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Texte à méditer :  Ceux qui brûlent des livres finissent tôt ou tard par brûler des hommes.  Heinrich Heine
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Hors des sentiers battus
L'intelligence manuelle

  "[…] ce n'est pas parce qu'il a des mains que l'homme est le plus intelligent des êtres, mais c'est parce qu'il est le plus intelligent qu'il a des mains. En effet, l'être le plus intelligent est celui qui est capable de bien utiliser le plus grand nombre d'outils : or, la main semble bien être non pas un outil, mais plusieurs. Car elle est pour ainsi dire un outil qui tient lieu des autres. C'est donc à l'être capable d'acquérir le plus grand nombre de techniques que la nature a donné l'outil de loin le plus utile, la main. Aussi, ceux qui disent que l'homme n'est pas bien constitué et qu'il est le moins bien partagé des animaux (parce que, dit-on, il est sans chaussures, il est nu et il n'a pas d'armes pour combattre) sont dans l'erreur. Car les autres animaux n'ont chacun qu'un seul moyen de défense et il ne leur est pas possible de le changer pour faire n'importe quoi d'autre, et ne doivent jamais déposer l'armure qu'ils ont autour de leur corps ni changer l'arme qu'ils ont reçue en partage. L'homme, au contraire, possède de nombreux moyens de défense, et il lui est toujours loisible d'en changer et même d'avoir l'arme qu'il veut et quand il le veut. Car la main devient griffe, serre, corne, ou lance, ou épée, ou toute autre arme ou outil. Elle peut être tout cela, parce qu'elle est capable de tout saisir et de tout tenir. La forme même que la nature a imaginée pour la main est adaptée à cette fonction. Elle est, en effet, divisée en plusieurs parties. Et le fait que ces parties peuvent s'écarter implique aussi pour elles la faculté de se réunir, tandis que la réciproque n'est pas vraie. Il est possible de s'en servir comme d'un organe unique, double ou multiple".

 

Aristote, Les Parties des animaux, § 10, 687 b.


 

  "Je n'ai pas à parler ici du travail manuel, du rôle qu'il pourrait jouer à l'école. On est trop porté à n'y voir qu'un délassement. On oublie que l'intelligence est essentiellement la faculté de manipuler la matière, qu'elle commença du moins ainsi, que telle était l'intention de la nature. Comment alors l'intelligence ne profiterait-elle pas de l'éducation de la main ? Allons plus loin. La main de l'enfant s'essaie naturellement à construire. En l'y aidant, en lui fournissant au moins des occasions, on obtiendrait plus tard de l'homme fait un rendement supérieur ; on accroîtrait singulièrement ce qu'il y a d'inventivité dans le monde. Un savoir tout de suite livresque comprime et supprime des activités qui ne demandaient qu'à prendre leur essor. Exerçons donc l'enfant au travail manuel, et n'abandonnons pas cet enseignement à un manœuvre. Adressons-nous à un vrai maître, pour qu'il perfectionne le toucher au point d'en faire un tact : l'intelligence remontera de la main à la tête."

 

Bergson, La Pensée et le Mouvant, 1934, Introduction, 2e partie, P.U.F., 1998, p. 92-93.

 

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Date de création : 14/03/2014 @ 17:00
Dernière modification : 14/03/2014 @ 17:00
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