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Texte à méditer :   La réalité, c'est ce qui ne disparaît pas quand vous avez cessé d'y croire.   Philip K. Dick
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Les degrés de croyance ; les différents types de croyance

  "La croyance [das Fürwahrhalten] est un fait de notre entendement susceptible de reposer sur des principes objectifs, mais qui exige aussi des causes subjectives dans l'esprit de celui qui juge. Quand elle est valable pour chacun, en tant du moins qu'il a de la raison, son principe est objectivement suffisant et la croyance se nomme conviction. Si elle n'a son fondement que dans la nature particulière du sujet, elle se nomme persuasion.
  La persuasion est une simple apparence, parce que le principe du jugement qui est uniquement dans le sujet est tenu pour objectif. Aussi un jugement de ce genre n'a-t-il qu'une valeur individuelle et la croyance ne peut-elle pas se communiquer. Mais la vérité repose sur l'accord avec l'objet et, par conséquent, par rapport à cet objet, les jugements de tout entendement doivent être d'accord [...] La pierre de touche grâce à laquelle nous distinguons si la croyance est une conviction ou simplement une persuasion est donc extérieure et consiste dans la possibilité de communiquer sa croyance et de la trouver valable pour la raison de tout homme, car alors il est au moins à présumer que la cause de la concordance de tous les jugements, malgré la diversité des sujets entre eux, reposera sur un principe commun, je veux dire l'objet avec lequel, par conséquent, tous les sujets s'accorderont de manière à prouver par là la vérité du jugement. […]

  La croyance, ou la valeur subjective du jugement, par rapport à la conviction (qui a en même temps une valeur objective) présente les trois degrés suivants : l'opinion, la foi et la science. L'opinion est une croyance qui a conscience d'être insuffisante aussi bien subjectivement qu'objectivement. Si la croyance n'est que subjectivement suffisante et si elle est tenue en même temps pour objectivement insuffisante, elle s'appelle foi. Enfin la croyance suffisante aussi bien subjectivement qu'objectivement s'appelle science. La suffisance subjective s'appelle conviction (pour moi-même) et la suffisance objective, certitude (pour tout le monde)."

 

Kant, Critique de la raison pure, 1781, Canon de la raison pure, tr. A. Tremesaygues et B. Pacaud, Paris, PUF, 1997, p. 551-552.



  "Il y a croire et croire, et cette différence paraît dans les mots croyance et foi. La différence va même jusqu'à l'opposition ; car selon le commun langage, et pour l'ordinaire de la vie, quand on dit qu'un homme est crédule, on exprime par la qu'il se laisse penser n'importe quoi, qu'il subit l'apparence, qu'il subit l'opinion, qu'il est sans ressort. Mais quand on dit d'un homme d'entreprise qu'il a la foi, on veut dire justement le contraire. Ce sens si humain, si clair pour tous, est dénaturé par ceux qui veulent être crus. Car ils louent la foi, ils disent que la foi sauve, et en même temps ils rabaissent la foi au niveau de la plus sotte croyance. Ce nuage n'est pas près de s'éclaircir. Mettons-nous dedans ; ce n'est déjà plus qu'un brouillard. On discerne quelques contours, c'est mieux que rien.
  Dans le fait ceux qui refusent de croire sont des hommes de foi ; on dit encore mieux de bonne foi, car c'est la marque de la foi qu'elle est bonne. Croire à la paix, c'est foi ; il faut ici vouloir ; il faut se rassembler tout, comme un homme qui verrait un spectre, et qui se jurerait à lui-même de vaincre cette apparence. Ici il faut croire d'abord, et contre l'apparence ; la foi va devant ; la foi est courage. Au contraire croire à la guerre, c'est croyance ; c'est penser agenouillé et bientôt couché. C'est avaler tout ce qui se dit ; c'est répéter ce qui a été dit et redit ; c'est penser mécaniquement. Remarquez qu'il n’y a aucun effort à faire pour être prophète de malheur ; toutes les raisons sont prêtes ; tous les lieux communs nous attendent. Il est presque inutile de lire un discours qui suit cette pente ; on sait d'avance ce qui sera dit, et c'est toujours la même chose. Quoi de plus facile que de craindre ?"

 

Alain, Propos, propos du 17 septembre 1927, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1956, t. I, p. 736-737.



  "Au sens le plus large, une croyance est un certain état mental qui porte à donner son assentiment à une certaine représentation, ou à porter un jugement dont la vérité objective n'est pas garantie et qui n'est pas accompagné d'un sentiment subjectif de certitude.
  En ce sens, la croyance est synonyme d'opinion, qui n'implique pas la vérité de ce qui est cru, et s'oppose au savoir, qui implique la vérité de ce qui est su. À la différence d'un savoir ou d'une connaissance, qui sont en principe absolument vrais, la croyance comme opinion est plus ou moins vraie, et peut ainsi désigner un assentiment à des représentations intermédiaires entre le vrai et le faux, qui ne sont que probables. Parce que la vérité de ce qui est cru est seulement possible, et que l'adhésion de l'esprit au contenu d'une croyance peut être plus ou moins forte, le sens de la notion varie selon le degré de garantie objective accordé à la représentation et selon le degré de confiance subjective que le sujet éprouve quant à la vérité de cette représentation.
  1. Quand la garantie objective d'une opinion est très faible, ou nulle, bien que celui qui l'affirme puisse éprouver une conviction très forte du contraire, « croyance » est simplement synonyme d'opinion fausse ou douteuse, et se décline comme préjugé, illusion, enchantement ou superstition. Ainsi les idées entretenues au sujet de phénomènes surnaturels ou magiques, comme des guérisons miraculeuses, des pouvoirs extralucides ou de sorcellerie, ou encore au sujet d'êtres ou d'événements merveilleux ou mythiques tels que fées, farfadets, fantômes ou rencontres du troisième type.
  2. Quand les croyances sont susceptibles d'être vraies ou d'avoir un certain fondement objectif, ou sont en attente de vérification ou de justification, on parle de soupçons, de présomptions, de suppositions, de prévisions, d'estimations, d'hypothèses ou de conjectures.
  3. Quand on veut désigner des croyances reposant sur un fort sentiment subjectif mais dont le fondement objectif n'est pas garanti, on parle de convictions, de doctrines ou de dogmes.
  4. On parle enfin de croyance en un dernier sens, pour désigner une attitude qui n'est pas, comme l'opinion, proportionnée à l'existence de certaines données et de certaines garanties, mais qui va au-delà de ce que ces données ou garanties permettent d'affirmer. C'est en ce sens qu'on parle de la croyance en quelqu'un ou en quelque chose, pour désigner une forme de confiance ou de foi. Dans ce cas, le degré de certitude subjective est très fort, bien que le degré de garantie objective puisse être très faible."

 

Pascal Engel, « Les croyances », dans Notions de philosophie, 1995, sous la direction de D. Kambouchner, Gallimard, coll. « Folio-essais », t. II, p. 10-11.

 

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Date de création : 19/01/2015 @ 12:39
Dernière modification : 19/01/2015 @ 12:39
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