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Texte à méditer :   Le progrès consiste à rétrograder, à comprendre [...] qu'il n'y avait rien à comprendre, qu'il y avait peut-être à agir.   Paul Valéry
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Hors des sentiers battus
Qu'est-ce que juger ?

  "Après avoir conçu les choses par nos idées, nous comparons ces idées ensemble ; et, trouvant que les unes conviennent entre elles, et que les autres ne conviennent pas, nous les lions ou délions, ce qui s'appelle affirmer ou nier, et généralement juger.
  Ce jugement s'appelle aussi proposition, et il est aisé de voir qu'elle doit avoir deux termes : l'un de qui l'on affirme ou de qui l'on nie, lequel on appelle sujet ; et l'autre que l'on affirme ou que l'on nie, lequel s'appelle attribut ou prœdicatum.

  Et il ne suffit pas de concevoir ces deux termes ; mais il faut que l'esprit les lie ou les sépare. Et cette action de notre esprit est marquée dans le discours par le verbe est, ou seul quand nous affirmons, ou avec une particule négative quand nous nions. Ainsi quand je dis Dieu est juste, Dieu est le sujet de cette proposition, et juste en est l'attribut, et le mot est marque l'action de mon esprit qui affirme, c'est-à-dire qui lie ensemble les deux idées de Dieu et de juste comme convenant l'un à l'autre. Que si je dis Dieu n'est pas injuste, est, étant joint avec les particules, ne pas, signifie l'action contraire à celle d'affirmer, savoir celle de nier par laquelle je regarde ces idées comme répugnantes l'une à l'autre, parce qu'il y a quelque chose d'enfermé dans l'idée d'injuste qui est contraire à ce qui est enfermé dans l'idée de Dieu."

 

Antoine Arnauld et Pierre Nicole, La logique ou l'art de penser, 1662, 2e partie, Chapitre III, Champs Flammarion, 1978, p. 156.



  "Apercevoir, c'est sentir ; comparer, c'est juger ; juger et sentir ne sont pas la même chose. Par la sensation, les objets s'offrent moi séparés, isolés, tels qu'ils sont dans la nature ; par la comparaison, je les remue, je les transporte pour ainsi dire, je les pose l'un sur l'autre pour prononcer sur leur différence ou sur leur similitude, et généralement sur tous leurs rapports. Selon moi la faculté distinctive de l'être actif ou intelligent est de pouvoir donner un sens à ce mot est. Je cherche en vain dans l'être purement sensitif cette force intelligente qui superpose et puis qui prononce : je ne la saurais voir dans sa nature. Cet être passif sentira chaque objet séparément, ou même il sentira l'objet total formé des deux ; mais, n'ayant aucune force pour les replier l'un sur l'autre, il ne les comparera jamais, il ne les jugera point."

 

Rousseau, Émile ou de l'éducation, 1762, Livre IV, Profession de foi du vicaire savoyard, GF, 2010, p. 57-58.

 

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Date de création : 02/01/2014 @ 10:20
Dernière modification : 23/02/2015 @ 14:19
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