme d'ailleurs aussi tous les autres éléments de la civilisation qui obéissent à la même loi ? C'est que toute oeuvre scientifique « achevée » n'a d'autre sens que celui de faire naître de nouvelles « questions » : elle demande donc à être « dépassée » et à vieillir. Celui qui veut servir la science doit se résigner à ce sort. Sans doute les travaux scientifiques peuvent garder une importance durable comme « jouissance » en vertu de leur qualité esthétique on bien comme instrument pédagogique dans l'initiation à la recherche. Mais dans les sciences, je le répète, non seulement notre destin, mais encore notre but à nous tous est de nous voir un jour dépassés. Nous ne pouvons accomplir un travail sans espérer en même temps que d'autres iront plus loin que nous. En principe ce progrès se prolonge à l'infini."
 

Max Weber, « Le métier et la vocation de savant » (1919), in Le savant et le politique, tr. J. Freund, coll. 10/18, p. 87-88.

 

  "Ce qui ne va pas en art dans ce pays aujourd'hui, et apparemment en France aussi, c'est qu'il n'y a pas d'esprit de révolte - pas d'idées nouvelles naissant chez les jeunes artistes. Ils marchent dans les brisées de leurs prédécesseurs, essayant de faire mieux que ces derniers. En art, la perfection n'existe pas. Et il se produit toujours une pause artistique quand les artistes d'une période donnée se contentent de reprendre le travail d'un prédécesseur là où il l'a abandonné et de tenter de continuer ce qu'il faisait.

D'autre part, quand vous choisissez quelque chose appartenant à une période antérieure et que vous l'adaptez à votre propre travail, cette démarche peut être créatrice. Le résultat n'est pas neuf : mais il est nouveau dans la mesure où il procède d'une démarche originale.

  L'art est produit par une suite d'individus qui s'expriment personnellement ; ce n'est pas une question de progrès. Le progrès n'est qu'une exorbitante prétention de notre part."

 

Marcel Duchamp, Du champ du signe, 1975, « Champs », Flammarion, 1994.


 

  "Mais je me contenterai d'indiquer ici qu'une des tâches principales de l'histoire de l'art serait de décrire la genèse d'un champ de production artistique capable de produire l'artiste (par opposition à l'artisan) en tant que tel. Il ne s'agit pas de se demander, comme l'a fait jusqu'ici, obsessionnellement, l'histoire sociale de l'art, quand et comment l'artiste s'est dégagé du statut d'artisan. Mais de décrire les conditions économiques et sociales de la constitution d'un champ artistique capable de fonder la croyance dans les pouvoirs quasi divins qui sont reconnus à l'artiste moderne. Autrement dit, il ne s'agit pas seulement de détruire ce que Benjamin appelait le « fétiche du nom du maître ». (C'est là un de ces sacrifices faciles auxquels s'est souvent laissé prendre la sociologie. comme la magie noire, l'inversion sacrilège enferme une forme de reconnaissance du sacré. Et les satisfactions que donne la désacralisation empêchent de prendre au sérieux le fait de la sacralisation et du sacré, donc d'en rendre compte). Il s'agit de prendre acte du fait que le nom du maître est bien un fétiche et de décrire les conditions sociales de possibilité du personnage de l'artiste en tant que maître, c'est-à-dire en tant que producteur de ce fétiche qu'est l'oeuvre d'art. Bref, il s'agit de montrer comment s'est constitué historiquement le champ de production artistique qui, en tant que tel, produit la croyance dans la valeur de l'art et dans le pouvoir créateur de valeur de l'artiste. Et l'on aura ainsi fondé [...] que le « sujet » de la production artistique et de son produit n'est pas l'artiste mais l'ensemble des agents qui ont partie liée avec l'art, qui sont intéressés par l'art, qui ont intérêt à l'art et à l'existence de l'art, qui vivent de l'art et pour l'art, producteurs d'oeuvres considérées comme artistiques (grands ou petits, célèbres, c'est-à-dire célébrés, ou inconnus), critiques, collectionneurs, intermédiaires, conservateurs, historiens de l'art, etc."

 

Pierre Bourdieu, « Mais qui a créé les créateurs ? », in Questions de sociologie, Éd. de Minuit, 1980, p. 220-221.



Date de création : 07/12/2005 @ 20:53
Dernière modification : 02/01/2014 @ 14:46
Catégorie :
Page lue 6542 fois


Imprimer l'article Imprimer l'article

Recherche



Un peu de musique
Contact - Infos
Visites

   visiteurs

   visiteurs en ligne

^ Haut ^