"Regardons de plus près les deux géométries non euclidiennes. Dans celle de Lobatchevski, que le langage technique appelle géométrie hyperbolique, il existe un nombre infini de parallèles. Dans celle de Riemann, appelée géométrie elliptique, il n'y a aucune parallèle. Comment une géométrie peut-elle se constituer sans droites parallèles ? Nous pouvons le comprendre par l'intermédiaire d'un modèle qui n'est pas exactement identique à celui d'une géométrie elliptique, mais qui en est un parent proche : un modèle de géométrie sphérique. Ce modèle consiste simplement en la surface d'une sphère. Nous décidons de regarder cette surface comme analogue à un plan.
Les lignes droites d'un plan sont ici représentées par les « grands cercles » de la sphère. En termes plus généraux, nous disons que dans toute géométrie non euclidienne les lignes qui correspondent aux droites euclidiennes sont des « lignes géodésiques ». Elles ont en commun avec les droites la propriété qui consiste à être le plus court chemin d'un point à un autre.
[...]
Il faut prendre garde à ne pas exagérer la portée de cette analogie entre le plan riemannien et la surface d'une sphère : en effet, dans l'espace riemannien, deux droites sur un plan n'ont qu'un seul point commun, tandis que les lignes qui sur une sphère correspondent à des droites, les grands cercles, se coupent toujours deux fois. Prenons par exemple deux méridiens : ils se rencontrent au pôle Nord et au pôle Sud. Strictement parlant, notre modèle ne correspond à un plan riemannien que si nous nous restreignons à une partie de la surface de la sphère qui ne contienne pas de points diamétralement opposés comme le sont les pôles."
Rudolf Carnap, Les Fondements philosophiques de la physique, Armand Colin, 1973, p. 131–133.
Retour au menu sur l'espace