"Le « pur savant » n'existe pas : le savant en chair et en os, le seul qui effectivement observe, raisonne et construit la science, appartient à une époque, à un milieu ; entre les idées globales que l'on se lait autour de lui de la Nature, il choisit pour son compte, et, quand il apporte du nouveau, ce nouveau s'inscrit dans un ensemble. Le plus souvent il tient à l'honneur de donner un sens historique à sa science, et même s'il entend se retirer du monde pour étudier, à côté de son « laboratoire » il a toujours son « oratoire ». Et le « pur moraliste » non plus n'existe pas. L'homme qu'il scrute est toujours celui dont la science de son temps – ou, entre les types de science effectivement proposés de son temps, celui qu'il a au moins confusément choisi - définit la situation dans le monde. D'où le petit jeu qui a toujours sévi, et sévit aujourd'hui plus que jamais, de « prouver » par la science la morale que l'on professe."
Robert Lenoble, Esquisse d'une histoire de l'idée de Nature, 1969, Albin-Michel, p. 30.
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