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Texte à méditer :   Un peuple civilisé ne mange pas les cadavres. Il mange les hommes vivants.   Curzio Malaparte
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Hors des sentiers battus
Le désir de vérité ou l'amour de la vérité / connaissance

  "Le plaisir et les agréments de la connaissance surpassent de beaucoup tous les autres plaisirs de la nature. En effet, est-ce que les plaisirs des passions ne dépassent pas ceux des sens autant que l'obtention de ce qu'on désire, c'est-à-dire la victoire, dépasse une chanson ou un souper ? Ne faut-il pas, par conséquent, que les plaisirs de l'intellect, c'est-à-dire la compréhension, dépassent les plaisirs des passions ? Nous voyons bien que, dans tous les autres plaisirs, la satiété existe. Quand on en a pris l'habitude, leur fraîche vivacité s'en va, ce qui montre bien qu'ils sont, non des plaisirs, mais des illusions de plaisir : c'est la nouveauté qui plaisait, non ce qu'ils étaient. Voilà pourquoi l'on voit des hommes de volupté se faire moines et des monarques ambitieux devenir mélancoliques. Du savoir, au contraire, on n'est jamais rassasié ; satisfaction et appétit s'échangent en permanence, équivalents l'un à l'autre. Par conséquent, le savoir apparaît comme le bien simple en soi, dénué de toute tromperie ou d'accident."

 

Francis Bacon, Du progrès et de la promotion des savoirs, 1605, tr. fr. Michèle Le Dœuff, Gallimard tel, 1991, p. 75.


 

  "Quiconque veut chercher sérieusement la vérité, doit avant toutes choses concevoir de l'amour pour elle. Car celui qui ne l'aime point, ne saurait se tourmenter beaucoup pour l'acquérir, ni être fort en peine lorsqu'il ne réussit pas à la trouver. [...] Mais avec tout cela, l'on peut dire sans se tromper, qu'il y a fort peu de gens qui aiment la vérité pour l'amour de la vérité, parmi ceux-là même qui croient être de ce nombre. Sur quoi il vaudrait la peine d'examiner comment un homme peut connaître qu'il aime sincèrement la vérité. Pour moi, je crois qu'en voici une preuve infaillible : c'est de ne pas recevoir une proposition avec plus d'assurance que les preuves sur lesquelles elle est fondée ne le permettent. Il est visible que quiconque va au-delà de cette mesure n'embrasse pas la vérité par l'amour qu'il a pour elle, qu'il n'aime pas la vérité pour l'amour d'elle-même, mais pour quelque autre fin indirecte. Car l'évidence  [evidence] qu'une proposition est véritable (excepté celles qui sont évidentes par elles-mêmes [self-evident]) consistant uniquement dans les preuves qu'un homme en a, il est clair que, quelque degré d'assentiment qu'il lui donne au-delà des degrés de cette évidence, tout ce surplus d'assurance est dû à quelque autre passion, et non à l'amour de la vérité ; parce qu'il est aussi impossible que l'amour de la vérité emporte mon assentiment au-dessus de l'évidence que j'ai (qu'une telle proposition est véritable), qu'il est impossible que l'amour de la vérité me fasse donner mon consentement à une proposition, en considération d'une évidence qui ne me fait pas voir que cette proposition soit véritable ; ce qui est en effet embrasser cette proposition comme une vérité, parce qu'il est possible ou probable qu'elle ne soit pas véritable. Dans toute vérité qui ne s'établit pas dans notre esprit par la lumière irrésistible d'une évidence immédiate [self-evidence] ou par la force d'une démonstration, les arguments qui déterminent notre assentiment sont les garants et le gage de sa probabilité à notre égard, et nous ne pouvons la recevoir que pour ce que ces arguments la font voir à notre entendement. De sorte que, quelque autorité que nous donnions à une proposition, au-delà de celle qu'elle reçoit des principes et des preuves sur quoi elle est appuyée, on en doit attribuer la cause au penchant qui nous entraîne de ce côté-là ; et c'est déroger d'autant à l'amour de la vérité, qui ne pouvant recevoir aucune évidence de nos passions, n'en doit recevoir plus aucune teinture.
  Une suite constante de cette mauvaise disposition d'esprit, c'est de s'attribuer l'autorité de prescrire aux autres nos propres opinions. Car le moyen qu'il puisse presque arriver autrement, sinon que celui qui a imposé à sa propre croyance soit prêt d'imposer à la croyance d'autrui ? Qui peut attendre raisonnablement qu'un homme emploie des arguments et des preuves convaincantes auprès des autres hommes, si son entendement n'est pas accoutumé à s'en servir pour lui-même, s'il fait violence à ses propres facultés, s'il tyrannise son esprit et usurpe une prérogative uniquement due à la vérité, qui est d'exiger l'assentiment de l'esprit par sa seule autorité, c'est-à-dire, à proportion de l'évidence que la vérité emporte avec elle ?"

 

John Locke, Essai philosophique concernant l'entendement humain, 1689, Livre IV, chapitre 16, § 4, tr. fr. Pierre Coste, Le Livre de Poche, p. 1006-1007.



  "Quelque réelle que soit, sans doute, la satisfaction attachée à la seule découverte de la vérité, elle n'a jamais assez d'intensité pour diriger la conduite habituelle  ; l'impulsion d'une passion quelconque est même indispensable à notre chétive intelligence pour déterminer et soutenir presque tous ses efforts. Si cette inspiration émane d'une affection bienveillante, on la remarque comme étant à la fois plus rare et plus estimable  ; sa vulgarité empêche, au contraire, de la distinguer quand elle est due aux motifs personnels de gloire, d'ambition, ou de cupidité. Telle est, au fond, la seule différence ordinaire. Lors même que l'impulsion mentale résulterait, en effet, d'une sorte de passion exceptionnelle pour la pure vérité, sans aucun mélange d'orgueil ou de vanité, cet exercice idéal, dégagé de toute destination sociale, ne cesserait pas d'être profondément égoïste."

 

Auguste Comte, Discours sur l'ensemble du positivisme, 1848, GF, 1998, p. 57-58.



  " « Tous les hommes aspirent à la connaissance » (Aristote, Métaphysique, I, 1), et l'objet de cette aspiration est la vérité. La vie quotidienne elle-même montre que chacun éprouve de l'intérêt pour découvrir, au-delà du simple ouï-dire, comment sont vraiment les choses. L'homme est l'unique être dans toute la création visible qui, non seulement est capable de savoir, mais qui sait aussi connaître et, pour cela, il s'intéresse à la vérité réelle de ce qui lui apparaît. Personne ne peut être sincèrement indifférent à la vérité de son savoir. S'il découvre qu'il est faux, il le rejette; s'il peut, au contraire, en vérifier la vérité, il se sent satisfait. C'est la leçon de saint Augustin quand il écrit: « J'ai rencontré beaucoup de gens qui voulaient tromper, mais personne qui voulait se faire tromper ». (Confessions, X, 23). On pense à juste titre qu'une personne a atteint l'âge adulte quand elle peut discerner, par ses propres moyens, ce qui est vrai de ce qui est faux, en se formant un jugement sur la réalité objective des choses. C'est là l'objet de nombreuses recherches, en particulier dans le domaine des sciences, qui ont conduit au cours des derniers siècles à des résultats très significatifs, favorisant un authentique progrès de l'humanité tout entière.
  La recherche réalisée dans le domaine pratique est aussi importante que celle qui est faite dans le domaine théorique : je veux parler de la recherche de la vérité sur le bien à accomplir. Par son agir éthique, en effet, la personne qui suit son libre et juste vouloir s'engage sur le chemin du bonheur et tend vers la perfection. Dans ce cas, il s'agit aussi de vérité."

 

Jean-Paul II, Foi et raison, 1998, § 25, Pierre Téqui éditeur, p. 36-37.



  "La vérité se présente initialement à l'homme sous une forme interrogative : la vie a-t-elle un sens ? quel est son but ? À première vue, l'existence personnelle pourrait se présenter comme radicalement privée de sens. Il n'est pas nécessaire d'avoir recours aux philosophes de l'absurde ni aux questions provocatrices qui se trouvent dans le livre de Job pour douter du sens de la vie. L'expérience quotidienne de la souffrance, la sienne propre et celle d'autrui, la vue de tant de faits qui à la lumière de la raison apparaissent inexplicables, suffisent à rendre inéluctable une question aussi dramatique que celle du sens. Il faut ajouter à cela que la première vérité absolument certaine de notre existence, outre le fait que nous existons, est l'inéluctabilité de notre mort. Face à cette donnée troublante s'impose la recherche d'une réponse complète. Chacun veut – et doit – connaître la vérité sur sa fin. Il veut savoir si la mort sera le terme définitif de son existence ou s'il y a quelque chose qui dépasse la mort ; s'il lui est permis d'espérer une vie ultérieure ou non. Il n'est pas sans signification que la pensée philosophique ait reçu de la mort de Socrate une orientation décisive et qu'elle en soit demeurée marquée depuis plus de deux millénaires. Il n'est donc pas du tout fortuit que, devant le fait de la mort, les philosophes se soient sans cesse reposé ce problème en même temps que celui du sens de la vie et de l'immortalité.
  Personne ne peut échapper à ces questions, ni le philosophe ni l'homme ordinaire. De la réponse qui leur est donnée dépend une étape décisive de la recherche : est-il possible ou non d'atteindre une vérité universelle et absolue ? En soi, toute vérité, même partielle, si elle est réellement une vérité, se présente comme universelle. Ce qui est vrai doit être vrai pour tous et pour toujours. En plus de cette universalité, cependant, l'homme cherche un absolu qui soit capable de donner réponse et sens à toute sa recherche : quelque chose d'ultime, qui se place comme fondement de toute chose. En d'autres termes, il cherche une explication définitive, une valeur suprême, au-delà de laquelle il n'y a pas, et il ne peut y avoir, de questions ou de renvois ultérieurs. Les hypothèses peuvent fasciner, mais elles ne satisfont pas. Pour tous vient le moment où, qu'on l'admette ou non, il faut ancrer son existence à une vérité reconnue comme définitive, qui donne une certitude qui ne soit plus soumise au doute.

  Au cours des siècles, les philosophes ont cherché à découvrir et à exprimer une vérité de cet ordre, en donnant naissance à un système ou à une école de pensée. Toutefois, au-delà des systèmes philosophiques, il y a d'autres expressions dans lesquelles l'homme cherche à donner forme à sa propre « philosophie » : il s'agit de convictions ou d'expériences personnelles, de traditions familiales et culturelles ou d'itinéraires existentiels dans lesquels on s'appuie sur l'autorité d'un maître. En chacune de ces manifestations, ce qui demeure toujours vif est le désir de rejoindre la certitude de la vérité et de sa valeur absolue.
[…]
  L'homme, par nature, recherche la vérité. Cette recherche n'est pas destinée seulement à la conquête de vérités partielles, observables, ou scientifiques ; l'homme ne cherche pas seulement le vrai bien pour chacune de ses décisions. Sa recherche tend vers une vérité ultérieure qui soit susceptible d'expliquer le sens de la vie ; c'est donc une recherche qui ne peut aboutir que dans l'absolu. Grâce aux capacités inhérentes à la pensée, l'homme est en mesure de rencontrer et de reconnaître une telle vérité. En tant que vitale et essentielle pour son existence, cette vérité est atteinte non seulement par une voie rationnelle, mais aussi par l'abandon confiant à d'autres personnes, qui peuvent garantir la certitude et l'authenticité de la vérité même."

 

Jean-Paul II, Foi et raison, 1998, § 26-27 et 33, Pierre Téqui éditeur, p. 38-39 et 44-45.
 

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Date de création : 25/07/2014 @ 08:34
Dernière modification : 02/03/2022 @ 13:43
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