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Texte à méditer :  Avant notre venue, rien de manquait au monde ; après notre départ, rien ne lui manquera.   Omar Khayyâm
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Hors des sentiers battus
Liberté et nouveauté/imprévisibilité

  "Pragmatiquement, le libre arbitre signifie de la nouveauté dans le monde, le droit d'attendre que, dans ses éléments les plus profonds ainsi que dans les phénomènes de surface, l'avenir ne répète pas à l'identique, ne reproduise pas le passé. Que les choses globalement se répètent, personne ne peut le nier. « L’uniformité de la nature » est inscrite dans ses moindres lois. Mais il se peut que l'uniformité de la nature ne soit qu'approximative. Et les personnes chez qui la connaissance du passé a suscité du pessimisme (ou des doutes quant à la bonté de l'univers, qui deviennent certitudes dès lors qu'on suppose qu'il est immuable) apprécieront le caractère mélioriste de la doctrine du libre arbitre. Pour elle, la perfectibilité est au moins possible, tandis que le déterminisme voudrait nous faire croire que la notion même de possibilité nous vient tout bonnement de notre ignorance, et que seules la nécessité et l'impossibilité président aux destinées du monde.
  Le libre arbitre est donc une théorie cosmologique générale de la promesse, au même titre que l'Absolu, Dieu, l'Esprit ou le Dessein. Dans l'abstrait, aucun de ces termes ne renferme un quelconque contenu, aucun ne nous donne la moindre représentation, et ils n'auraient aucune valeur pragmatique dans un monde manifestement parfait depuis l'origine. Si d'emblée la joie régnait sans partage dans ce monde,, le seul fait de vivre nous ferait exulter et la pure émotion cosmique nous ravirait et nous ferait perdre, me semble-t-il, tout intérêt pour ces spéculations. Notre intérêt pour la métaphysique religieuse vient du fait que nous avons un sentiment d'insécurité lorsque nous pensons à notre avenir concret, et ressentons le besoin d'une garantie supérieure. Si le passé et le présent n'étaient faits que de bonnes choses, pourquoi voudrait-on que l'avenir ne leur ressemble pas ? Qui voudrait du libre arbitre ? Qui ne dirait avec Huxley : « Qu'on me remonte chaque jour comme une montre et que je sois infaillible ; je ne demanderai rien de plus en fait de liberté. » Dans un monde déjà parfait, « liberté » voudrait dire liberté d'être pire, et qui serait assez fou pour désirer cela ? Être ce qu'il est de façon nécessaire, sans possibilité qu'il en aille autrement, voilà qui apporterait la dernière touche au monde des optimistes pour le rendre parfait. Sans doute la seule possibilité qu'on puisse raisonnablement désirer est la possibilité que les choses aillent mieux. Est-il nécessaire de préciser que, dans ce monde tel qu'il est, c'est précisément cette possibilité que nous avons tout lieu de désirer.

  Ainsi, le libre arbitre n'a d'autre raison d'être qu'en tant que doctrine du réconfort. À ce titre, elle se range parmi les autres doctrines religieuses. Leur rôle est de relever les ruines et de réparer les dégâts du passé. Notre âme, prisonnière de l'expérience sensible, n'a de cesse de demander à l'intellect perché sur sa tour : « Veilleur, dis-nous si la nuit est porteuse de quelque promesse », et l'intellect le réconforte alors avec ces mots pleins de promesses."

 

William James, Le pragmatisme, 1907, Leçon III, tr. fr. Nathalie Ferron, Champs classiques, 2011, p. 166-168.



 "[…] la plupart des philosophes […] n'arrivent pas, quoi qu'ils fassent, à se représenter la nouveauté radicale et l'imprévisibilité. Je ne parle pas seulement des philosophes qui croient à un enchaînement si rigoureux des phénomènes et des événements que les effets doivent se déduire des causes : ceux-là s'imagi­nent que l'avenir est donné dans le présent, qu'il y est théoriquement visible, qu'il n'y ajoutera, par conséquent, rien de nouveau. Mais ceux mêmes, en très petit nombre, qui ont cru au libre arbitre, l'ont réduit à un simple « choix » entre deux ou plusieurs partis, comme si ces partis étaient des « possibles » dessinés d'avance et comme si la volonté se bornait à « réaliser » l'un d'eux. Ils admettent donc encore, même s'ils ne s'en rendent pas compte, que tout est donné. D'une action qui serait entièrement neuve (au moins par le dedans) et qui ne préexisterait en aucune manière, pas même sous forme de pur possible, à sa réalisation, ils semblent ne se faire aucune idée. Telle est pourtant l'action libre."
 
Bergson, La Pensée et le Mouvant, 1934, Introduction, 1ère partie, P.U.F., 1998, p. 10.

Date de création : 10/05/2013 @ 16:46
Dernière modification : 06/04/2015 @ 13:33
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