"Trois espaces mentaux ont été considérés, l'espace du corps, l'espace autour du corps, et l'espace de navigation. Cette liste n'est pas pour autant exhaustive. Chacun de ces espaces sert dans nos interactions quotidiennes avec le monde, et, en accord avec ces interactions, chacun est biaisé comparativement à l'espace métrique physique. Pour l'espace du corps, la saillance perceptive et l'importance des parties du corps, plus que la taille de ces parties, déterminent l'accessibilité relative de celles-ci. Pour l'espace autour du corps, les éléments sont localisés par rapport à un cadre de référence mental qui se compose des extensions des trois axes du corps. L'accessibilité aux éléments n'est pas indépendante des axes, comme c'est le cas pour l'espace physique ; au contraire, l'accessibilité dépend des asymétries du corps et de sa relation au monde. L'accès à l'axe tête/pieds est le plus rapide pour un observateur positionné verticalement, car il s'agit d'un axe asymétrique correspondant au seul axe asymétrique du monde, celui de la gravité. Ensuite, c'est l'axe avant/arrière qui est le plus rapidement accessible, un axe asymétrique pour le corps. Enfin, vient l'axe gauche/droite, pour lequel une asymétrie saillante fait défaut. Au final, pour l'espace de navigation, les éléments sont localisés par rapport aux autres objets et à leur cadre de référence, qui contribuent tous deux à altérer la mémoire des localisations et des orientations. Les distorsions des distances et des directions résultent aussi de ce que l'on organise les éléments par rapport aux repères, aux perspectives, et ceci de façon hiérarchisée. On a là quelques exemples de la façon dont la cognition spatiale est incarnée."
Barbara Tversky, "La cognition spatiale : incarnée et désincarnée", in Les espaces de l'homme, Odile Jacob, 2005, p. 174-175.
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