"[…] j'ai souvent entendu mettre en avant cette proposition, et je l'admire toujours. L'école de Protagoras et même de plus anciens philosophes s'en servaient ordinairement. Elle m'a toujours semblé merveilleuse, et tout détruire et se détruire elle-même. J'espère que tu m'en apprendras mieux qu'un autre la vraie raison. On ne peut pas dire des choses fausses : c'est là le sens de la proposition, n'est-ce pas ? Il faut nécessairement que celui qui parle dise la vérité, ou qu'il ne dise rien du tout? — Dionysodore l'avoua. —Veut-on dire par là qu'il est impossible de dire des choses fausses, et qu'il est seulement possible d'en penser? — Non, pas même d'en penser, me dit-il. — Il n'y a donc point d'opinion fausse ? — Non, répondit-il. — C'est-à-dire qu'il n'y a point d'ignorance ni d'ignorants ; car si on pouvait se tromper, ce serait ignorance. — Assurément, dit-il. — Mais cela ne se peut. — Non, certainement. — Ne parles-tu de la sorte, Dionysodore, que pour parler et nous étonner, ou crois-tu en effet qu'il n'y ait point d'ignorants au monde? — Mais c'est à toi à me prouver le contraire. — Et cela se peut-il, selon ton opinion, et y a-t-il moyen de réfuter, si personne ne se trompe ? — Non, dit Euthydème, c'est impossible. — Aussi ne t'ai-je pas demandé, reprit Dionysodore, de réfuter; car comment demander ce qui n'est pas? — Ô Euthydème! lui dis-je, je ne comprends pas encore à fond toutes ces belles choses; mais je commence cependant à voir jour un peu. Peut-être vais-je te faire une question assez niaise, mais pardonne-la-moi. S'il est impossible de se tromper, ou d'avoir une opinion fausse, ou d'être ignorant, il est aussi impossible de commettre une faute en agissant ; car alors celui qui fait quelque chose ne peut se tromper dans ce qu'il fait. N'est-ce pas ainsi que vous l'entendez? — Tout-à-fait, dit-il. — Voici maintenant cette question un peu niaise que je voulais faire. Si nous ne pouvons nous tromper ni dans nos actions, ni dans nos paroles, ni dans nos pensées, par Jupiter! alors qu'êtes-vous venus enseigner ici ? N'avez-vous pas annoncé tout à l'heure que vous sauriez enseigner la vertu mieux que personne à tous ceux qui voudraient l'apprendre ?"
Platon, Euthydème, 286 b–287 b, tr. fr. Victor Cousin.
"SOCRATE
– Tu es vraiment friand de dispute, Théodore, et tu es bien bon de me prendre pour une sorte de sac plein d'arguments et de croire qu'il m'est aisé d'en retirer un pour te prouver que ces théories sont des erreurs. Tu ne vois pas qu'en réalité aucun des arguments ne sort de moi, mais toujours de celui avec qui je converse, et que moi-même, je ne sais rien, sauf une petite chose, qui consiste uniquement à recevoir l'argument d'un homme sage et à l'accueillir comme il convient. C'est ce que je vais essayer ici encore avec ce jeune homme, sans rien dire de mon cru.
THÉODORE
– Tu as raison, Socrate ; fais comme tu dis.
SOCRATE
– Eh bien, sais-tu, Théodore, ce qui m'étonne de ton camarade Protagoras ?
THÉODORE
– Qu'est-ce ?
SOCRATE
– En général, j'aime fort sa doctrine, que ce qui paraît à chacun existe pour lui ; mais le début de son discours m'a surpris. Je ne vois pas pourquoi, au commencement de la Vérité, il n'a pas dit que la mesure de toutes choses, c'est le porc, ou le cynocéphale ou quelque bête encore plus étrange parmi celles qui sont capables de sensation. C'eût été un début magnifique et d'une désinvolture hautaine ; car il eût ainsi montré que, tandis que nous l'admirions comme un dieu pour sa sagesse, il ne valait pas mieux pour l'intelligence, je ne dirai pas que tout autre homme, mais qu'un têtard de grenouille. Autrement que dire, Théodore ? Si, en effet, l'opinion que chacun se forme par la sensation est pour lui la vérité, si l'impression d'un homme n'a pas de meilleur juge que lui-même, et si personne n'a plus d'autorité que lui pour examiner si son opinion est exacte ou fausse ; si, au contraire, comme nous l'avons dit souvent, chacun se forme à lui seul ses opinions et si ces opinions sont toujours justes et vraies, en quoi donc, mon ami, Protagoras était-il savant au point qu'on le croyait à juste titre digne d'enseigner les autres et de toucher de gros salaires, et pourquoi nous-mêmes étions-nous plus ignorants, et obligés de fréquenter son école, si chacun est pour soi-même la mesure de sa propre sagesse ? Pouvons-nous ne pas déclarer qu'en disant ce qu'il disait, Protagoras ne parlait pas pour la galerie ? Quant à ce qui me concerne et à mon art d'accoucheur, et je puis dire aussi à la pratique de la dialectique en général, je ne parle pas du ridicule qui les atteint. Car examiner et entreprendre de réfuter mutuellement nos idées et nos opinions, qui sont justes pour chacun, n'est-ce pas s'engager dans un bavardage sans fin et s'égosiller pour rien, si la Vérité de Protagoras est vraie, et s'il ne plaisantait pas quand il prononçait ses oracles du sanctuaire de son livre ?"
Platon, Théétète, vers 369 av. J.-C., 161-162a, tr. Émile Chambry, Garnier-Flammarion, 1967, p. 89-90.
"SOCRATE
Alors, Protagoras, que conclurons-nous de ces considérations ? Dirons-nous que les opinions des hommes sont toujours vraies, ou qu'elles sont, tantôt vraies, tantôt fausses ? De l'une et l'autre possibilité il résulte bien qu'elles ne sont pas toujours vraies, mais qu'elles sont vraies ou fausses. Réfléchis, en effet, Théodore : aucun partisan de Protagoras voudrait-il, et voudrais-tu toi-même soutenir que personne ne pense d'un autre homme qu'il est ignorant et qu'il a des opinions fausses ?
THÉODORE
C'est une chose incroyable, Socrate.
SOCRATE
C'est pourtant l'inévitable conclusion où conduit la thèse que l'homme est la mesure de toutes choses.
THÉODORE
Comment cela ?
SOCRATE
Lorsque tu as formé par-devers toi un jugement sur quelque objet et que tu me fais part de ton opinion sur cet objet, je veux bien admettre, suivant la thèse de Protagoras, qu'elle est vraie pour toi ; mais nous est-il défendu, à nous autres, d'être juges de ton jugement, ou jugerons-nous toujours que tes opinions sont vraies ? Chacune d'elles ne rencontre-t-elle pas, au contraire, des milliers d'adversaires d'opinion opposée, qui sont persuadés que tu juges et penses faux ?
THÉODORE
Si, par Zeus, Socrate : j'ai vraiment, comme dit Homère, des myriades d'adversaires, qui me causent tous les embarras du monde.
SOCRATE
Alors veux-tu que nous disions que tu as des opinions vraies pour toi-même, et fausses pour ces myriades ?
THÉODORE
Il semble bien que ce soit une conséquence inéluctable de la doctrine.
SOCRATE
Et à l'égard de Protagoras lui-même ? Suppose qu'il n'ait pas cru lui-même que l'homme est la mesure de toutes choses, et que le grand nombre ne le croie pas non plus, comme, en effet, il ne le croit pas, ne serait-ce pas alors une nécessité que la vérité telle qu'il l'a définie n'existât pour personne ? Si, au contraire, il l'a cru lui-même, mais que la foule se refuse à le croire avec lui, autant le nombre de ceux qui ne le croient pas dépasse le nombre de ceux qui le croient, autant il y a de raisons que son principe soit plutôt faux que vrai.
THÉODORE
C'est incontestable, si l'existence ou la non-existence de la vérité dépend de l'opinion de chacun.
SOCRATE
Il en résulte en outre quelque chose de tout à fait plaisant, c'est que Protagoras reconnaît que, lorsque ses contradicteurs jugent de sa propre opinion et croient qu'il est dans l'erreur, leur opinion est vraie, puisqu'il reconnaît qu'on ne peut avoir que des opinions vraies.
THÉODORE
Effectivement.
SOCRATE
Il avoue donc que son opinion est fausse s'il reconnaît pour vraie l'opinion de ceux qui le croient dans l'erreur ?
THÉODORE
Nécessairement.
Platon, Théétète, vers 369 av. J.-C., 170-71c, tr. Émile Chambry, Flammarion, GF, 1967, p. 103-105.
"La principale maladie philosophique de notre temps est le relativisme intellectuel et le relativisme moral qui, au moins pour une part, en découle. Par relativisme, ou scepticisme si l'on préfère ce terme, j'entends la doctrine selon laquelle tout choix entre des théories rivales est arbitraire : soit parce que la vérité objective n'existe pas ; soit parce que, même si l'on admet qu'elle existe, il n'y a en tout cas pas de théorie qui soit vraie, ou (sans être vraie) plus proche de la vérité qu'une autre ; soit parce que, dans les cas où il y a deux théories ou plus, il n'existe aucun moyen de décider si l'une est supérieure à l'autre. [...] Certains des arguments invoqués à l'appui du relativisme découlent de la question même : « Qu'est-ce que la vérité ? », à laquelle le sceptique convaincu est sûr qu'il n'y a pas de réponse. Mais, à cette question, on peut répliquer d'une façon simple et raisonnable - qui ne satisferait probablement pas notre sceptique - qu'une affirmation ou un énoncé sont vrais si, et seulement si, ils correspondent aux faits. Que veut dire « correspondre aux faits » ? Bien qu'un sceptique ou un relativiste puisse trouver aussi impossible de répondre à cette question qu'à la précédente, c'est en réalité aussi facile et même presque banal. Par exemple, tout juge sait bien ce qu'un témoin entend par vérité : c'est justement ce qui correspond aux faits. Pour suivre Tarski, le problème posé met en cause les énoncés, les faits et un certain rapport de correspondance entre les premiers et les seconds : car c'est bien de cela qu'on parle ; et, par suite, dans la solution, on doit parler des mêmes choses. Par exemple, l'énoncé « Smith est entré dans le magasin peu après 10 h 15 », correspond aux faits si, et seulement si, Smith est entré dans le magasin peu après 10 h 15. À première vue, la phrase en italique nous paraît constituer un lieu commun, mais peu importe. En y regardant de plus près, on voit qu'il s'agit : 1) d'un énoncé, 2) de certains faits, et 3) que la phrase permet d'établir les conditions évidentes qui doivent être remplies pour que l'énoncé corresponde aux faits. Certains estimeront qu'une phrase aussi banale n'a aucun intérêt. Rappelons-leur que, puisque chacun sait sans y réfléchir ce que signifie la vérité, ou la correspondance avec les faits, ce doit être une chose banale. Pour faire ressortir l'exactitude de la phrase en italique, on peut dire : « L'affirmation du témoin selon laquelle Smith est entré dans le magasin peu après 10 h 15 est vraie si, et seulement si, Smith est entré dans le magasin peu après 10 h 15 » ; phrase également banale, mais qui énonce toutes les conditions nécessaires pour l'application du prédicat : « est vraie », à la déclaration d'un témoin. Selon certains, la formulation suivante serait meilleure : « L'affirmation du témoin : "J'ai vu Smith entrer dans le magasin peu après 10 h 15", est vraie si, et seulement si, le témoin a vu Smith entrer dans le magasin peu après 10 h 15. » En la comparant à la précédente, on voit que la seconde version donne les conditions requises pour que soit vrai un énoncé concernant Smith et ce qu'il a fait ; et la troisième pour que soit vrai un énoncé concernant le témoin et ce qu'il a fait ou vu. En matière de preuve, il est de règle qu'un témoin doit se borner à déclarer ce qu'il a effectivement vu, ce qui peut faciliter au juge la distinction entre vrais et faux témoignages. Aussi la troisième version peut-elle présenter sur la seconde des avantages du point de vue de la recherche ou de la découverte de la vérité ; mais c'est là une question épistémologique ou méthodologique. Or ce qui nous intéresse ici, c'est la question logique ou ontologique : celle de ce que nous voulons dire ou cherchons à exprimer quand nous parlons de vérité ou de correspondance avec les faits. De ce point de vue, la troisième formulation ne présente pas d'avantage sur la seconde. Chacune répond de la même façon à la question : « Qu'est-ce que la vérité ? », et le fait indirectement, en énonçant les conditions requises pour qu'un énoncé déterminé soit vrai.
[...] Il faut distinguer nettement entre savoir ce que signifie la vérité et avoir un moyen, un critère, pour décider si un énoncé est vrai ou faux. Cette distinction d'ordre très général est d'une importance considérable pour juger du relativisme. Sans doute savons-nous ce que nous entendons par une denrée saine et une denrée légèrement avariée ; mais, dans certains cas, il peut être difficile de distinguer l'une de l'autre : nous disons alors que nous n'avons pas de critères des qualités d'une denrée saine. De même, les médecins savaient ce qu'ils voulaient dire par tuberculose, longtemps avant qu'ils ne disposent de tests, c'est-à-dire de critères, permettant de reconnaître cette maladie. On comprend le désir qu'ont les esprits précis de disposer de critères ; désir raisonnable quand il est possible à satisfaire. Mais ce serait une erreur de croire qu'à défaut de critères concernant l'altération d'une denrée, on ne peut se demander si celle-ci est gâtée ou non ; ou qu'à défaut de critères concernant la tuberculose la phrase : « Untel est tuberculeux », n'a pas de sens ; et la phrase : « Untel ment effrontément », non plus, tant qu'il n'existe pas de détecteur de mensonge auquel on puisse se fier. En fait, l'établissement d'une série de tests concernant la tuberculose ou le mensonge est postérieur à la détermination, sans doute grossière, de ce que nous entendons par ces mots. Bien entendu, la découverte d'examens de laboratoire permettant de déceler la tuberculose peut nous apprendre bien des choses nouvelles sur cette maladie, au point que cela peut transformer le sens même du mot qui la désigne. On pourrait peut-être aller jusqu'à dire que le terme de tuberculose peut alors être défini par ces critères. N'empêche qu'il signifiait déjà quelque chose auparavant. Notons, en passant, qu'il existe peu de maladies pour lesquelles nous disposions de critères satisfaisants ou de définitions précises. La plupart d'entre nous ne connaissent pas les critères qui permettent de savoir si un billet de banque est authentique ou faux. Mais, si nous trouvions deux billets portant le même numéro, nous aurions de bonnes raisons de déclarer que l'un des deux est faux : assertion qui ne serait pas privée de signification par l'absence d'un critère d'authenticité."
Karl Popper, La Société ouverte et ses ennemis, 1979, t. 2, Hegel et Marx, Paris, Seuil, p. 188-189.
"[…] la doctrine du « tout est bon », du « à chacun sa vérité » est aujourd'hui très populaire, tant dans le domaine axiologique que dans le domaine du cognitif. La vérité de Dupont vaut celle de Durand. Les croyances normatives de telle société valent bien celles de telle autre : pluralisme oblige. Tels sont les refrains qu'on entend tous les jours. Le relativisme est si présent dans l'air du temps que l'on parle du « retour » de la morale sur le même ton que de celui des jupes courtes, sans voir que l'expression comporte une erreur de fait (la morale s'est-elle jamais éclipsée ?) et que non moins grossière erreur d'interprétation (le fait que l'on reparle de la morale n'indique pas qu'elle soit réapparue). Peut-être parlera-t-on demain de la même façon du « retour » de la vérité, lorsqu'on reprendra conscience du fait que l'application de l'esprit humain à la recherche du vrai a tout de même produit quelques vérités irrécusables.
Qui, malgré cette vogue du relativisme, oserait proclamer que les régimes despotiques sont supérieurs aux démocratiques, que l'apartheid était une bonne chose ou que, si cela apparaissait utile, on pourrait revenir à l'esclavage ? Pourquoi ces jugements moraux seraient-ils à ce point perçus comme des évidences s'ils n'étaient fondés sur des raisons solides ? La thèse qui consisterait à réduire ces jugements à un symptôme de la domination de la « culture » occidentale n'est pas plus sérieuse que celle qui consisterait à affirmer que l'influence des représentations du monde véhiculées par la science occidentale cache un effet de domination. N'existe-t-il pas des raisons objectives de préférer le système démocratique au système stalinien ou au système nazi ? Croit-on vraiment que, si le système nazi avait réussi à s'étendre à la planète, il aurait fini par être perçu comme normal et, somme toute, acceptable, comme une nouvelle « culture » ? Si la réponse est négative, c'est que vérité morale et vérité culturelle ne coïncident pas. Tocqueville le suggérait : le simple fait qu'on comprenne et qu'on accepte une expression telle que la « tyrannie de l'opinion » implique qu'on juge impossible de faire coïncider opinion et vérité. Sinon, l'on parlerait du règne de l'opinion, non de sa tyrannie."
Raymond Boudon, Le Juste et le vrai. Études sur l'objectivité des valeurs et de la connaissance, 1995, Introduction, Hachette Littératures, coll. Pluriel, 2009, p. 46-47.
"Si je soutiens que toutes les croyances à propos du monde reflètent des perspectives qui sont locales, je parais faire une affirmation à propos de comment les choses sont réellement alors que, dans le même temps, je nie que les êtres humains soient capables de telles affirmations générales (non-locales). Supposons, pour prendre un exemple extrême, qu'il nous soit demandé de croire que notre raisonnement logique, mathématique et empirique, est la manifestation d'habitudes de pensée culturelles et contingentes historiquement, et n'a pas de validité plus large. D'un côté, cela semble être une pensée sur comment les choses sont réellement, et d'un autre côté, cela semble nier que nous sommes capables de telles pensées. Toute affirmation aussi radicale et universelle que celle-là devrait être appuyée par un argument solide. Or, l'affirmation elle-même semble nous laisser sans la capacité de fournir de tels arguments. À moins que le jugement soit supposé s'appliquer à lui-même ? Je crois que cela nous laisserait sans la capacité de penser quoi que ce soit. Pour le dire de façon schématique, l'affirmation « Tout est subjectif » est nécessairement absurde, car elle doit être elle-même soit subjective, soit objective. Or elle ne saurait être objective, car, dans ce cas, si elle était vraie elle serait fausse. Et elle ne saurait être non plus subjective, car, dans ce cas, elle n'exclurait aucune affirmation objective, y compris l'affirmation selon laquelle elle est elle-même objectivement fausse. Il y a bien certains subjectivistes – peut-être se désignent-ils eux-mêmes comme des pragmatistes – pour prétendre que le subjectivisme s'applique aussi à lui-même. Mais une telle affirmation n'appelle aucune réponse, puisqu'elle ne fait qu'exprimer ce qu'il plaît au subjectiviste de dire. Si ce dernier nous demande de l'approuver, nous n'avons pas à lui donner la moindre raison pour refuser, car il ne nous a lui-même donné aucune raison pour accepter."
Thomas Nagel, The Last Word, 1997, Oxford: Oxford University Press, p. 15, tr. fr. Ophelia Deroy et P.-J. Haution.
"Because if I argue that all beliefs about the world reflect perspectives that are local, I appear to be making a claim about how things really are while at the same time denying that human beings are capable of such general (non-local) claims. Suppose, to take an extreme example, we are asked to believe that our logical and mathematical and empirical reasoning manifest historically contingent and culturally local habits of thought and have no wider validity than that. This appears on the one hand to be a thought about how things really are, and on the other hand to deny that we are capable of such thoughts. Any claim as radical and universal as that would have to be supported by a powerful argument, but the claim itself seems to leave us without the capacity for such arguments. Or is the judgment supposed to apply to itself? I believe that would leave us without the possibility of thinking anything at all. To put it schematically, the claim “Everything is subjective” must be nonsense, for it would itself have to be either subjective or objective. But it can't be objective, since in that case it would be false if true. And it can't be subjective, because then it would not rule out any objective claim, including the claim that it is objectively false. There may be some subjectivists, perhaps styling themselves as pragmatists, who present subjectivism as applying even to itself. But then it does not call for a reply, since it is just a report of what the subjectivist finds it agreeable to say. If he also invites us to join him, we need not offer any reason for declining, since he has offered us no reason to accept. Objections of this kind are as old as the hills, but they seem to require constant repetition."
Thomas Nagel, The Last Word, Oxford: Oxford University Press, 1997, p. 15.
"RELATIVISME ÉPISTÉMIQUE
NON-ABSOLUTISME ÉPISTÉMIQUE. Il n'y a pas de faits absolus concernant le point de savoir quelle croyance est justifiée par un certain élément d'information.
RELATIONALISME ÉPISTÉMIQUE. Si nous voulons que les jugements épistémiques d'un sujet S aient une chance d'être vrais, nous ne devons pas interpréter ses énoncés de forme :
« L'information I justifie la croyance C »
comme exprimant l'affirmation :
L'information I justifie la croyance C
mais comme exprimant l'affirmation :
Selon le système épistémique E, que moi, S, j'accepte, l'information I justifie la croyance C.
PLURALISME ÉPISTÉMIQUE. Il y a une multiplicité de systèmes épistémiques fondamentalement différents et authentiquement alternatifs, mais il n'y a pas de faits en vertu desquels l'un de ces systèmes est plus correct qu'un autre."
Paul Boghossian, La Peur du savoir, 2006, Chapitre V, tr. fr. Ophelia Deroy, Agone, 2009, p. 91.
"Epistemic Relativism
A. There are no absolute facts about what belief a particular item of information justifies. (Epistemic non-absolutism)
B. If a person, S's, epistemic judgments are to have any prospect of being true, we must not construe his utterances of the form
“E justifies belief B”
as expressing the claim
E justifies belief B
but rather as expressing the claim:
According to the epistemic system C, that I, S, accept, information E justifies belief B. (Epistemic relationism)
C. There are many fundamentally different, genuinely alternative epistemic systems, but no facts by virtue of which one of these systems is more correct than any of the others. (Epistemic pluralism)."
Paul Boghossian, Fear of knowledge. Against relativism and constructivism, 2006, Oxford University Press, 2007, p. 73.
" « Le modèle copernicien est justifié par les observations de Galilée. »
Tous les jugements de ce genre, nous dit le relativiste, sont condamnés à être faux car il n'y a pas de faits absolus concernant la justification. Si nous voulons continuer à parler en termes épistémiques, poursuit-il, il nous faut réformer notre manière de parler : ne plus parler simplement de ce qui est justifié par les données de l'expérience mais de ce qui est justifié par ces données selon le système épistémique particulier que nous nous trouvons avoir, et prendre acte, du même coup, de l'absence de faits susceptibles de rendre notre système particulier plus correct qu'un autre. D'où :
RELATIVISME ÉPISTÉMIQUE
NON-ABSOLUTISME ÉPISTÉMIQUE. Il n'y a pas de faits absolus concernant le point de savoir quelle croyance est justifiée par un certain élément d'information.
RELATIONALISME ÉPISTÉMIQUE. Si nous voulons que les jugements épistémiques d'un sujet S aient une chance d'être vrais, nous ne devons pas interpréter ses énoncés de forme :
« L'information I justifie la croyance C »
comme exprimant l'affirmation :
L'information I justifie la croyance C
mais comme exprimant l'affirmation :
Selon le système épistémique E, que moi, S, j'accepte, l'information I justifie la croyance C.
PLURALISME ÉPISTÉMIQUE. Il y a de multiples systèmes épistémiques fondamentalement différents, et authentiquement alternatifs, mais il n'y a pas de faits en vertu desquels l'un de ces systèmes est plus correct qu'un autre.
Ainsi, si nous acceptons la recommandation du relativiste, nous cesserons de dire :
« Le modèle copernicien est justifié par les observations de Galilée »
et nous dirons seulement :
« Le modèle copernicien est justifié par les observations de Galilée relativement à un système, nommé "Science", que moi, l'énonciateur, j'accepte. »"
Paul Boghossian, La Peur du savoir, 2006, Chapitre VI, tr. fr. Ophelia Deroy, Agone, 2009, p. 105-106.
"1. Copernicanism is justified by Galileo's observations.
The relativist says that all such judgments are doomed to falsehood because there are no absolute facts about justification. If we are to retain epistemic discourse, the relativist urges, we must reform our talk so that we no longer speak simply about what is justified by the evidence, but only about what is justified by the evidence according to the particular epistemic system that we happen to accept, noting, all the while, that there are no facts by virtue of which our particular system is more correct than any of the others. Hence:
Epistemic Relativism
A. There are no absolute facts about what belief a particular item of information justifies. (Epistemic non-absolutism)
B. If a person, S's, epistemic judgments are to have any prospect of being true, we must not construe his utterances of the form
“E justifies belief B”
as expressing the claim
E justifies belief B
but rather as expressing the claim:
According to the epistemic system C, that I, S, accept, information E justifies belief B. (Epistemic relationism)
C. There are many fundamentally different, genuinely alternative epistemic systems, but no facts by virtue of which one of these systems is more correct than any of the others. (Epistemic pluralism)
Thus, if we accept the relativist's recommendation, we would no longer assert (I) but only:
2. Copernicanism is justified by Galileo's observations relative to a system, Science, that, I, the speaker, accept."
Paul Boghossian, Fear of knowledge. Against relativism and constructivism, 2006, Oxford University Press, 2007, p. 84-85.
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