"Je dis seulement que je me sens bien contraint par la nécessité, aussitôt que je conçois une matière ou substance corporelle, à concevoir en même temps qu'elle est définie et dessinée par telle ou telle figure, que par rapport aux autres elle est grande ou petite, qu'elle est dans ce lieu ou dans tel autre, dans cet instant ou dans tel autre, qu'elle se meut ou qu'elle est en repos, qu'elle touche ou ne touche pas un autre corps, qu'elle est unique, ou multiple et en petit nombre, ou en grand nombre, et je ne puis par aucun effort de l'imagination la séparer de ces conditions ; mais qu'elle doive être blanche ou rouge, amère ou douce, sonore ou muette, d'une odeur agréable ou désagréable, je ne me sens point contraint par la pensée à devoir l'appréhender comme nécessairement accompagnée de ces conditions, au contraire, si les sens ne les avaient pas distinguées, peut-être la raison ou l'imagination par elles-mêmes n'y arriveraient-elles jamais. J'en viens ainsi à penser que ces saveurs, odeurs, couleurs etc., pour autant qu'elles apparaissent dans un sujet, ne sont pas autre chose que de purs noms, mais tiennent seulement leur résidence dans le corps capable de sentir, de sorte que, le vivant supprimé, sont enlevées et annihilées [si che, rimosso l'animale, sieno levate ed annichilate] toutes ces qualités ; cependant, comme nous leur avons donné des noms particuliers et différents de ceux des autres premiers et réels accidents, nous voudrions croire qu'elles sont encore vraiment et réellement distinctes de ceux-là."
Galilée, Il Saggiatore, 1623, in Histoire de la science, Pléiade, 1957, p. 459 – 460, O. Gl., VI, p. 347-348.
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