"Arcésilas, dis-je alors, dirigea toute sa controverse contre Zénon, non par opiniâtreté ou par le désir de triompher, à ce qu'il me semble, mais à cause même de l'obscurité de ces hautes questions qui avaient amené Socrate à confesser son ignorance ; et déjà avant Socrate, Démocrite, Anaxagore, Empédocle, presque tous les anciens philosophes, dont l'opinion fut qu'on ne peut rien connaître, rien entendre, rien savoir ; que les sens sont bornés ; l'esprit, débile ; la vie, trop promptement écoulée ; et la vérité (comme le dit Démocrite), profondément enfouie ; que les opinions et les conventions ont tout envahi ; qu'il n'y a plus de place pour la vérité ; qu'en un mot, tout est couvert d'épaisses ténèbres. C'est pourquoi Arcésilas soutenait qu'on ne peut rien savoir, et non plus seulement qu'on ne sait rien ; où s'en était tenu Socrate : tant les choses sont profondément cachées. Il n'est rien, selon lui, que l'on puisse voir ou comprendre ; en conséquence, on doit ne rien tenir pour certain, ne rien affirmer, ne donner à rien son assentiment, mais retenir toujours son jugement, et se garder de toute précipitation fâcheuse et de cette légèreté qui se signale surtout lorsque l'on donne les mains à l'erreur, ou à des opinions sans motifs connus, tandis que rien n'est plus honteux que de se prononcer et d'affirmer avant d'être arrivé à la vue claire et à la connaissance exacte. Conséquent à ces maximes, il argumentait la plupart du temps contre tous les systèmes, pour donner, sur une même question, à chacune des deux thèses opposées, des raisons de même force, et faciliter par là la suspension de l'esprit entre les deux affirmations contraires. Voilà ce que l'on nomme la nouvelle Académie."
Cicéron, Secondes Académiques, Livre I, § 12.
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