"Le système vivant le plus simple que nous connaissions, la cellule bactérienne, petite machinerie d'une complexité comme d'une efficacité extrêmes, avait peut-être atteint son état actuel de perfection il y a plus d'un milliard d'années. Le plan d'ensemble de la chimie de cette cellule est le même que celui de tous les autres êtres vivants. Elle emploie le même code génétique et la même mécanique de traduction que les cellules humaines, par exemple […]
Mais le problème majeur, c'est l'origine du code génétique et du mécanisme de sa traduction. En fait, ce n'est pas de « problème » qu'il faudrait parler, mais plutôt d'une véritable énigme.
Le code n'a pas de sens à moins d'être traduit. La machine à traduire de la cellule moderne comporte au moins cinquante constituants macromoléculaires qui sont eux-mêmes codés dans l'ADN : le code ne peut donc être traduit que par des produits issus de la traduction. C'est l'expression moderne de l'œuf et de la poule. Quand et comment cette boucle s'est-elle fermée sur elle-même ? Il est excessivement difficile de l'imaginer."
Jacques Monod, Le hasard et la nécessité, 1970, Points, Seuil, 1973, p. 181 et 182.