* *

Texte à méditer :  Je vois le bien, je l'approuve, et je fais le mal.  Ovide
* *
Figures philosophiques

Espace élèves

Fermer Cours

Fermer Méthodologie

Fermer Classes préparatoires

Espace enseignants

Fermer Sujets de dissertation et textes

Fermer Elaboration des cours

Fermer Exercices philosophiques

Fermer Auteurs et oeuvres

Fermer Méthodologie

Fermer Ressources en ligne

Fermer Agrégation interne

Hors des sentiers battus
Nous croyons vrai que ce que nous désirons être vrai

  "Si l'on examine avec soin ce qui attache ordinairement les hommes plutôt à une opinion qu'à une autre, on trouvera que ce n'est pas la pénétration de la vérité et la force des raisons, mais quelque lien d'amour-propre, d'intérêt ou de passion. C'est le poids qui emporte la balance, et qui nous détermine dans la plupart de nos doutes ; c'est ce qui donne le plus grand branle à nos jugements, et qui nous y arrête le plus fortement. Nous jugeons des choses, non par ce qu'elles sont en elles-mêmes, mais par ce qu'elles sont à notre égard ; et la vérité et l'utilité ne sont pour nous qu'une même chose.
  Il n'en faut point d'autres preuves que ce que nous voyons tous les jours, que des choses tenues partout ailleurs pour douteuses, ou même pour fausses, sont tenues pour très-certaines par tous ceux d'une nation ou d'une profession, ou d'un Institut ; car n'étant pas possible que ce qui est vrai en Espagne soit faux en France, ni que l'esprit de tous les Espagnols soit tourné si différemment de celui de tous les Français, qu'à ne juger des choses que par les règles de la raison, ce qui paraît vrai généralement aux uns paraisse faux généralement aux autres ; il est visible que cette diversité de jugement ne peut venir d'autre cause, sinon qu'il plaît aux uns de tenir pour vrai ce qui leur est avantageux, et que les autres, n'y ayant point d'intérêt, en jugent d'une autre sorte.

  Cependant qu'y a-t-il de moins raisonnable que de prendre notre intérêt pour motif de croire une chose ? Tout ce qu'il peut faire au plus, est de nous porter à considérer avec plus d'attention les raisons qui peuvent nous faire découvrir la vérité de ce que nous désirons être vrai : mais il n'y a que cette vérité, qui doit se trouver dans la chose même indépendamment de nos désirs, qui doive nous persuader. Je suis d'un tel pays ; donc je dois croire qu'un tel saint y a prêché l'Évangile. Je suis d'un tel ordre ; donc je crois qu'un tel privilège est véritable. Ce ne sont pas là des raisons. De quelque ordre et de quelque pays que vous soyez, vous ne devez croire que ce qui est vrai, et que ce que vous seriez disposé à croire si vous étiez d'un autre pays, d'un autre ordre, d'une autre profession."

 

Antoine Arnauld et Pierre Nicole, La logique ou l'art de penser, 1662, 3e partie, Chapitre XX, Champs Flammarion, 1978, p. 324-325.



  "Tout ce qu'il y a eu jamais de gens sages et éclairés sur la nature des choses et sur celle de l'homme en particulier, ont reconnu que l'un des plus grands obstacles que l'on trouve dans la recherche de la vérité est que les passions viennent nous obscurcir les objets, ou faire une diversion perpétuelle aux forces de notre esprit. C'est pour cela qu'ils ont tant recommandé d'être les maîtres de ses passions, de les faire taire, et de les chasser. C'est pour cela qu'ils ont dit que l'office d'un bon juge est d'écouter les raisons des deux partis froidement et sans passion, et ils ont cru que sans cela il ne serait pas en état de rendre bonne justice. Il n'est pas jusqu'à la pitié et à la miséricorde, qualité très nécessaire dans la société civile et dan la religion, qu'ils n'aient cru capable d'obscurcir l'esprit d'un juge, et de le faire pencher du côté du faux. Il est fort certain qu'un esprit qui demeurerait tranquille dans son assiette naturelle, et qui regarderait le misérables sans ces émotions de commisération qui attendrissent le cœur, serait bien plus propre à dérouiller les artifices du mensonge, et à donner dans le point de vue de la vérité ; car enfin un misérable dont l'équipage lugubre nous fait pitié, et nous émeut toutes les entrailles, peut avoir fait le crime dont on l'accuse ; et s'il y avait des obscurités et des brouilleries dan le fait qu'un juge intelligent et sans passion pourrait dissiper par la pénétration de son génie, il s'en trouverait incapable, lorsque la pitié l'attendrirait, et le préviendrait de bonne opinion en faveur de l'accusé. En un mot rien n'est plus vrai que cette maxime d'un historien romain : Tous ceux qui consultent de choses douteuses doivent être vides de haine, d'amitié, de colère et de compassion ; car lorsque ces dispositions empêchent l'âme, elle ne discerne pas facilement la vérité."

 

Pierre Bayle, Commentaire philosophique sur ces paroles de Jésus-Christ « Contrains-les d'entrer», 1686, II, 1, Champion Classiques, 2014, p. 175-176.
 

Retour au menu sur la vérité

 

Retour au menu sur la raison et la croyance


Date de création : 01/02/2015 @ 10:41
Dernière modification : 19/03/2016 @ 16:47
Catégorie :
Page lue 5124 fois


Imprimer l'article Imprimer l'article

Recherche



Un peu de musique
Contact - Infos
Visites

   visiteurs

   visiteurs en ligne

^ Haut ^