"S'il est permis de parler de l'image de la nature selon les sciences exactes de notre temps, il faut entendre par là, plutôt que l'image de la nature, l'image de nos rapports avec la nature. L'ancienne division de l'univers en un déroulement objectif dans l'espace et le temps d'une part, en une âme qui reflète ce déroulement d'autre part, division correspondant à celle de Descartes en res cogitans et res extensa, n'est plus propre à servir de point de départ si l'on veut comprendre les sciences modernes de la nature. C'est avant tout le réseau des rapports entre l'homme et la nature qui est la visée centrale de cette science ; grâce à ces rapports, nous sommes, en tant que créatures vivantes physiques, des parties dépendantes de la nature, tandis qu'en tant qu'hommes nous en faisons en même temps l'objet de notre pensée et de nos actions. La science, cessant d'être le spectateur de la nature, se reconnaît elle-même comme partie des actions réciproques entre la nature et l'homme. La méthode scientifique, qui choisit, explique et ordonne, admet les limites qui lui sont imposées par le fait que l'emploi de la méthode transforme son objet, et que, par conséquent, la méthode ne peut plus se séparer de son objet. Cela signifie que l'image de l'univers selon les sciences de la nature cesse d'être, à proprement parler, l'image de l'univers selon les sciences de la nature."
Werner Heisenberg, "La Nature dans la physique contemporaine", 1949, tr. fr. A. E. Leroy, in La Nature dans la physique contemporaine, Folio essais, 2000, p. 142.
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