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Hors des sentiers battus
Résumés sur la nature

Résumé n°1 : Robert Lenoble, Esquisse d'une histoire de l'idée de Nature, Albin-Michel, 1969, p. 27-32.

 

Texte à résumer en 200 mots (± 5 %) :

  "On voudrait attirer ici l'attention Sur un problème d'une importance exceptionnelle et cependant méconnu.
  Dans les ouvrages du XVIIIe siècle où il est parlé de l'histoire des sciences, on retrouvera presque inévitablement une phrase comme celle-ci : L'ancienne physique n'avait accumulé que des nuages ; mais avec Bacon et Descartes commence l'observation de la Nature. Il est alors entendu qu'avant le XVIIe siècle les physiciens se contentaient de répéter Aristote et n'avaient jamais pensé à regarder la Nature.
  Depuis les travaux de Duhem, les choses paraissent plus complexes. Non seulement on a découvert, outre Ptolémée qui était déjà connu, les nominalistes du Moyen Age comme Jean Buridan et les « pré-moderne » comme Giambattista della Porta, mais on a compris quel immense effort d'observation et d'organisation avait dû fournir Aristote lui-même l'ancien bouc émissaire de l'histoire des sciences – pour construire, contre les mythes de son temps, une Nature cohérente et soumise à des lois. Autrement dit, ce n'est pas au xvn" siècle mais beaucoup plus tôt que l'on aurait « commencé à regarder la Nature ».
  Mais cette expression même, que peut-elle bien signifier ?  Croit-on vraiment qu'il y eut jamais une époque où l'homme n'observait pas la Nature ? À quoi donc passait-il son temps, et comment pouvait-il subsister ? La Nature, mais il vit en elle, il lui emprunte ses ressources, il ne peut durer qu'en apprenant à se protéger. Si les historiens des sciences assez patients pour étudier en toute impartialité l'œuvre  des Grecs classiques tiennent que leur science fut elle aussi un « miracle » au même titre que l'art de leurs écrivains et de leurs sculpteurs, les préhistoriens auraient tout autant de raison de parler de ces miracles oubliés que furent la sélection des céréales, la domestication des animaux utilisables, l'invention des premiers métaux.
  Suffit-il alors de reculer beaucoup plus haut qu'on ne l'avait cru – et finalement jusqu'aux origines de l'humanité – la prise de contact de l'homme et des choses ?
  Dans la mesure où elle n'est pas un truisme, cette vue serait pourtant aussi fallacieuse que la datation d'une époque à laquelle l'homme aurait commencé à observer. On supposerait alors, conformément au schème de l'empirisme du XVIIIe siècle, que l'homme, confusément puis plus nettement en quête de « lumières », aurait toujours regardé la Nature avec les mêmes yeux, se posant les mêmes problèmes, et les résolvant peu à peu en accumulant des « faits » comparables ou exactement de même ordre. Ce qui constitue une erreur aussi grave que la première.
  Dans la nature, les primitifs cherchaient à comprendre la volonté des dieux de la mer, des volcans et des fleuves ; Aristote, une hiérarchie de formes organisées ; Descartes et les Modernes, les leviers d'une machine où « tout se passe par figure et mouvement » ; sans renoncer complètement, tant s'en faut, à la machine, nous savons aujourd'hui que la machinerie cartésienne recélait elle aussi une part de mystère, et nous cherchons dans la matière des équilibres mathématiques qui ne rejoignent que par affleurement, si l'on peut dire, les lois de l'ingénieur du XIXe siècle. Il suffit de piquer ces quelques exemples pour comprendre que, si le monde physique reste identique à lui-même, il peut prendre pour l'homme des visages complètement différents. Nous n'assistons pas au progrès d'une recherche menée sur le même objet : sous les mots de « Nature », de « science » et de « lois », on ne voyait pas les mêmes choses, on ne construisait pas le même type de science, on ne cherchait pas les mêmes lois. En ce sens, « notre » Nature et notre « science » peuvent bien avoir leur date de naissance, ce qui ne veut pas dire qu'auparavant on ne regardait rien. En un mot, on a toujours observé la Nature, seulement ce n'était pas la même.
  Mais la Nature n'est pas le champ du seul savant. Elle parle aussi au poète et à l'artiste. Au moraliste et au théologien elle se présente tantôt en ennemie (il faut lui résister), tantôt en auxiliaire (elle est la gloire de Dieu) ou en règle suprême (Naturam sequere[1] !). Une très vieille tradition la représente comme une Mère. Diderot perdait le sentiment quand elle lui révélait ses merveilles. La Naturphilosophie allemande du XIXe siècle n'est en grande partie qu'une modernisation de ce thème essentiel de la Mère Nature, dont nous verrons tout au long de l'histoire l'énorme importance. Mais cette Mère, on peut aussi se la représenter comme une marâtre. Puisque l'humanité garde le désir de subsister, c'est qu'elle trouve en elle assez d'optimisme pour se défendre de cette vision. Pourtant la fécondité de la Nature, source d'émotion religieuse pour les uns, est donnée par les pessimistes, un Malthus, un Schopenhauer, pour le mal essentiel et la suprême illusion. Ces deux aspects de la Mère Nature, admirable ou terrible, s'entrecroisent curieusement dans le matérialisme dialectique, chez qui la ferveur mécaniste fit l'effet d'une crise de jeunesse, et dans les philosophies de l'histoire de notre époque qui sont des apocalypses.
  On trouvera peut-être trop ambitieux de comprendre dans une même étude ces deux aspects « scientifique » et « moral » de l'idée de Nature. Le seul objet du présent travail, qui, en attendant peut-être des développements plus amples, veut simplement donner un schème, c'est de montrer que ces deux aspects sont inséparables. Le « pur savant » n'existe pas : le savant en chair et en os, le seul qui effectivement observe, raisonne et construit la science, appartient à une époque, à un milieu ; entre les idées globales que l'on se lait autour de lui de la Nature, il choisit pour son compte, et, quand il apporte du nouveau, ce nouveau s'inscrit dans un ensemble. Le plus souvent il tient à honneur de donner un sens historique à sa science, et même s'il entend se retirer du monde pour étudier, à côté de son « laboratoire » il a toujours son « oratoire ». Et le « pur moraliste » non plus n'existe pas. L'homme qu'il scrute est toujours celui dont la science de son temps – ou, entre les types de science effectivement proposés de son temps, celui qu'il a au moins confusément choisi - définit la situation dans le monde. D'où le petit jeu qui a toujours sévi, et sévit aujourd'hui plus que jamais, de « prouver » par la science la morale que l'on professe.
  Le lien de la science et de la vie, on le trouve, me semble-t-il, au niveau de ce que Duhem appelait les « théories explicatives », ces vastes essais destinés à donner une idée d'ensemble de la Nature, et qui toujours se profilent par-delà ces arrangements des phénomènes sous des lois que sont les « théories descriptives ».
  La distinction de Duhem est légitime, en ce sens qu'on peut toujours tracer une nomenclature des « descriptions », de plus en plus exactes, données dans chaque science à mesure qu'elle progresse. Mais il ne s'ensuit pas que cet « écrémage » de résultats traduise le progrès d'une recherche homogène. Dans les vicissitudes de la science (comme dans celles des peuples), le résultat résume toujours une multitude d'efforts, tantôt concordants mais souvent hétérogènes, où l'esprit se trouve tout entier engagé ; et l'histoire commence, en réalité, quand on étudie les causes. Peut-on identifier l'atomisme d'Épicure – pour lui l'atome est par définition « l'insécable » – et notre atomisme qui parle d'une « structure de l'atome » ? Peut-on même croire qu'objectivement ces deux atomes soient deux « descriptions », l'une plus vague l'autre plus précise, du même donné ?
  Duhem lui-même, au demeurant, avait montré que l' « explication » a souvent orienté la « description ». Pour reprendre l'un de ses exemples les plus significatifs, le rejet de la physique hellénique du Grand Retour et l'ouverture du monde vers un développement linéaire a été, au début de l'ère nouvelle, l'œuvre  de théologiens qui ne voulaient pas soumettre l'Histoire sainte à des recommencements périodiques. Mais on peut aller plus loin, et découvrir jusque dans la structure des « descriptions » telles qu'elles ont été historiquement proposées, les marques constitutives des « explications », c'est-à-dire des conceptions de la Nature dont elles s'inspiraient. Il n était pas possible de trouver des « descriptions » mécanistes des phénomènes tant qu'on se représentait la Nature comme une Mère providentielle, tout simplement parce qu'on n'en cherchait pas. Il n'était pas possible de « décrire » l'évolution des espèces tant que l'homme était érigé en prototype des choses et que ce prototype était conçu comme rigoureusement immuable.
  En fait, la conception du monde dépend pour une petite partie seulement des idées scientifiques. Elle reflète plus encore des besoins moraux et sociaux, voire des désirs inconscients. C'est pourquoi nous disions que c'est à ce niveau que s'opère la jonction de la science et de la vie. Situer le fait scientifique, et donc l'observation, dans un Empyrée[2] étranger aux motions humaines serait subir ce qu'Érik Dardel appelle si justement « la magie de fait », oublier que l'observation n'est point passive mais active. Dans les fossiles, où les philosophes du XVIIIe siècle « voyaient »  encore des « jeux de la Nature », nous « voyons » les restes d'animaux ou de plantes disparus : la perception était identique mais il ne s'agissait aucunement du même « fait ».
  Sous le développement en apparence unilinéaire et « logique » de la connaissance de la Nature, nous relèverons donc quelques-unes des attitudes particulièrement caractéristiques qu'a prises l'homme devant cette Nature qu'il veut percer par la science, sans doute, mais riche aussi pour lui de valeurs de toute sorte. La science à son tour est une de ces valeurs, nullement isolée des autres, mais agissant sur elles et agie par elles. Il y a la Nature du savant, la Nature du moraliste, la Nature de l'artiste, et l'on ne peut vraiment comprendre aucune d'elles si l'on ne ressaisit pas l'unité, car il n'y a qu'un homme aux prises avec ses problèmes ; l'impartialité de la science elle-même est une conquête de la morale et une vision esthétique. On verra en particulier que l'histoire de la science n'est pas le « meublement » de l'esprit par les sensations, comme le pensait l'empirisme du XVIIIe siècle que trop de savants prennent encore pour une vérité, mais une lente réforme de la conscience par elle-même, pour gagner enfin le droit de voir la Nature telle qu'elle est."

 

Robert Lenoble, Esquisse d'une histoire de l'idée de Nature, Albin-Michel, 1969, p. 27-32.

 

Corrigé proposé :

  Contrairement à ce qu'elle a voulu faire croire, la physique moderne, née au XVIIe siècle, n'est pas la / première à avoir observé la nature. Les hommes ont en effet toujours eu besoin de connaître et donc d'étudier / la nature [cette dernière]. Toutefois, si la réalité physique en elle-même est demeurée identique, chaque époque l'a regardée de manière / différente, de sorte que l'on peut dire qu'il ne s'agissait pas d'une même nature.
  Par ailleurs, / on ne peut se limiter à l'aspect scientifique de la nature, car il existe aussi un aspect moral de / celle-ci, qui explique qu'elle puisse être envisagée aussi bien comme une mère généreuse que comme une marâtre cruelle. / Or, on ne peut séparer ces deux aspects, car le savant est autant tributaire de la morale de son temps / que le moraliste l'est de la science.

  [Comme l'a montré Duhem] La description scientifique de la nature est ainsi toujours liée à une / explication morale de celle-ci, laquelle change avec les époques. Pour comprendre les progrès qui ont permis d'aboutir à / une connaissance objective de la nature, il faut donc à la fois saisir l'unité des vues (scientifique, artistique, morale) / portées sur elle, et leur évolution au cours du temps.

 

199 mots [204]


[1] « Suivre la nature. »
[2] Empyrée : partie du ciel la plus élevée, que les anciens regardaient comme le séjour des divinités célestes.

 


Date de création : 16/09/2015 @ 10:07
Dernière modification : 16/09/2015 @ 10:07
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