"L'opinion suivante des philosophes peut sembler à certains un paradoxe. Examinons-la pourtant de notre mieux. Est-il vrai qu'il faille toujours agir à la fois avec prudence et avec assurance ? La prudence paraît être, en effet, en quelque sorte contraire à l'assurance et les contraires ne peuvent en aucune manière coexister. Or, ce qu'il y a d'apparemment paradoxal pour beaucoup en cette matière tient, je crois, à une raison de ce genre : oui, si nous jugions qu'il faille, dans des conditions identiques, user en même temps de prudence et d'assurance, c'est justement qu'on pourrait nous reprocher de vouloir concilier les inconciliables. Mais, en réalité, qu'a donc d'extraordinaire cet aphorisme ? Si sont vraies ces affirmations souvent répétées et souvent prouvées, à savoir : que l'essence du bien consiste dans l'usage des représentations, et de même l'essence du mal ; mais que les choses soustraites à notre libre choix ne participent ni de la nature du bien, ni de celle du mal, qu'y a-t-il de paradoxal dans l'opinion des philosophes qui disent : « Dans les choses qui sont soustraites à ton libre choix, agis avec assurance ; mais dans celles qui dépendent de ta volonté, agis avec prudence. »"
Épictète, Entretiens, Livre II, Chapitre I.
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