"[…] pour toutes sortes de raisons, [la] disproportion entre la personne et sa position apparaît plus considérable qu'elle ne l'est en réalité. D'abord, dans une position où l'on dirige les autres, l'incompétence ressort de façon particulièrement voyante, elle est plus difficile à dissimuler que bien d'autres insuffisances humaines pour des raisons évidentes – et en particulier parce qu'elle est à côté d'un nombre égal d'autres personnes subordonnées qui sont véritablement qualifiées pour cette position. En outre, dans bien des cas cette inaptitude ne vient pas du tout de lacunes individuelles, mais des exigences contradictoires de la fonction, dont on attribue néanmoins facilement le résultat inévitable au titulaire de la fonction comme s'il en était responsable subjectivement. Le concept moderne de « gouvernement de l'État », par exemple, confère à celui-ci une infaillibilité qui est l'expression de son absolue objectivité de principe. Naturellement, en comparaison de cette infaillibilité idéale, ses vecteurs concrets semblent souvent imparfaits."
Georg Simmel, Sociologie. Études sur les formes de la socialisation, 1908, tr. fr. Lilyane Deroch-Gurcel et Sibylle Muller, PUF, Quadrige, 2013, p. 261-262.
"Remarquons que l'art de gouverner un grand peuple est le seul pour lequel il n'y ait pas de technique préparatoire, pas d'éducation efficace, surtout s'il s'agit des plus hauts emplois. L'extrême rareté des hommes politiques de quelque envergure tient à ce qu'ils doivent résoudre à tout moment, dans le détail, un problème que l'extension prise par les sociétés a peut-être rendu insoluble. Étudiez l'histoire des grandes nations modernes : vous y trouverez nombre de grands savants, de grands artistes, de grands soldats, de grands spécialistes en toute matière, - mais combien de grands hommes d’État ?"
Bergson, Les Deux Sources de la morale et de la religion, 1932, Chapitre IV, Alcan, p. 293.
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