"[…] quel courage y a-t-il à faire semblant ? Ce courage-là n'est rien d'autre qu'une figure de rhétorique. Une entreprise impossible et qu'on sait par avance impossible et vouée à l'échec n'est ni sérieuse ni responsable ; il est en effet héroïque de tenter l'impossible : mais si l'impossibilité de cet impossible est connue d'avance, la tentative est plutôt une galéjade; il y a sans doute quelque chose de paresseux et de verbal dans le projet désespéré de renverser l'irréversible et de taire revenir follement le devenir. C'est donc l'impossible qui est facile, puisqu'il n'est pas fait pour être fait, et c'est au contraire le possible qui est difficile et périlleux, qui exige audace et courage : car on n'a pas d'excuses de démissionner quand le pouvoir s'exerce dans le sens du possible. Oser faire ce qu'effectivement on peut faire, utiliser à fond la latitude que nous laisse le progrès : voilà le courage viril par excellence."
Vladimir Jankélévitch, L'irréversible et la nostalgie, 1974, Flammarion, Champs essais, 2011, p. 242-243.
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