"La vérité peut se reconnaître à sa beauté, à sa simplicité. Il est toujours facile quand on a trouvé une hypothèse et fait deux ou trois petits calculs afin de s'assurer que ce n'est pas visiblement faux, de savoir que c'est juste. Quand on tombe juste, cela se voit d'une manière évidente – en tout cas si vous avez quelque expérience – car, en général, les bénéfices sont supérieurs aux investissements. Votre hypothèse, en fait, se ramène à affirmer la simplicité de la théorie. Si vous ne voyez pas tout de suite l'erreur, et si c'est plus simple qu'avant, alors c'est juste. Les inexpérimentés et les farfelus de tout genre font des hypothèses simples, mais on voit tout de suite qu'elles sont fausses, et ça ne compte pas. D'autres, les étudiants débutants, font des hypothèses compliquées et qui ont à peu près l'air d'être justes, mais je sais que c'est faux parce que la vérité se révèle toujours comme plus simple que ce que vous pensiez. Nous avons besoin d'imagination, mais d'une imagination très étroitement corsetée. Il nous faut trouver une nouvelle vision du monde en accord avec tout ce qui est déjà connu, mais en désaccord quelque part dans ses prédictions, autrement ce ne serait pas intéressant. Et ce désaccord doit s'accorder avec la nature. Si vous arrivez à trouver une autre vision du monde qui soit en accord avec le champ des observations déjà faites, mais en désaccord ailleurs, vous avez fait une grande découverte. Il est pratiquement impossible, mais pas complètement, de trouver une théorie qui soit en accord avec les expériences dans tous les domaines où les théories ont été vérifiées, et qui pourtant donne des conséquences différentes dans un autre domaine, même une théorie dont les conséquences différentes ne  s'accorderaient pas avec la nature. Il est très difficile d'inventer une nouvelle idée. Cela demande une imagination fantastique."

Richard Feynman, La Nature des lois  physiques, 1965, Chapitre 7, tr. fr. Hélène Isaac et Jean-Marc Lévy-Leblond, Points sciences, 1980, p. 204-205.

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