|
|
|
|
|
La démarche déductive |
|
"On peut observer dans la nature deux types de régularité à savoir les régularités nécessaires et des régularités accidentelles. Si des lois sont formulées sur la base de régularités accidentelles et que celles-ci sont utilisées pour formuler des explications, le problème est alors que le modèle D-N [Déductif-Nomologique[1]], qui ne tient par lui-même pas compte de la distinction entre régularités accidentelles et régularités nécessaires, est amené à accepter de telles explications car celles-ci sont basées sur un argument somme toute valide. Or, même si les régularités contingentes permettent de faire des prédictions, il est généralement admis qu'elles ne peuvent pas fonder de véritables explications. Comparez par exemple les deux régularités suivantes : « Tous les cubes en or ont des arêtes d'une longueur de moins de 20 mètres » et « Tous les cubes en uranium ont des arêtes d'une longueur de moins de 20 mètres ». La première régularité est correcte mais juste accidentellement : étant donné que plus de 155 000 tonnes d'or ont été extraites dans l'histoire, l'existence d'un cube plus grand est en théorie parfaitement possible. Cette possibilité est ici une possibilité nomologique : l'existence d'un cube en or de ces dimensions n'est pas en conflit avec les lois de la physique. C'est juste pour des raisons contingentes que personne n'a construit un tel cube en or. Par contre, la deuxième régularité est correcte pour des raisons non accidentelles, pour des raisons physiques liées à la stabilité des configurations d'atomes d'uranium. Plus précisément, il est possible de dire que c'est physiquement nécessaire que les cubes en uranium ne dépassent pas une certaine taille. Physiquement nécessaire signifie ici que la régularité qui est vraie dans notre monde est vraie aussi dans tous les mondes possibles qui possèdent les mêmes lois que notre monde.
En considérant un cube quelconque, il est donc possible de prédire ou d'expliquer pourquoi il possède des arêtes d'une longueur de moins de 20 m s'il s'agit d'un cube en uranium, ce qui ne sera pas possible, ou en tout pas de la même façon, pour des cubes en or. Il est impossible de prédire que nous ne fabriquerons jamais un cube en or avec des arêtes d'une longueur de 20 m. Le fait que tous les cubes en or connus à ce jour soient plutôt petits n'est pas, semble-t-il, expliqué par la régularité mentionnée mais plutôt par d'autres éléments comme le contexte social et économique par exemple. En résumé, sans disposer d'un critère qui permette de distinguer les régularités accidentelles des lois de la nature, le modèle nomologico-déductif n'impose pas des contraintes suffisamment fortes pour garantir la pertinence d'une explication."
Christian Sachse, Philosophie de la biologie, 2011, Presses polytechniques et universitaires romandes, p. 112-113.
[1] Explanans = lois générales + conditions particulières, Explanandum = prédictions particulières
Date de création : 02/03/2013 @ 16:23
Dernière modification : 02/03/2013 @ 16:23
Catégorie :
Page lue 7017 fois
|
|
|
|
| |