"Pas plus que l'espace, le Temps n'est, pour l'homme religieux, homogène ni continu. Il y a les intervalles de Temps sacré, le temps des fêtes (en majorité, des fêtes périodiques) ; il y a, d'autre part, le Temps profane, la durée temporelle ordinaire dans laquelle s'inscrivent les actes dénués de signification religieuse. Entre ces deux espèces de Temps, il existe, bien entendu, une solution de continuité ; mais, par le moyen des rites, l'homme religieux peut « passer » sans danger de la durée temporelle ordinaire au Temps sacré.
Une différence essentielle entre ces deux qualités de Temps nous frappe d'abord : le Temps sacré est par sa nature même réversible, dans le sens qu'il est, à proprement parler, un Temps mythique primordial rendu présent. Toute fête religieuse, tout Temps liturgique, consiste dans la réactualisation d'un événement sacré qui a eu lieu dans un passé mythique, « au commencement. » Participer religieusement à une fête implique que l'on sort de la durée temporelle « ordinaire » pour réintégrer le Temps mythique réactualisé par la fête même. Le Temps sacré est par suite indéfiniment récupérable, indéfiniment répétable."
Mircea Eliade, Le Sacré et le Profane, 1957, éd. Gallimard, Folio essais, 2001, p. 63.
Retour au menu sur l'existence et le temps